Réveil

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Thor se sentait vide.

Vide, rien de plus, rien de moins. Pas triste, pas désespéré, rien. Juste vide.

Un trou dans la poitrine, un vent tombé, un vent dont le souffle avait mourut sur son cœur.

Ce vent avait éteint une petite flamme qui subsistait depuis des siècles, tremblotante et persévérante. Morte.

Comme la dépouille qui gisait à quelques mètres de lui, sur un lit tout ce qu'il y a de plus normal.

On aurait presque pu croire la silhouette endormie. Presque.

Mais si on approchait un peu, si on daignait avoir la volonté de poser les yeux sur ce visage pâle, si on excluait l'indifférence face à ces paupières closes pour toujours, on pouvait voir autre chose. Le spectre de la mort.

Comme un voile déposé sur la figure d'une mariée, voile funèbre ici, on aurait presque pu le croire détendu, ce corps, tellement il paraissait serein.

Mais Thor n'avait pas été dupe, à son grand désespoir.

Silencieux, il fit quelques pas en avant, évoluant telle une ombre dans la pièce.

Ses bras ballants heurtèrent le matelas, ne sachant à quoi se raccrocher. Alors, il contourna doucement le lit, et vint s'assoir à quelques centimètres de la tête de Loki.

Le corps inerte ploya sous le poids du blond fatigué, et il osa replacer une mèche ébène derrière son oreille.

Loki avait l'air... ailleurs. Comme lorsqu'il s'endormait, autrefois, sous un arbre avec un livre ouvert sur la poitrine. Paisible. Sauf que de ce sommeil là, il ne se réveillerait pas.

A cette pensée, le sourire rêveur à peine esquissé de Thor se fana, et il détourna la tête. Au loin, le soleil se couchait.

Comme le monde semblait morne, soudain. Comme tout semblait fonctionner au ralenti, coincé dans un sablier maudit.

Thor avait réussi à ramener le corps de son frère en une seule partie, à Asgard. Enfin, Asgard... Une nouvelle Asgard, bien moins fière que la précédente. Juste quelques bâtiments bancals éparpillés.

D'après ce qu'on lui avait dit, on avait dû utiliser bon nombre d'arguments et de paires de bras pour l'obliger à lâcher le cadavre de Loki, lorsqu'ils s'étaient présentés aux portes de la toute jeune cité. Trop épuisé, il n'avait pas pu lutter bien longtemps.

Mais maintenant... Maintenant qu'il était là, avec lui... Il se sentait vide.

Comme si on avait mis son cœur et son esprit en pause. Ça ne lui déplaisait pas.

Il posa de nouveau son regard sur la peau blanche du plus jeune.

Ses piques et répliques lui manquaient. Ses sourires malicieux et ses regards joueurs. Ses coups de poignards aussi, peut-être...

Tout ce qui se rattachait à lui.

Il leva une main tremblante vers la joue gauche, plus maigre qu'elle ne l'avait jamais été. Ses doigts glissaient dessus. C'était froid. Mort.

Il frissonna. Pourquoi était-il aussi froid ? A moins que ce ne soit lui.

Il se pencha lentement, dans l'espoir futile de le voir ouvrir un œil et d'entendre un rire moqueur.

Mais rien. Évidement.

Son visage était au-dessus du sien, désormais. La lumière dorée des derniers rayons jouait dans leurs cheveux.

Et puis, le reste, Thor le fit parce que ça lui semblait normal. Une chose qui avait une place toute indiquée.

Ses lèvres effleurèrent délicatement les siennes, sèches, craquelées et sans vie. Aucune odeur, aucun goût. Aucun mouvement.

Mais Thor y reconnaissait bien son frère, étrangement. Lèvres fines, douces quoique crevassées, et définitivement amères, comme un adieu silencieux. Oui, cela ressemblait bien à Loki. Thor sourit un peu contre la bouche immobile.

Il se redressa, une main sur la joue blafarde et l'autre sur le matelas, d'un côté de sa tête, dans toute la douceur dont il était capable.

Il reprit sa position initiale, et regarda, attendant. Quoi, exactement ? Il ne savait pas.

La sensation de ses lèvres contre les siennes flottait dans son esprit. Il n'avait pas bien conscience de ce qu'il avait transmis, de ce qu'il avait voulu transmettre, à travers ce contact. Il ne savait même pas vraiment ce qu'il était venu y chercher.

Il était toujours aussi vide. Peut-être un peu plus léger. Il savait qu'il ne pourrait plus le revoir, après. Ce baiser, c'était un adieu. Définitif.

Thor se leva, contourna le lit, fantôme. Il traversa la chambre silencieuse, les yeux fixés sur un point invisible devant lui.

Loki était derrière lui. Son corps, du moins.

Et alors qu'il allait poser une main sur la poignée, alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la porte, un violent frisson électrisa ses membres.

-Tu en as mis, du temps.

Au fond de sa poitrine, la petite flamme surgit timidement de ses cendres.

Au fond de sa poitrine, la petite flamme surgit timidement de ses cendres

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OS ThorkiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant