Epilogue

466 83 48
                                    

~Solal~

La mariée tourbillonne dans son imposante robe blanche. Elle rit et je la trouve magnifique comme ça. Elle est heureuse. Je ne sais pas ce que j'ai mais depuis quelques mois, j'aime voir les gens heureux. Qui aurait cru que je sourirais niaisement devant le bonheur des autres ? Moi, je pensais que j'étais un cas perdu et pourtant, il a fallu une simple rencontre pour que je sois heureux. On ne peut pas dire que j'ai vraiment changé parce qu'au fond, je suis toujours la même personne. Je suis toujours pessimiste, je crois que ça ne changera jamais même si j'apprécie passer du temps avec le soleil, et asocial. De toute façon, je n'ai pas besoin de grand monde pour être bien. Juste de ma famille, de mes quelques amis et d'Erell. Surtout d'Erell.

— Elle est ravissante, n'est-ce pas ? me demande ma mère en voyant mon regard tourné vers la mariée.

Je hoche la tête et lui souris. Depuis qu'elle est sortie de l'hôpital, elle aussi a changé. Je n'aurais jamais pensé que je provoquerais un tel changement mais le fait est que Maman a tout fait pour devenir indépendante pour moi. Elle vit dans un appartement au centre-ville, payé grâce à son boulot de caissière et à mes tuteurs. Ce n'est pas l'idéal concernant son travail, parce qu'elle n'aime pas vraiment. Quand j'étais petit, je crois qu'elle travaillait avec les enfants mais depuis ce qu'il s'est passé, elle n'a plus le droit d'exercer. Alors, on se contente de ça. Malgré sa nouvelle vie, j'ai décidé de ne pas m'installer avec elle. Je n'ai pas voulu abandonner mes tuteurs, qui m'ont élevé et qui sont devenus ma famille aussi. De toute façon, l'année prochaine j'irai faire mes études et je n'aurais pas le choix de vivre seul. Ça ne servirait donc à rien d'emménager à quelques mois d'un autre déménagement.

Une masse beige émerge de la piste de danse, envahie d'invités, et fonce droit vers moi. Nairobi pose ses pattes sur mes genoux et me donne un coup de langue sur le visage. Je grimace, m'essuie et comprends qu'elle veut manger. Je m'apprête à lui donner la moitié d'une saucisse, que je n'ai pu finir, quand je vois le regard de ma mère, qui désapprouve. Je lui fais un sourire contrit et fourre la saucisse dans la gueule de Nairobi. Elle a beau être un chien, elle aussi est invitée au mariage. Elle mérite de manger comme tout le monde. Bon, en vérité, elle a mangé sa pâtée il y a quelques heures déjà, mais apparemment elle a déjà faim. Et je ne pourrais lui refuser un tel festin.

— Cette petite coquine n'arrête pas de disparaître ! se plaint Maurice en arrivant, essoufflé et les mains sur les hanches.

— Qu'est-ce qu'elle a fait ? je lui demande en haussant la voix, pour me faire entendre par-dessus la musique.

— Elle ne fait que quémander aux invités. Et puis, elle effraie les enfants.

Il se laisse tomber sur la chaise entre Maman et moi, fatigué de sa course poursuite. Les tables rondes autour de nous sont quasiment toutes vides. Les assiettes gardent quelques aliments et les verres vides sont régulièrement remplis pour être bus aussitôt. Tous les invités dansent, même Jean et Alexandre alors que je ne les aurais pas imaginés le faire. Ils ont l'air heureux et ils le méritent grandement. Après tout ce que je leur ai fait vivre.

A mes côtés, Maman et Maurice se lancent dans une discussion. Mon grand-père a bien tenu sa promesse, depuis cette fameuse soirée d'octobre. Il a aidé Maman à aller mieux et il ne m'a pas lâché, prenant souvent de mes nouvelles. Et aujourd'hui, on peut dire qu'il s'est vraiment racheté parce que je ne verrais pas ma vie sans lui. C'est étrange comme les choses changent en un rien de temps. Et pourtant, on ne les verrait pas autrement.

Une jeune fille aux cheveux bruns, ramenés en un chignon compliqué orné de petites tresses, s'approche de moi. Comme depuis le début de l'après-midi, il me faut un petit instant pour la reconnaître. Il faut dire que je n'ai pas l'habitude de voir Erell comme ça, les cheveux attachés et habillée d'une robe bleu pâle. Une robe de princesse, préciserait-elle. Et surtout, une robe de demoiselle d'honneur. Elle et ses petites sœurs sont vêtues de la même façon et ont été les demoiselles d'honneur du mariage de leurs parents. Après douze ans de vie commune, sa mère et son beau-père ont décidé de se marier. Et ils n'ont pas fait les choses à moitié.

Leur jardin a été aménagé pour accueillir tout le monde. Sous une immense cabane, protégée par quelques voiles et éclairée par des guirlandes lumineuses agrémentées de petites fleurs séchées, la fête se déroule. Les tables sont disposées autour de la piste de danse, marquée par de hauts flambeaux aux quatre coins. L'ambiance est simple et évoque le bonheur éternel. Il me rappelle les romans d'été que je lisais quand j'étais plus jeune où les personnages faisaient la fête au bord de la mer, autour d'un feu, jusqu'au bout de la nuit.

— Tu viens danser ? me hurle Erell dans les oreilles pour se faire entendre.

Je soupire mais elle n'entend pas et je la laisse m'entraîner, sa main dans la mienne. A la seconde où nous arrivons sur la piste, la musique change et devient une musique douce et lente. Un slow. Génial... Je souris tout de même, sûr qu'Erell est allée demander ça seulement pour nous.

Je pose maladroitement mes mains sur les hanches d'Erell et elle pose les siennes sur mes épaules. Lentement, on tourne et on valse. Les yeux plongés dans ses yeux, je souris.

— Tu es... je commence, sans trouver les mots. Tu es sublime.

— Wow, c'est que tu fais dans le romantisme, s'étonne-t-elle en riant.

— Tu pourrais juste te contenter de me remercier, je réplique.

— Merci. Toi aussi tu es sublime.

— Tu aurais pu être plus originale.

— D'accord, tu es incroyablement beau et je suis très heureuse d'être ici avec toi.

— Moi aussi.

Nous nous taisons et elle se rapproche de moi, niche sa tête dans mon cou. Je ramène mes bras dans son dos et nous continuons de danser ainsi, l'un contre l'autre. J'inspire à plein nez pour sentir son odeur. Un parfum de vanille, mêlé de chocolat, sûrement dû au fait qu'elle a passé presque toute la soirée près des desserts.

Peu de temps après, la musique s'interrompt et je suis surpris que ça ait été si court. Erell se redresse et cligne des yeux, ne comprenant pas non plus. Nous sortons de notre bulle. Cette fois, c'est moi qui attrape la main d'Erell et l'entraîne à l'écart. Sur le chemin pour aller aux balançoires, nous croisons Imane. Elle me demande si elle peut m'emprunter sa meilleure amie, mais je refuse.

— Je ne savais pas que tu savais danser, remarque Erell en tournant sur elle-même pour enrouler la balançoire.

— Moi non plus.

Nous éclatons de rire et je l'observe tourbillonner.

— Tu sais, au début, je croyais qu'il n'y avait que moi qui cachais mes sentiments, je dis en faisant référence à notre rencontre. J'avais tellement l'habitude de ne rien dire que je gardais tout en moi. Bien caché, si profondément que même moi je ne me rendais pas compte de tout ce que j'enfouissais. Quand je t'ai rencontrée, je me suis dit « wow, cette fille-là elle a pas peur de se montrer » et puis en fait, j'avais tort. Parce que toi aussi tu cachais tes sentiments, ils étaient recouverts d'un voile et tu faisais juste semblant d'être heureuse.

— Je l'étais, parfois, réponds Erell avec un sourire triste.

— Mais tu n'étais pas sincère. Tous les deux, on avait posé un voile autour de nous, pour que personne ne trouve.

— Nos sentiments voilés, fait-elle instinctivement.

Je hoche la tête pour approuver avec un sourire. Je me lève, la force à faire de même et la prends dans mes bras. Je la sers de toutes mes forces contre moi, espérant y mettre tout l'amour et la gratitude que j'éprouve pour elle.

— Ouais, c'était ça : Nos sentiments voilés.

FIN

Nos sentiments voilésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant