Chapitre 007 (pj : Synthési)

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Crédit : Pinterest 

Maria m'accueille sur le perron, un air inquiet sur le visage.

-Où étais-tu bon sang ? J'étais très inquiète.

-Désolé. dis-je en la prenant dans mes bras. J'ai tellement de choses à te raconter !

Aux côtés l'une de l'autre, on entre dans la maison et je vais m'installer dans le salon alors que Maria, que je considère d'ailleurs comme ma mère, m'apporte une assiette de sandwichs. Elle vient alors s'asseoir dans un fauteuil en face de moi.

-Alors, commence-t-elle, raconte moi ce qu'il t'es arrivé ?

-Tu vas me prendre pour une folle. dis-je en ricanant.

J'entame alors mon récit en commençant par mentionner Ezekiel et Dreiko, puis le Synthési, qui, au fil de mes mots, se retrouve entre les mains de Maria, et enfin, Sority, premier abnobiote que j'ai rencontré. Je parle, sans répit, alors qu'elle me fixe intriguée, ou confuse, par tout ça.

-Tu es sûre de ce que tu as vu ? demande-t-elle une fois mon histoire terminée.

-Sûre et certaine ! J'ai même pu caresser Soryti.

-Et où est-il en ce moment ?

-Aucune idée ... dis-je en repensant aux paroles du vieux libraire. Il est reparti dans son monde avec ses frères et sœurs.

-J'ai du mal à y croire ... Danaé, tu te rends compte de ce que tu dis ? Un cheval ailé qui parle et un livre qui te permet d'utiliser ses capacités. C'est insensé !

Ne l'écoutant que d'une oreille, je me jette déjà sur l'assiette qu'elle m'a préparée.

-Au fait ! dis-je indifférente de changer de sujet aussi vite. J'ai trouvé ça.

Attrapant mon sac, j'en sors une feuille que je tends à Maria, la copie de l'article consulté plus tôt dans la journée.

-Orphelin ? C'est vraiment triste. dit-elle en continuant sa lecture.

-L'article précise que pendant plusieurs années, il est passé par tous les orphelinats de la région. Il fuguait sans cesse. Je le comprends, dis-je en baissant la tête, j'aurais sûrement fait pareil.

-Cette histoire avait fait un peu de bruit à l'époque. Dans le journal du soir, des images de l'accident avaient été communiquées et on y voyait le corps du petit Zentio couvert de sang, penché au-dessus de sa mère. dit-elle en baissant d'un ton sur les derniers mots.

-C'est vraiment horrible ... dis-je en imaginant la scène. C'est un traumatisme conséquent. Je comprends encore mieux toutes ses fugues de foyer.

Maria est consciente qu'encore aujourd'hui, j'ai du mal à vivre ma situation. Voyant qu'elle est toujours plongée dans la lecture de l'article, je décide de prendre congé? J'attrape le Synthési sur la table, dépose un bisou sur sa joue et vais dans ma chambre. Au moment où je dépose le Synthési sur mon lit, un hululement glacial déchire le silence nocturne. N'y prêtant pas grande attention, je vais alors m'enfermer dans la salle de bain, de l'autre côté du couloir. La petite baignoire en faux marbre blanc rend la pièce plutôt lumineuse. Un grand miroir recouvre tout un pan de mur et un grand lavabo, proche de la baignoire, se trouve face à moi quand j'entre dans la pièce. Je commence justement par là. Allumant rapidement l'eau froide, je m'asperge le visage. Je me parle alors à moi-même.

-Pour une fois, la raison de Maria a tort. Je n'ai rien imaginé, Sority est bien réel.

Après un bon bain chaud, je retourne dans ma chambre mais une sensation m'envahit, oppressante. Ma main se presse contre ma poitrine alors que ma respiration devient saccadée. Je me mets soudain à penser à mes parents, que je ne connais pas. Une envie presque incontrôlable de pleurer me frappe de plein fouet, me faisant trébucher au sol. Je retiens mes larmes et me hisse sur mon lit pour m'y allonger. Qu'est-ce qui m'arrive ? Ne voulant pas prévenir Maria pour ne pas l'inquiéter, j'attrape mon téléphone. L'un des seuls contacts qui s'affiche sur mon écran est celui de Dreiko. Je ne peux quand même pas l'appeler aussi tard ? Mais le flot de larmes qui dévalait sans cesse de mes joues me fit changer d'avis.

