DARKLESS (édité chez Korrigan éditions)

Chapitre 7

Golden Steel, Esolford

Samedi 3 avril

[Rosalia]

Derrière le bar, je sers les démons qui viennent réclamer leur verre. Contrairement à samedi dernier, le bar a été privatisé pour une plus petite poignée de démons du cercle très restreint de Kahel. Malgré leur nombre réduit, je suis tout de même mal à l'aise.

Kahel est là, assis tout seul au fond de la salle, un verre en main, et ne me lâche pas du regard. Cela fait quatre jours maintenant que je suis sous surveillance. Celle-ci est censée être discrète mais je vois bien qu'il y a toujours un démon caché dans l'ombre pour garder un œil sur moi. Généralement, ce sont Kahel, Dromos et Azora qui, à tour de rôle, vérifient si j'obéis bien aux conditions imposées en échange de ma liberté. Même Will ne me lâche pas d'une semelle.

Au moins, lorsque je travaille au Golden Steel, je me sens moins épiée. Monsieur Arius est moins oppressant.

Un plateau en main, je marche à travers la pièce en zigzaguant pour éviter le billard et les quelques démons restés debout.

J'arrive en face d'une table et dépose les verres aux quatre démons attablés. Alors que j'allais faire demi-tour, l'un d'eux arrive à m'attraper le poignet et me tire à lui. Surprise, je perds légèrement l'équilibre et tombe sur les genoux du démon.

- « Mademoiselle la serveuse, tu es bien mignonne pour une humaine », me lance-t-il en me caressant les cheveux. « Que dirais-tu de t'amuser un peu, après ton service ? », ajoute-t-il avec un sourire lubrique.

- « Non, merci », dis-je simplement d'un ton sec en essayant de me lever. Je rêve de le frapper avec mon plateau mais je m'abstiens. En plus d'être un client, ce pervers est un démon, je ne préfère pas déclencher de vague.

Lorsque je tente de me libérer de son emprise, il me tire par les hanches pour que je reste sur ses genoux.

- « Je crois que tu n'as pas compris. Le refus n'est pas une option », ricane-t-il en laissant descendre son doigt de mon cou jusqu'à la naissance de ma poitrine. Foutu uniforme avec un col en V.

Si deux de ses amis se marrent, le troisième pâlit.

- « Suriel... tu ne devrais pas... c'est... », commence celui-ci.

Il n'a pas le temps de terminer sa phrase qu'une main puissante me tire des genoux de cet obsédé avant de m'écarter.

De nouveau debout, un bras m'enlace les épaules.

- « Ne touche pas à ce qui m'appartient », grogne Kahel sur un ton meurtrier.

Je relève les yeux et aperçois l'expression sans pitié de Kahel. Je tourne ensuite la tête vers le dénommé Suriel. Celui-ci a une dague plantée dans la cuisse.

Il nous regarde tour à tour avec une expression apeurée.

- « Pardon, maître. Je ne savais pas que c'était elle », répond-il en baissant les yeux en signe de soumission.

- « Tu en connais beaucoup des filles aux cheveux blancs qui travaillent ici, crétin ? », rétorque Kahel en sifflant entre ses dents.

Puisque les gens ici font partie du cercle rapproché de Kahel, je suppose qu'il les a mis au courant pour moi. Apparemment Suriel n'a pas bien écouté son chef lorsque celui-ci leur a fait part de l'information.

- « Désolé, maître », s'excuse le subordonné d'une voix à peine audible qui n'a plus rien avoir avec son ton assuré de tout à l'heure.

- « Garde tes obscénités pour toi et ne balade plus tes sales pattes sur elle », l'avertit Kahel. « Sinon je t'arrache la tête »