Chapitre 25 : Insight de la première intrusion (époque : 2021)

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- Dr Stevens ! Dr Stevens, vous allez bien ? s'exclame avec inquiétude le jeune officier en relevant le grand homme maigre qui s'était écroulé un étage au-dessus sans raison apparente. Le psycho-criminologue retrouve ses esprits.

- Qui y-a-t-il ? Comment ? Qu'est-ce que... ? répond Jonathan Stevens à Juan DeSalva. Comme les autres forces d'intervention, l'officier fixe le clinicien avec un regard inquiet.

- Vous êtes tombé au moment de frapper la porte. Vous ne bougiez plus et vous aviez des convulsions. On a entendu frapper, puis plus rien, alors nous sommes venus vérifier et vous étiez étendu.

Les yeux irrités, dans le vague, le front et le haut des cheveux trempés, J. Stevens tente tant bien que mal de se ressaisir. Il revient d'un état étrange, inqualifiable. Les mains moites, la gorge sèche, les joues brulantes, accompagné d'une puissante fièvre... dans une autre situation un diagnostic viral serait pertinent. Malgré la migraine qui le saisit, il s'efforce de réfléchir.

Il sort finalement une cigarette. S'il doit mourir lors d'une intervention, ce sera en se consumant ainsi : cendres du tabac et poussières du corps mêlées. Il ne faut pas perdre le contrôle, outre mesure il entend. J. Stevens connaît cet état de transe, il en a l'habitude, même si ce n'est jamais aussi puissant et soudain.

Il était dans le néant.

- Avez-vous entendu quelque chose après que j'ai frappé ? Une réponse ou une action ?

- Pour ma part, je n'ai rien entendu en retour, précise un policier, ce que confirme le second.

- Vous n'avez frappé qu'un coup, ajoute J. DeSalva, il y eut un bruit de clés puis votre effondrement. Vous avez frappé sans force puisque vous être tombé au même moment.

- Un bruit de clés ?

J. Stevens ne se rappelle pas. Il observe dans sa main droite un trousseau de clés aux initiales de Jack Sallow... comment est-ce possible ? Des images lui reviennent. Il se voit frapper la porte. Au moment de saisir la poignée, d'autres images le saisissent avec les clés entre ses doigts, glissant dans la serrure.

De nombreuses interrogations traversent le psycho-criminologue :

« Le couturier aurait-il laissé volontairement les clés sur la porte afin de prévenir qu'il était vain de s'immiscer de forces ? Il a déjà vécu une intervention, c'est plausible. Ou bien un message de bienvenue qui est personnellement adressé ? Si les initiales du couturier se trouvent sur les clés du bien des victimes, c'est qu'il y a réfléchi. »

- Que faisons-nous ? On maintient le plan ? demande le responsable des forces d'intervention.

Le questionnement est partagé par Juan DeSalva qui se touche une nouvelle fois le torse, pris entre ses peurs et les exigences de la famille d'Eli que la croix tatouée sur sa peau lui rappelle constamment. Un impératif inscrit dans une chair qui culpabilise l'esprit.

Un autre élément frappe le psychologue, comment l'auteur de la prise d'otage n'a-t-il pu l'entendre alors que la pièce semble si calme ?

« L'agresseur a été prévenu de la montée d'un négociateur, qu'il a lui-même exigé, réfléchit J. Stevens. Peut-être même a-t-il laissé volontairement les clés. Donc en cas de bruit, il devrait réagir. »

Deux explications possibles viennent au clinicien, ou bien l'auteur en question n'est plus présent sur les lieux, s'étant enfuit ou suicidé, ou bien J. Sallow connaît ses habitudes : d'ordinaire, il ne frappe jamais aux portes dans ce genre de situation. Ainsi, l'agresseur connaîtrait-il ses interventions ?

- Vous êtes toujours certain de vouloir y aller seul ? Si vous n'êtes pas en état, on peut envisager un autre plan ? dit Juan DeSalva.

Jonathan Stevens n'écoute pas, il est préoccupé par bien plus important. Il estime, comme bien souvent, que la question n'est pas très intéressante. La cigarette tombant sur le bord des lèvres, il juge qu'il ne serait pas professionnel de reculer à ce moment ci. Ce qui crée un doute ? un événement personnel que nul ne peut comprendre, son « néant ».

« Suis-je parvenu à m'activer dans son esprit à une distance si importante et sans le déclencher ? » se répète-t-il en boucle. Cela ne s'était jamais produit auparavant, même s'il est vrai que les dernières manifestations ont des intensités croissantes. Au-delà de ça, il s'est invité dans la mémoire de l'activé, Jack Sallow qui lui a dévoilé un incident d'enfance. Sa pathologie se manifeste dès lors dans les souvenirs.

« Traumatisme, traumatisme, quand tu nous tiens. Si tu me montres le tien je te dévoile le mien... » fredonne-t-il doucement dans sa fumée de cigarette, avec un sourire froid aux lèvres.

- Vous entrez ou non Docteur ? redemande, inquiet, Juan DeSalva.

- Oui, retournez à l'étage inférieur. En cas de soucis, vous m'entendrez taper violement contre la porte.

Ils se retirent. J. Stevens jette sa cigarette dans le vide des escaliers.

« Allez, inspire, expire. T'en as vu d'autres. On souffle un coup et on y va. Amor fati. »


Aparté XI : Le Néant et l'Abîme

L.M., Philologue et Sociologue. Principal conseiller du chef de la famille d'Eli.

(78e ère de la famille d'Eli).

Dr J. Stevens FACE au NEANT [WATTYS21, 2 Watt'Cheers... -Edité-] (Partie 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant