Chapitre 28 : Comme de la soie (époque : 2021)

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Quatorze heures.

Une sonnerie discrète résonne dans la poche d'un des invités à l'exposition « L'écologie de demain ». Message court reçu sur téléphone mobile : « production faite ». Au milieu des maquettes de maison, des voitures, des panneaux publicitaires, des crédits et assurances bancaires, l'homme politique connu de tous a le sourire aux lèvres. Il sait ce que signifie. Tel un chevalier, il range son arme et repart en campagne.


Vingt heures.

Le chauffeur de la berline noire laisse le Vice-Président devant un cabaret latino. A. Al. Buore descend du véhicule, toujours suivi de sa garde rapprochée. Un grand homme mince à l'allure élégante l'attend à l'abri, sur le côté de l'entrée. Bien qu'il ne s'écoule que de légères gouttes du ciel, il est toujours plus commode d'attendre au sec. Le vent d'automne glace le visage du Vice-Président qui s'empresse de rejoindre son accueillant. Celui-ci fait signe de le suivre, il est invité par A. Stare pour officiellement découvrir la nouvelle salle de spectacle de la ville.

D'apparence, tout ne joue pas en la faveur de ce nouveau lieu : placé en zone industriel au parking trop petit et à la décoration rétro. Mais l'intérieur est fort agréable à découvrir, coloré sans excès, avec des odeurs exotiques qui font saliver les convives, les papilles exaltées. A. Stare est assis à une table sur la terrasse surélevée.

L'homme salue son invité, en lui indiquant :

- Cher Arnold, j'ai préféré que nous soyons éloignés de la scène, que personne ne vienne vulgairement nous demander de participer au spectacle.

Les deux hommes se sourient.

Tout est compris dans l'invitation : apéritif dinatoire accompagné de bonnes bouteilles. Durant toute la première partie du spectacle, des animations et chansons latines se déroulent. A. Al. Buore et A. Stare s'entretiennent paisiblement, évoquant surtout les principes de Crozier et Friedberg, comme il se doit.

La deuxième partie du spectacle est plus intéressante et attire les deux hommes. Il s'agit d'une troupe de six femmes latines qui alternent de musique en musique, toujours menées par un grand homme. Le danseur, qui a clairement un passé de danse classique, possède un jeu de scène et une prestance qui plait aux deux hommes d'affaire. Musclé naturellement, il est habillé en femme et se permet des écarts de danse pour pimenter le spectacle d'une dose d'humour. De ses grands yeux blancs, il mime tel un clown.


Vingt-deux heures.

Le spectacle se finit. Après les applaudissements, les deux hommes sont rejoints par des collaborateurs. Une conversation plus grave s'installe au moment des cafés. Les hommes parlent politique. A. Al. Buore expose l'état des lieux :

- Notre parti n'a jamais été aussi haut dans les sondages et nos affaires n'ont jamais été aussi proches de se conclure. De mon côté, la phase trois du projet est prête à être lancée. Les fuites au sein de ma société ont pris fin ce jour même.

L'ensemble des hommes autour de la table semble satisfait. Une goutte de cognac pour fêter cela avec un french coffee, le Vice-Président sait se montrer festif. Il demande les nouvelles du côté des associés. A. Stare parle en qualité de représentant :

- La « S.B.C. » vient d'en finir avec la « S.F.E.N. », nous les avons entièrement absorbés en toute discrétion il y a sept jours. Nous attendons votre feu vert pour débuter la liquidation.

- Vous l'avez. Débuter le démantèlement, dit A. Al. Buore en riant.

- Dans ce cas, considérez que c'est fait. A. Stare lance un regard à son conseiller. Celui-ci remet sa veste, prend son téléphone, et s'écarte pour transmettre les conseils de son supérieur. Tous les hommes autour de la table se retirent en même temps, sauf deux.

- Et pour les membres responsables, Hall, Greff et Poe ? Questionne A. Al. Buore.

- Je vous l'ai dit mon ami, considérez que c'est déjà fait. Ils sont dans le même état que leur société... en liquidation.

- Très bien. Ce Stanley Hall me met mal à l'aise, son attitude est aussi vulgaire que sa tenue et son accent. Puisque tout cela est réglé, il est temps d'aborder le Projet Newman.

- J'ai pris les dispositions nécessaires, les rendez-vous sont actés. Il ne s'agit que d'une formalité, répond A. Stare.

- Une formalité nécessaire toutefois, ajoute le Vice-Président en servant de nouvelles tasses de café parfumées au cognac. A votre santé mon cher Alfred, et plus encore, à nos projets !

- Oui cher Arnold, à nos projets et à notre folie !

- Ah, la folie, commente A. Al. Buore. Comme disait Dryden, les grands esprits sont sûrement de proches alliés de la folie, et de minces cloisons les en séparent !

Le conseiller d'A. Stare revient parmi les deux hommes. Il est accueilli par une remarque d'A. Al. Buore qu'il juge pleine de bon sens : « La politique mon ami, ça se brode comme de la soie ! » Les autres participants ne reviennent pas, préférant rester à des espaces séparés pour sécuriser les accès.


Vingt-trois heures.

Le grand homme en costume noir participe à la bonne humeur de la table. Il retire sa veste, pose son téléphone et cache son arme. La discussion varie entre Crozier – Friedberg, les imbéciles d'anarchistes et l'étrange tatouage en forme de croix que le conseiller garde de son enfance et qu'il ne souhaite pas retirer.

Pour des hommes de standing, un tatouage de ce type n'est pas respectable... même une croix.

L'Histoire du Dr J. Stevens (Partie 1) [vainqueur des WATTYS21... -Edité-]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant