Chapitre 33 : Ces parts en nous, séparons-nous... (époque : 2021)

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Le spécialiste cherche machinalement une cigarette, le système nerveux en alerte, les mains qui tremblent. Il passe en vain ses doigts dans le paquet vide et il en ressort frustré à chaque essai.

« Que se passe-t-il ? Pourquoi l'aurait-il abandonné ? Pourquoi ce miroir dans l'abîme ? comment les souvenirs peuvent-ils s'adresser à lui ? Pourquoi le reflet de sa propre voix ? »

Le néant n'a jamais été d'une telle proximité... l'abandon est une absence qui se rappelle par sa présence.

Il marque une pause, tentant difficilement d'ordonner ses idées sans tabac.

« Le couturier et le Lady Killer ne sont qu'une et même personne... »

Ces deux profils après lesquels ils courent depuis tant de temps, toujours avec une longueur de retard. Ces effroyables meurtriers dont les victimes lui inspirent tant de fantaisies morbides.

« Jim Sullivan était le bon nom. Jim Sullivan, Jack Sallow... Sully et Jess, les deux faces d'une même pièce, la victime et le bourreau, le vulnérable et le protecteur violent. »

« La couture pour taire les bruits et pour réparer les massacres. »

Jim Sullivan, alias Robert T. Cowell, alias le Lady Killer, celui qui tue les jeunes femmes pour voir la mort et les maintenir dans cet état, celui qui ne se résout à laisser perdre ses proches. Jack Sallow, alias Bill-Andy, alias le couturier, celui qui fut martyrisé, humilié, qui ne revit jamais sa grande sœur, morte quelque part, tuée par un inconnu au profil similaire de son monstrueux père, celui qui recoud, répare, annule les violences.

« Mais qui est le protecteur détaché ? Bill-Andy ? ».

- Docteur, docteur, pitié, docteur, je ne veux plus être seul, pitié, aidez-moi Docteur... s'effondre Jack Sallow. Chaque mot brule l'âme de J. Stevens. Si longtemps, si seul...

Il poursuit d'une voix d'enfant de six ans. Une voix dont les mots qui sortent font échos aux larmes qui entrent... l'écoulement des yeux aux joues, des joues aux lèvres... l'écoulement des écumes des yeux abimés d'un enfant sans enfance :

- Ma maman, ma maman, il a fait du mal à maman, et à ma sœur, ma sœur, rendez-moi ma sœur, pitié docteur rendez-moi ma sœur...

- Ces femmes tuées par Jim, le Lady Killer ?

- J'essaie de les sauver, mais il me poursuit. Il faut recoudre, Bill est là pour ça, que les filles ne meurent pas... Mais Jim a besoin de voir, il est trop puissant.


Dr J. Stevens sent en lui la phase catharsis. Le choix des mots, des reflets, des mouvements, est très important pour provoquer une réponse. La catharsis offre une possible rédemption émotionnelle.

"Amor Fati" se dit-il et se lance :

- Jack, ce n'est pas ta faute ce qui s'est déroulé. Tes parents auraient dû être punis pour ce qu'ils t'ont fait subir. Tu n'étais pas impur ou quoi que ce soit.

- Vous la voyez, vous aussi Docteur, dîtes-moi que vous la voyez ! La Gardienne, toujours tapie dans l'ombre à pleurer et à nous surveiller.

Jack Sallow se met à hurler d'un cri sans son. Pas des larmes douces d'un homme triste. Ils pleurent d'une rage intense et de larmes abondantes et brulantes qu'une peau humaine seule ne peut absorber. Il hurle si fort en son corps que l'extérieur n'en perçoit qu'un craquement, brutal, intense.

- C'est Sully ! C'est Sully, il leurs a fait mal, à mes parents, il a fait du mal à ma maman. Ils m'ont abandonné, tous abandonné, même vous Docteur !

Dr J. Stevens FACE au NEANT [WATTYS21, 2 Watt'Cheers... -Edité-] (Partie 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant