Chapitre 4

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Certains pensent que, lorsqu'on meurt, on voit un tunnel avec de la lumière au bout. C'est faux. La mort est une sensation désagréable, qui s'infiltre jusqu'au plus profond de notre être, comme le froid une journée d'hiver, nous faisant frissonner et remuant chaque parcelle de notre corps. C'est ça la mort. Et ce n'est pas un tunnel. Ce n'est qu'un tourbillon noir, où il faut lutter contre l'inconscience en tout temps. Dans ce tourbillon, tous les esprits ne font qu'un.

Je perçois certaines pensées de personnes mortes en même temps que moi: "Maman!", "Qu'est-ce qui se passe?", "Au secours!". J'aperçois même quelques visages par la pensée, figés d'effroi. Comment en sommes-nous arrivés là? Où ce tourbillon nous amène-t-il? Est-ce que nous sommes condamnés à rester ici pour l'éternité? Finalement, la tentation est trop forte, et j'arrête de lutter. D'ailleurs, les pensées des autres personnes se sont tues. Elles doivent elles-aussi être dans le coma. Alors, tout doucement, je me laisse glisser dans l'inconscience.

Lorsque je me réveille, l'odeur de brûlé me frappe aussitôt. Elle est tellement forte que je me demande même si ça ne serait pas la pièce qui brûle. Mais je ne ressens aucune chaleur. Par contre, je sens un léger picotement dans ma nuque. D'habitude, c'est mon instinct qui m'avertit d'un danger imminent. Et je me fie toujours à mon instinct. Tous les sens en alerte, je me relève d'un bond.

-Y'a quelqu'un?

Silence de mort. Mes yeux s'habituent peu à peu à l'obscurité, et je finis par distinguer une pièce aux quatre murs dépourvus d'ornements, avec une petite table, un poêle à bois et quelques tabourets. Le reste est plongé dans le noir. Je fouille dans ma besace en quête d'allumettes. J'en saisis une et l'allume aussitôt. L'obscurité de dissipe lentement, reculant face à la petite flamme vacillante et tremblotante. J'aperçois alors une vieille étagère, quelques piles de livres ça-et-là et un escalier menant au prochain étage. En haut, plusieurs portes sont closes, menant sûrement à des chambres maintenant désertes. Et soudain, ça me revient. Je suis mort dans cette maison. Dans le feu de l'action, je n'avais pas beaucoup observé la pièce, mais je sais avec conviction que c'est celle-ci. Je ne peux pas dire pourquoi. Je le sais, c'est tout. Je décide donc de sortir, car cette pièce m'inspire des pensées assez traumatisantes. Lorsque je franchis le seuil de la porte, je suis ébahi. Un spectacle horrifiant m'attends dehors.

Les maisons sont pour la plupart détruites, ou brûlées. Le ciel, autrefois si bleu, est maintenant teint de la couleur du sang. Toute la verdure a disparu, et au-delà du village s'étendent sans fin des bandes de terre sèches et fades. Même le petit ruisseau a été souillé. Son eau, auparavant claire et limpide, est maintenant d'une couleur douteuse, salie, polluée. Si je devais faire une description des enfers, c'est cet endroit que je décrirais.

Les autres habitants commencent eux-aussi à se réveiller, comme d'un mauvais rêve. Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que le monde où ils se réveillent est encore pire que celui de leurs cauchemars...

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