Chapitre 7

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J'aime bien quand tu me mates

La voiture nous avait déposés sur le front de mer. Après avoir vérifié dix fois si aucun photographe ne nous suivait, Travis était sorti de l'habitacle.

– Quelles sont les chances que Margaret me laisse la vie sauve après cette évasion ? l'interrogeai-je en scrutant d'éventuels tueurs à gage.

– Elle ne va pas te tuer, m'assura Travis avec un large sourire.

– Oh, tu vas me couvrir ?

– Elle est probablement déjà au courant. Je connais Margaret. Son grand plaisir, c'est de torturer les gens, pas de les tuer.

– C'est censé me rassurer ?

Dans ma poche, mon téléphone vibra. Ou alors, il s'agissait d'une grenade sur le point de m'exploser au visage et de faire de gros dommages. Sur l'écran, s'affichait déjà une demi-dizaine d'appels de Julia et le double de Margaret. Ma gorge se serra d'angoisse, mais, très vite, Travis prit mon téléphone et le fourra dans la poche de son jean.

– J'ai dit que je t'invitais à dîner, me rappela-t-il.

– Tu veux qu'on aille au restaurant ? l'interrogeai-je, un peu inquiète. Jerry n'est pas là et je ne suis pas certaine de pouvoir contenir une émeute si tu t'installes tranquillement à une table.

– Faisons en sorte que le restaurant vienne à nous.

D'un geste de la tête, il désigna un restaurant sur le trottoir en face. Tout en pivotant, je captais déjà deux ou trois regards curieux. D'ici quelques minutes, si nous ne bougions pas, tout le monde saurait où nous sommes.

– Tu devrais remettre ta capuche, suggérai-je à Travis. Je m'occupe du dîner.

Trente minutes plus tard, je ressortis du restaurant avec un sac en papier, couvert de tâches grasses. Je me promis de faire diète le lendemain, histoire de compenser le pic de cholestérol que mon corps allait subir. Je retrouvai Travis sur la plage, ses baskets à la main et son jean remonté au niveau des chevilles. C'était la première fois que je côtoyais mon patron loin de ses impératifs habituels : il n'était pas en pleine séance de sport, ni en interview, ni prêt à participer à une soirée à laquelle il ne connaissait personne.

Tout ce qu'il s'infligeait – sport, interview, soirées – était un mystère pour moi. De fait, je me disais souvent que Travis ne vivait pas dans le monde que nous autres, les humaines ; qu'il vivait dans un monde parallèle, derrière une belle vitre transparente qui l'empêchait de s'abaisser à des activités normales comme glander dans son canapé trop grand, barboter dans sa piscine ou encore grignoter une glace en disant du mal d'Hollywood.

– Tu as pris quoi ? me demanda-t-il alors que je le rejoignais.

– Pour toi : une salade de poulet, sans sauce, sans parmesan, sans pommes de terre et avec un supplément avocat. Et pour moi, un burger.

– Une salade ?

– Que tu manges équilibré et sainement fait partie de mon job, lui rappelai-je en m'asseyant dans le sable.

– Et ton burger ? s'enquit-il curieux.

– Oh, et bien ils ont ajouté tout ce qu'il avait retiré de ta salade, répondis-je en souriant.

Je posai le sac et Travis m'imita, s'installant près de moi, face à l'océan. A mon tour, je retirai mes chaussures et enfonçai mes pieds dans le sable frais. Mon patron s'empara du sac et avant même que je puisse réagir, il mordait dans mon burger à pleines dents, avec une satisfaction aussi impressionnante que le découvert sur mon compte.

En désaccordOù les histoires vivent. Découvrez maintenant