IV

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Je devais tout faire pour ne pas tomber. Je reculais vers l'arrière et ma hanche frappa violemment le rebord de la table en métal. Mais grâce à ça, j'avais pu rattraper les draps et j'avais récupéré mon équilibre. Je fis comme si de rien et fini mon travail avec une vive douleur à la hanche. Celui qui m'avait poussé devait rager de ne pas avoir réussi, c'était un membre de mon bloc. Il était le parfait cliché du méchant dans les films de prison. Il fit comme s'il n'avait rien fait et avança vers le centre de la pièce. C'était si enfantin, il méritait tellement mon poing dans la figure.

Il voyait sûrement en moi une potentielle victime, à cause de ma faible corpulence et ma taille, mais il fallait toujours se méfier de l'eau qui dormait.

Un sifflet fit résonner mes tympans.

_ En ligne ! C'est l'heure de déjeuner ! Suivez-moi !

On avança dans les nombreux couloirs, je croisais d'autres détenus, pourtant un silence de mort régnait. Aucun ne parlait. Les portes s'ouvrirent, l'ambiance de la cantine était tout autre. Tout le monde parlait.

Lorsqu'ils franchirent la porte, les bouches s'ouvrèrent en quelques secondes. J'étais comme plongé dans un autre monde. Je m'étais habitué à ne rien entendre et maintenant que j'étais ici, j'en avais mal au crâne. Je soupirais profondément avant de m'y engouffrer à mon tour. Je reconnaissais quelques personnes provenant de mon bloc, mais ils semblaient occuper à manger et parler avec d'autres détenus.

J'allais manger seul et c'était tant mieux. Je prenais mon plateau et m'assit près d'une petite table. Mes yeux se posèrent sur la nourriture qui ne me donnait pas du tout envie, c'était immonde. L'aspect physique était dégoutant, je me demandais si j'allais vite m'habituer à ce genre de chose. Je pris une cuillère et avalais rapidement sans prendre de plaisir.

Je reçus une tape contre mon dos et quelqu'un s'assit à côté de moi.

_ Alors, c'était comment cette première matinée ?

_ Ne me touche pas.

_ T'es de mauvaise humeur toi.

Je roulais des yeux. Ce n'était pas nouveau que je sois comme ça, c'était une évidence. Je détestais qu'on me touche, même ma propre famille ne me faisait pas ça. De plus, je ne les voyais pas souvent, même jamais, pour qu'il ait l'opportunité de le faire.

_ Qui est le gars avec la cicatrice sur la mâchoire ? Dis-je en prenant une autre bouchée.

Cet homme, celui qui m'avait poussé, m'intriguait et m'énervait à la fois. On pouvait clairement voir qu'il n'était pas un homme innocent et qu'il avait fini ici en faisant une chose grave. Je voulais plus d'information sur lui.

_ Ah, tu parles de 1298, dit-il sans même lever la tête. Il est le plus gros enfoiré de notre bloc.

_ Il est tombé pour quoi ?

_ Pédophilie, viol, meurtre. Tout ça sur des enfants et des jeunes adolescents.

Je voyais mieux quel genre de personne était ce 1298. La pire des crasses du monde, il ne méritait pas le pardon, même les conditions actuelles, dans lesquelles il vivait, étaient beaucoup trop gentilles pour lui. Il devait tout simplement passer sa vie au trou.

_ Il a pris la perpétuité.

_ Encore heureux, dis-je dans un soupir.

_ Oui, mais du coup il n'a plus rien à perdre, il adore terroriser les plus faibles.

Dans l'état dans lequel nous étions, la peine de mort avait été aboli, ce qui voulait dire qu'il n'y avait plus eu d'exécution depuis plusieurs années déjà. C'est pourquoi certaines personnes en profitait et prenait la grosse tête en se disant qu'il ne risquait rien de plus que la prison à vie.

Jail | Eruri |Où les histoires vivent. Découvrez maintenant