Chapitre 6

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Commençons par une douche.

– De l'aide peut-être ?

Ma colocataire, Isabel, s'appuya sur le chambranle de ma porte avant de croquer dans une pomme. Je menais une lutte sans merci contre ma valise et je devais admettre que, pour le moment, elle gagnait.

– Est-ce que tu peux t'asseoir sur la valise, pendant que je tente de la fermer ? demandai-je dans une grimace.

– J'hésite. C'est assez marrant de te voir galérer.

– Isabel, mon vol est dans 4 heures. Ce qui signifie que mon sens de l'humour est sûrement perdu quelque part entre mon placard et le fond de mon lit.

– Seattle n'est pas si loin. Si tu loupes ton vol, tu peux toujours y aller en voiture.

– Si je loupe ce vol, inutile d'aller à Seattle. Margaret lancera des tueurs à mes trousses et je finirai avant ce soir au fond de l'océan avec une pierre aux pieds.

Je me levai et admirai l'état de ma chambre. La majorité de mes vêtements étaient dans cette valise. Mais, dans la bataille, j'avais étalé sauvagement certaines de mes tenues sur mon lit et au sol. Mes vieux tee-shirts universitaires côtoyaient de vieux pulls en laine déformés, pendant que ma robe de promo, mélange audacieux de sequins noirs et de satin bleu, gisait, abandonnée, sur le lit.

– Je veux bien t'aider, mais tu réalises que tu vas devoir ouvrir et fermer cette valise un nombre incalculable de fois ? reprit Isabel.

– Je sais. C'est justement ce qui m'épuise.

– Tu aurais dû acheter une valise plus grande.

– J'aurais dû refuser ce boulot et cette tournée...Et tout ce qui va avec.

– Oh, y compris Travis ?

Isabel haussa un sourcil entendu, puis de l'index, m'intima de me rassoir sur ma valise rose bonbon. J'obtempérai dans un soupir et, quand elle me la tendit, je croquai dans sa pomme. J'appuyai de tout mon poids, savourant le déclic de la fermeture.

– Merci, soufflai-je.

– Donc, Travis ? reprit ma colocataire.

– Quoi, Travis ?

– Ellie, je n'ai vu ce type qu'habillé et je sais qu'il est tout à fait...comestible.

– Et ?

– Et je sais que tu l'as vu à moitié nu.

– Torse nu, corrigeai-je. Et parce qu'il avait sa séance de sport près de la piscine.

– Oh, donc tu admirais la vue à des fins totalement professionnelles ?

– Tout à fait. Et je n'admirais pas la vue, précisai-je en voyant Isabel rire aux éclats.

– Vraiment ? s'étonna-t-elle.

– Vraiment.

– Tu aurais dû. Quand on s'exhibe de la sorte, c'est pour être vu.

Je me contentai de hausser les épaules. Après notre petit incident de piscine, j'avais choisi de me tenir éloigné de Travis. Je limitai nos échanges au strict minimum, et uniquement sur des sujets professionnels : son agenda, ses déplacements, ses rendez-vous. Je le regardai dans les yeux, ne m'égarai jamais sur ses lèvres ourlées, ou sur son torse aux muscles parfaitement dessinés, ou sur son odeur envoutante, mélange d'agrumes et de sauge.

J'étais la parfaite assistante. Parfaite, avec une imagination débridée et incontrôlable. Mais ça, ni Isabel, ni Travis n'avaient besoin de le savoir.

En désaccordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant