Chapitre 1

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Travis est la fiche de poste

– 11368, 11370...

Je roulai au ralenti sur Laurel Drive, sourcils froncés, cherchant l'adresse que j'avais griffonnée à la hâte sur une vieille enveloppe. Je poussai un soupir avant de faire descendre la vitre côté conducteur. La chaleur californienne, sèche et brûlante, s'engouffra dans l'habitacle, me faisant presque suffoquer.

Je remontai la rue, scrutant les numéros.

– Une grande villa blanche avec piscine, marmonnai-je.

La femme qui devait me recevoir avait été expéditive et, à son ton autoritaire, j'avais vite compris que poser des questions n'était pas à l'ordre du jour. Nos échanges – du moins, ses instructions – avaient été concis et débités en moins de quinze secondes. L'adresse, une vague description du lieu, et un ultime conseil :

– Soyez à l'heure. Je déteste les gens en retard.

Il me restait presque quinze minutes pour localiser le lieu du rendez-vous. Mes derniers entretiens avaient eu lieu en plein quartier d'affaires, dans des bureaux impersonnels, le plus souvent gris et surclimatisés. Cette fois, j'avais le droit de visiter les quartiers chics résidentiels, une succession de maisons immenses cernées de hauts murs ou de haies parfaitement taillées.

Il n'y avait aucune chance que je repère donc cette fichue villa blanche avec piscine.

– 11402 ! m'écriai-je, victorieuse.

L'adresse ne faisait pas exception au reste de la rue. La propriété était entourée d'un mur blanc, lui-même surmonté d'une haie épaisse en buis. Une large double porte en bois sombre trônait sur la gauche. Je me garai en face, ignorant le fait que ma voiture vieillotte et bleu passé faisait tache au milieu des 4X4 luxueux et des berlines rutilantes.

Dans le miroir de courtoisie, je vérifiai mon maquillage et me pinçai les lèvres après avoir appliqué une ultime couche de gloss. Je vérifiai l'heure à ma montre et m'extirpai de la voiture. Sans la climatisation laborieuse de la voiture, la chaleur s'abattit sur mes épaules, comme une lourde chape. Je tirai sur mon chemisier noir sans manches et ajustai ma jupe bleu nuit. C'était ma tenue la plus chic et la plus professionnelle de ma garde-robe.

Armée de mon CV et de ma mine la plus réjouie, je sonnai à l'interphone. Après presque trois mois de recherches intensives, je commençais à être rompue à l'exercice : sourire, poignée de main ferme, petit hochement de la tête, brève explication de mon cursus universitaire, dégoter un défaut acceptable – perfectionniste, rigoureuse, maniaque, exigeante, bosseuse, rayez la mention inutile – et tenter de ne pas grimacer à la mention du salaire ridicule qui me serait proposé.

J'avais besoin de ce travail. Sinon, ma voiture allait devenir mon appartement.

J'avais besoin de ce travail. Histoire de prouver à ma famille que je pouvais m'en sortir sans eux.

J'avais besoin de ce travail. Parce que même si la chaleur californienne était difficilement supportable, c'était toujours mieux que la grisaille londonienne et son intolérable pluie.

– Oui ?

Une voix féminine grésilla à l'interphone. Je me penchai vers le micro et sans attendre que je me présente, une des portes se déverrouilla. Hésitante, je la poussai doucement, découvrant une allée pavée traversant une pelouse parfaitement entretenue. Mes talons claquèrent sur les dalles, pendant que je cherchai une preuve de vie.

Je parvins devant une nouvelle porte et alors que je m'apprêtais à frapper mon poing contre le bois, elle s'ouvrit. Devant moi se tenait une femme tirée à quatre épingles, ses cheveux blonds cascadant en boucles sur ses épaules. Son tailleur blanc était certainement sur-mesure et une paire de talons vertigineux terminait l'ensemble.

En désaccordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant