Les Silencieux

Chapitre 22

Homson vidait ses tiroirs un à un. Il n'avait quasiment rien à garder. Il n'avait que des classeurs pleins de comptes-rendus d'anciens cas que le code déontologique lui interdisait de garder après sa démission. Il n'avait pas de photos de proches, pas de souvenirs de collègues à la retraite ou qui ont changé de voie, pas de cadeaux de ses subordonnés, rien. Il ne gardait que son ordinateur, ses stylos et son holster. Soudain, la voix de Fice résonna dans la pièce : « Où est l'inspecteur Homson ? ». Homson croisa son regard. Son supérieur souffla puissamment en dilatant ses narines comme un taureau avant de marcher d'un pas vif dans se direction en demandant aux personnes qui le dévisageaient de retourner travailler avant de se planter devant lui avec une rage qui était jusque-là inconnue d'Homson.

« Je vous confie l'enquête.

- Pardon ?

- Vous n'avez pas le choix. J'ai déjà annoncé la nouvelle à la presse. Vous prenez la tête de l'enquête sur l'organisation des Silencieux.

- Mais...

- La base de données de la NSA a été révélé au grand public.

- C'est impossible !

- Je me fous de si c'est possible mais c'est arrivé. Tous les citoyens ont accès à l'ensemble des données que la NSA a récolté sur eux depuis leur naissance. Les silencieux ont grimpé en flèches dans l'opinion publique. Il faut les arrêter. S'ils peuvent s'attaquer aux services de renseignement alors ils peuvent s'attaquer à n'importe quoi.

- Bordel c'est exactement ce que je vous avais dit. Il faut que vous soyez face au fait accompli avant de vous bouger le cul.

- Ceux d'en-haut n'auraient pas cautionné une enquête sans bonne raison. Et ils ne sont pas connus pour leur prévoyance. Préparez-vous. Conférence de presse dans une heure.

- Mais rien n'est amorcé !

- Ça ils ne le savent pas. Mentez et tout ira bien. »

Fice retourna dans son bureau. Homson soupira. Il ne savait pas s'il préférait Fice quand il était mou ou quand il le dominait totalement. Il se tourna vers son voisin de bureau, absorbé par une partie de solitaire et lui mit une claque derrière la tête.

« Murphy si tu tiens tant que ça à faire un truc chiant plutôt que de bosser range mes affaires je dois préparer une conférence de presse.

- Okay boss ! »

Homson jugea sa tenue. Un gilet abîmé, un jean dont on peinait à deviner la couleur d'origine et des baskets sales. Pour passer à la télé, ce n'est pas l'idéal.

« Eh Murphy.

- Ouais ?

- On a des costards dans le vestiaire ?

- Ouais ça doit pouvoir se trouver.

- Parfait. »

Une heure plus tard, à la conférence de presse

Homson monta les marches de l'estrade une à une en tripotant le col de sa chemise trop petite pour lui. L'étiquette le grattait. Il réajusta sa veste avant de se placer devant son pupitre surmonté de deux micros. Il se pencha en avant et commença sa présentation :

« Bonjour à toutes et à tous. Je suis l'inspecteur Homson, Marshall gouvernemental depuis 8 ans et responsable de l'enquête sur l'organisation criminelle des Silencieux... »

Il dut ménager une pause pour laisser le temps aux bruits des flashs d'appareils photos de se noyer dans le silence.

« Comme vous le savez probablement, cette organisation a, il y a peu, infiltré la base de données de la NSA. Notre enquête a commencé dès les incidents de Chicago mais ce récent évènement nous a convaincu de rendre l'enquête publique afin de rassurer nos concitoyens : l'enquête avance et le crime ne peut rester et ne restera jamais impuni. »

Vint alors le temps des questions. Homson détestait les conférences de presse pour cette raison. La première partie était un entrainement d'escrime, une série de coups précis, répétés méticuleusement et conçus avec tant de soin que peu de gens le comprendront. Les questions, c'étaient une bataille médiévale. Un chaos presque divin, tant son déroulement semble incompréhensible et dans lequel toute l'escrime du monde est balayée au profit de coups brutaux et sanglants.

« Pour CNN, pourquoi s'intéresser à cette affaire quand on sait que les Etats-Unis ont connu une sévère hausse de la criminalité ces dernières années ? Ne serait-il pas plus logique de s'attaquer à des gangs plutôt qu'à des gens qui sont dans votre camp ?

- Je ne sais pas ce que vous vous imaginez mais ce n'est pas une question de « camp ». La justice n'est pas une affaire de gang, c'est une affaire de lois. Il n'y a pas d'alliance. Seulement des gens qui respectent la loi ou qui ne la respectent pas. Et pour répondre à votre première question, les Silencieux nous ont montré qu'ils pouvaient représenter un danger pour la Nation. Il me semble logique de les arrêter.

- Pour Fox News, combien d'enquêteurs seront recrutés pour cette affaire ? Leurs vies seront-elles en danger ?

- Une quarantaine de nos meilleurs enquêteurs seront réquisitionnés et nous allons également recruter des éléments de l'extérieur. Quant aux dangers qu'ils encourent, je suis pour l'instant dans l'incapacité de savoir si les Silencieux seront prêts à attaquer des policiers.

- Pour NBC news, les criminels ont-ils eu des antécédents avant de rejoindre les Silencieux ?

- Eh bien... Nous ne connaissons pas encore leur identité...

- Pour Fox News, avez-vous des pistes ?

- Hum... pas encore...

- Pour CNN. Vous semblez ne pas savoir grand-chose des Silencieux. Avez-vous au moins une certitude à annoncer aux citoyens Américains ?

- Oui. Nous allons les arrêter. Je ne sais pas comment. Encore moins quand. Mais nous allons les arrêter. Maintenant je vous demanderai de bien vouloir être patient. C'est une enquête. Ne vous attendez pas à ce que je vous serve les coupables sur un plateau lors de la première conférence de presse. Si vous êtes si assoiffés d'infos et de scoop, vous pourrez éplucher nos rapports d'enquêtes en détail et si ça ne vous plait pas vous n'aurez qu'à faire votre propre enquête. En attendant votre choix, je retourne faire mon travail. Cette conférence de presse est terminée. »

Homson descendit de l'estrade et retourna dans les locaux de l'agence. Fice l'y attendait.

« Bravo ! Te mettre les journalistes à dos ! Super idée ! »

L'inspecteur ne lui répondit pas. Il avait un message d'un numéro inconnu

« Vous faite définitivement trop le malin, Homson.
Signé : S. »