Chapitre 34

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Le terme décrépi était-il adapté à un être humain ?

Telle une maison tombant en ruine, Seungcheol gisait au sol. Sa charpente était branlante, son corps n'était plus qu'un amas d'os recouvert par sa peau teintait de violine. S'effondrant, il s'affaissait à cause de l'humidité le rongeant jusqu'à la moelle.

Le moindre courant d'air faisait grincer ses os tel un vieux parquet rongeait par les termites. Sa respiration n'était plus qu'un maigre filet de vie se perdant dans le néant poussiéreux. Seungcheol ne savait plus ce qu'était la lumière, privé de repères, toute notion de temps avait disparu.

Combien de jours, de semaine, d'années s'étaient écoulés depuis son enlèvement ? Comment le monde extérieur avait vécu sa disparition ? Tous continuaient leur routine comme si de rien n'était ? Certains avaient-ils été un tant soit peu inquiet de son absence ?

Seungcheol ne savait pas et il ne pouvait le savoir car, ici, il était piégé dans une boucle éternelle. Entre ces trois murs de pierres moisis, les gouttes d'eau perlant du plafond lui servaient d'unique rythme mais il ne savait pas le tempo de ces dernières.

Ploc. Ploc.

Une musique s'éternisant pendant une décennie devenu une ode à la mort à la fois si proche et si inaccessible. Les gouttes cadençaient les pas de la faucheuse faisant des allers-retours dans le couloir de la prison. Son arme étincelait dans sa main squelettique, allégorie de la finalité de sa destinée. Puis, parfois la Mort riait et son éclat glacial devenait la chose la plus vivante dans cette prison, un éclat presque humain résonnant dans les tympans d'un homme vivant sa dernière danse.

Ploc. Ploc.

Rien n'existait ici. Le monde ne tournait plus, il s'était figeait depuis une poignée de décades. La vie ? La mort ? Les deux se mêlaient rendant la distinction difficile pour Seungcheol. Qu'était-ce de manger ? De dormir ? De vivre ? Lui ne connaissait plus ce quotidien bien trop occupé à fixer cette pierre mal taillé abritant une petite araignée téméraire. Unique scène de vie dont Seungcheol était témoin, dernière notion d'existence stimulant son esprit mourant.

Ploc. Ploc.

Les rondes des gardes étaient devenus des lointains souvenirs annihilant tout signe d'humanité dans ces sordides cachots. La solitude rongeait sa chair pourrie, le tuant davantage à force que les siècles s'écoulaient.

Rêve. Espoir. Avenir. Son subconscient avait supprimé ces terme de l'esprit du garçon ne laissant place qu'au néant. Lentement, ses muscles s'atrophiaient au cours de ces millénaires d'inaction rendant le moindre geste déchirant mais ses cordes vocales, elles-mêmes, n'étaient plus.

Ploc. Ploc.

Sa voix avait fini par lui être retiré face à son mutisme. Sa volonté s'était éteinte avec sa force et sa communication. Ces derniers touches d'humanité avait rejoint le néant le poussant à rêver de jouer son dernier acte.

Ploc. Ploc.

Son regard mort fixait éternellement la cavité présente dans le mur, s'accrochant à cette dernière note de vie représentée par un organisme craint de beaucoup. Elégamment, l'araignée sortie ses pattes de l'interstice pour rejoindre sa toile ayant capturé quelques insectes lui servant de repas. Poussé par son instinct, l'arachnide avança sur son fil pour créer un cocon autour de la petite mouche afin de préparer son futur repas.

L'araignée survivait et Seungcheol l'observait faire cette acte qu'il ne pouvait plus accomplir.

Ploc. Ploc. Ah !

Eternel silence brisé par un cri détruit, ceci n'était pas arrivée depuis les premiers temps. Les oreilles de Seungcheol sifflèrent face à ce son puissant et humain le poussant à grimacer d'inconfort. Le silence était devenu son éternelle musique depuis le commencement alors cette composition faite d'hurlement et des pas précipités des geôliers lui donna des acouphènes.

La porte d'une cellule grinça, les armes quittèrent les ceintures alors que le cri se transforma en gémissements plaintifs. Humanité souillé, le rebelle n'arrivait pas à se faire entendre car chaque coup l'approchait de le fin.

Voix se mourant, son hurlement laissa place à des larmes soulagés alors que son corps était broyé par les matraques. Plan pathétique, le prisonnier laissa son dernier soupir quitter ses lèvres en remarquant la faucheuse rentrer dans sa cellule. Son dernier acte avait réussi, se clôturant sur un drame lui permettant de rejoindre le Paradis après avoir côtoyer les Enfers.

Ploc. Ploc.

Le silence revient alors qu'une âme quitta la prison laissant une odeur métallique planer dans les cachots rappelant à tous que, un jour, cette fragrance sera leur. Qui sera le suivant ? Qui craquera en utilisant ses dernières force pour appeler la faucheuse dans un cri désespéré ? Qui aura le courage de choisir le moment de sa Fin ?

Suicide indigne mais libérateur. N'était-ce pas compréhensible lorsque tout était contre un Homme ? Que le Monde s'effondrait sur son corps frêle et brisé ? Que le moindre geste était impossible ? Comprenez.

Ploc. Ploc.

Acte égoïste, impardonnable. Seul le Tout-Puissant pouvait choisir l'instant de notre mort. Qu'importe le nom du Dieu, croyant ou non, l'Homme n'était pas maître de sa mort, elle n'était pas de notre ressort. Pourtant...

Face au désespoir, à la peur ou par fatigue éternel, certains décidaient de conclure leur existence. Histoire différentes, finalités identiques. Le terminus était le même pour tout le monde mais la route changeait de l'un à l'autre.

Ploc. Ploc.

La vie était le plus lourd des fardeaux. Instable, imprévisible, parfois porter ce poids était impossible pour certains les poussant à commettre l'irréparable à la désolation de leur proche. Mais comprenez-les.

Lorsque la vision n'est plus qu'un tunnel privé de lumière depuis des lustres, la moindre lueur chaleureuse devenait attrayante. Errant vers elle, ignorant de son message, le fait d'être éclairé apaisait la solitude tout en charmant les plus épuisés.

Ploc. Ploc.

Seungcheol touchait cette lueur du bout des doigts. Il voulait atteindre cette étincelle, l'attraper au creux de sa paume dans l'espoir de redécouvrir la douceur d'antan. Hélas cette lumière n'était que poison.

Tel le serpent poussant Eve à croquer le fruit interdit, des voix vinrent murmurer au creux de l'oreille de Seungcheol tout en l'appelant à les rejoindre. De maigres chuchotements, le timbre gagna en puissance tout en l'encourageant à se battre, à avancer davantage et un maigre grognement quitta les lèvres du garçon.

Encore, criait la lumière. Plus fort, hurlaient les voix.

Seungcheol était proche du but, la flammèche dansait dans le tunnel alors que la faucheuse ricanait dans les ténèbres. Puis il se mit à pousser un cri brisé rappelant celui d'une proie abandonnant sa fuite. Son destin était scellé, ses ultimes forces avaient fait vibrer ses cordes vocales en manquant dans les déchiraient et il entendit les pas précipités de trois Hommes.

Ploc. Ploc.

Le grincement métallique résonna, l'odeur métallique titilla ses narines signalant qu'il était le prochain à dégager cette fragrance. Dernière pensée avant le sommeil éternel, deux visage lui vinrent en tête et il s'en voulait de les quitter aussi lâchement.

« - Pardon... »

Jisoo et Jeonghan devinrent les dernières images dans son esprit. Il se souvint de ses amis, de leurs sourires, leurs rires, leurs voix. Il se rappela les milliers de conneries qu'ils avaient fait tous les trois allant des simples frayeurs à leur parent au vol à l'étalage.

Il s'en voulait de commettre cet acte impardonnable sans avoir pu leur dire un dernier mot. Aujourd'hui sonnait la fin de Choi Seungcheol, un jour sans particularité à une heure inconnue en ces lieux maudits. La lumière blanche l'enveloppa et il réalisa que sa chaleur était illusoire puisque le froid se mit à soudainement le ronger.

Trois voix s'élevèrent. Trois sons brisèrent le silence. Seungcheol ne savait pas leur origine, leur sens car ses paupières s'alourdissaient et qu'il se laissa aller dans cette froide lueur qui lui montrait un chemin où la douleur ne serait plus.

Free Wings {Seventeen}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant