Chapitre 1

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Evidement, il devait être midi lorsque j'ouvris les yeux. Je sentais la nourriture depuis ma chambre et la lumière qui s'infiltrait des rideaux ne devait pas venir d'un soleil de l'aube. Après m'être étirée une bonne dizaine de fois et avoir pris soin de ne pas me lever trop brusquement, je me dirigeai d'un pas lourd vers ma fenêtre. Je découvris alors un soleil pitoyablement lumineux. Il était bien midi, il n'y avait plus de doute. Je me rassis sur mon lit et découvris comme chaque matin trois boules de poils noirs traînaillant entre les coussins et les vêtements entassés ici. Am, Stram et Gram, mes trois chats, qui de la même manière que moi reniaient le soleil dès le réveil. Sans plus tarder, j'enfilai un tee-shirt noir à mettre au dessus de ma brassière et en ouvrant sans aucune délicatesse ma porte, je senti la bonne odeur d'un gratin de pâtes. Ma sœur était la meilleure cuisinière, je n'en doutais pas.

Je descendis les escaliers, toujours d'un pas pesant avant d'arriver sur le carrelage froid, comme à son habitude. Mes pieds me menèrent directement à la cuisine où ma sœur, femme à marier qu'elle était, s'activait avec rapidité. Elle était déjà habillée, d'une petite robe en toile bleu clair qu'elle habillait d'un nœud blanc. Ses cheveux étaient attachés dans un chignon vraiment bien fait et on sentait depuis l'entrée de la pièce l'odeur de vanille qu'elle développait. Je m'affaissai alors sur l'une des chaises de la table de la cuisine, dans un bruit sourd et profond. Angela se retourna et sans aucune surprise de voir ma tête de zombie à une heure si tardive, me lança un sourire accompagné de son bonjour habituel.

-J'imagine que tu viens seulement de te lever Antide ?

-Ouais.

Ma sœur se força à me demander de mettre la table pour le repas, mais voyant la nonchalance dans mes yeux, elle se garda à le faire elle-même devant moi, encore dans les vapes.



***



Je ne m'attendais bien évidement pas à ce qu'Antide m'aide pour quoi que ce soit aujourd'hui. Elle n'était pas matinale et j'avais bien finie par m'y faire. Comme à mon habitude, je m'étais levée à 8h30 pour pouvoir faire toutes mes occupations du matin. Il me fallait déjà bien une heure complète pour m'apprêter, puis ensuite sortir Princesse, aller chercher le pain et préparer à manger. Bien vite, la matinée passait.

Les coups qui annonçaient midi sonnaient alors que ma sœur dévisageait tous mes faits et gestes. Un jour peut-être arriverait-elle à se lever avant midi ? C'était la question que je me posais depuis bientôt deux mois. Les vacances étaient longues et la rentrée approchait à pas de géant. Bonne ou mauvaise nouvelle, je ne sais pas vraiment.

Je m'occupais donc de mon gratin sous les yeux encore fatigués d'Antide. Elle avait des cernes tant elle sortait jusque tard. Ses grasses matinées ne remplaçaient pas toutes les heures de sommeil perdues. Elle vivait une vie nocturne qu'elle jugeait indispensable et extraordinaire. Allez donc comprendre.



***



Il est vrai que je me demandes souvent comment je ferais sans ma sœur. Elle et sa routine et sa vie trop active. Si ce n'était pas elle qui préparait à manger, j'imagine que je me contenterais de fast-food ou de sandwich. À la limite un fruit ou un gâteau me suffirait.

Mais son gratin de pâtes, sincèrement, un délice. Tandis que je me régalais, toujours dans ma tenue quotidienne, elle, dégustait son assiette devant mes yeux clairs. J'avoue que même à table, elle se comporte mieux. Moi limite affalée sur la table et elle droite comme un piquet, le regard fixe et la bouche active dans un mouvement continu et répétitif. Lorsqu'on me compare à elle, on se demande souvent ce que mes parents ont pus rater avec moi. À vrai dire, rien. Moi et ma sœur, on s'est un peu élevées seule. Depuis qu'on sait marcher, nos parents ne sont plus présents sauf pour nous raconter leurs merveilleux voyages qui durent des mois et des mois, sans se soucier des éventuels évènements que ma sœur et moi avons pus vivre durant leur absence. On se contente de dire que tout va bien, dans tout les cas ils ne nous écoutent pas. Ils ont surement oublié depuis longtemps notre date de naissance, notre âge et par la même occasion, notre existence dans ce monde. Durant plus de dix mois dans l'année, nous vivons seules, à deux. Notre vie, on a apprit à la vivre sans eux. Et on est heureuses comme ça, je crois.



A & AOù les histoires vivent. Découvrez maintenant