-Biiiip ... Biiiip ... Allô ? commence-t-il d'une voix endormie.

-Je suis tellement désolé de ... t'appeler si tard ... Je sais pas ... ce qui m'arrive ... dis-je prise de nouveaux sanglots.

-Danaé ?! s'exclame-t-il d'un ton bien plus inquiet.

-Dreiko, j'ai ... j'ai besoin de toi ...

-J'arrive tout de suite d'accord ? Ne bouge pas !

Il raccroche immédiatement. Sortant de ma chambre en titubant, je vois Maria occupé à faire la vaisselle en sifflotant dans la cuisine. Je m'en veux de sortir dans son dos mais je ne peux expliquer mes larmes alors comment la rassurer quand elle me verra dans cet état ? Chassant toutes ces questions, j'avance jusqu'à la porte et l'ouvre silencieusement. Après m'être glissé dans ma grosse doudoune, je me faufile à l'extérieur. Assise sur les marches, devant l'entrée, je m'attarde sur de petits détails pour m'efforcer de penser à autre chose. La faible lumière d'une bougie près de moi donne une teinte presque caramel à ma peau d'ordinaire assez pâle. Chacune de mes respirations dessinent dans l'air nocturne un petit nuage de vapeur. Mes larmes, de plus en plus froides, continuent inlassablement de rouler sur mes joues, teintées d'un léger rouge à cause de la basse température. Ce sentiment de tristesse ne me lâche pas alors que les hululements recommencent, plus fort, peut-être plus proche. Dans le lointain, une lumière se rapprochant de moi me fit me lever. Dreiko est là. Alors qu'il sort à peine de sa voiture, je cours vers lui et lui saute dans les bras. Surpris dans un premier temps, il me réceptionne finalement et me serre contre lui.

-Dreiko, qu'est ce qui ... m'arrive ..? dis-je contre lui dans un sanglot.

Il regarde autour de lui quelques secondes avant de reposer un regard rassurant sur moi.

-Ma pauvre ... Je crois que Depretyo joue avec toi. dit-il très bas en passant une main chaude sur ma joue pour essuyer quelques larmes.

-Depretyo ? Le frère de Sority ? dis-je en le fixant, les yeux rouges et pleins de larmes.

-Lui-même. C'est l'entité de la tristesse, un hibou très solitaire qui déteste quand le Synthési est délaissé par son propriétaire. Il n'a pas dû apprécier que tu le laisses à la librairie en début d'après-midi. explique-t-il.

-Qu'est que je dois faire pour que ... ça cesse ? C'est vraiment douloureux ...

-Vu ta tête, je te crois ... Et si tu venais avec moi cette nuit ? dit-il souriant.

-Avec toi ? Mais où ?

-Loin d'ici, juste une nuit. Que Depretyo te laisse tranquille et que ... j'apprenne à te connaître dit-il soudain en baissant le regard.

Dans la nuit froide, éclairée seulement par les phares de la voiture, je me tiens devant lui, tremblante.

-T'as quelque chose pour écrire ?

-Bien-sûr, attends. dit-il en allant chercher dans sa voiture, un bloc note et un crayon. Tiens.

-Merci, je ne peux pas partir ... et laisser Maria sans nouvelle.

M'appuyant sur le capot gelé de sa voiture, je rédige alors une petite lettre à son intention.

Maria,

Surtout, ne t'inquiète pas, et je suis sérieuse. Tu te souviens de Soryti, le cheval ailé que j'ai rencontré aujourd'hui ? Et bien il a des frères et sœurs. L'un d'entre eux s'appelle Depretyo. C'est l'entité de la tristesse. Il s'en est prit à moi en me faisant voir les images d'une enfance créée de toutes pièces et m'a violemment rappelé que je ne connaissais pas mes parents biologiques. Je me suis mise à pleurer de manière incontrôlable mais je ne voulais pas t'inquiéter. Je passe la nuit avec un ami, ne t'inquiète pas d'accord ? Je serai de retour dans la journée, demain.

Je t'aime, Danaé.

M'avançant jusqu'à la porte d'entrée, je glisse le papier en dessous avant de m'éloigner de celle-ci pour la nuit.

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