Crédit : Artbreeder
Toujours en gardant mes yeux clos, j'étends tout mon corps pour le détendre au maximum. Encore une de ces nuits au sommeil perturbé. Mais pourtant, un nouveau jour s'annonce. En sortant de ma chambre, je suis accueillie par de timides rayons de soleil perçant à travers les rideaux de mon salon. Les grandes fenêtres offrent une vue sur la forêt qui entoure ma maison. Le petit écran plat trône sur un meuble en bois peint et fait face à un vieux canapé, hérité de l'ancienne propriétaire. Au centre de la pièce, de sa taille imposante, repose une grande table en bois sombre. Même si je n'aime pas vivre seule, du moins sans aucun être vivant à mes côtés, je me sens bien dans cette maison ; je m'y sens chez moi.
Jetant un rapide coup d'œil dans le miroir, je fixe mon reflet un instant. Les cernes sous mes yeux sont bien visibles, et mon style matinal : cheveux en bataille et pyjama, ne donne clairement pas une image soignée de moi. Cette observation me fait d'ailleurs ricaner avant de continuer vers le salon.
Comme chaque matin, je vais récupérer les quelques lettres déposées devant ma porte, pour les ajouter au tas déjà bien garnis, sur la table. Qui aurait cru que les gens en parlaient encore trois ans après. Ces lettres, que je reçois par centaines chaque mois, sont des messages de félicitations ou encore d'encouragements. En effet, cinq ans en arrière, j'ai participé au "concours des p'tits génies". Celui-ci était réputé pour ne jamais avoir eu de gagnant. Mais cette année-là, dans la catégorie "programmation et robotique", je remportais le premier prix, une bourse très généreuse pour entrer dans l'une des écoles les plus prestigieuses du pays. Cette victoire me valut des tonnes de lettres de parents ou d'ex-participant au concours. Pour une jeune fille orpheline de 13 ans qui tentait tant bien que mal de passer inaperçue, c'était peine perdue.
Mon nom est encore aujourd'hui dans tous les journaux. Les gens parlent d'un nouvel espoir pour la science de la robotique.
J'en attrape une au hasard et l'ouvre. Je déplie le papier et commence la lecture.
" Ma chère Danaé,
Ce jour-là, quand mon regard s'est posé sur toi, j'ai immédiatement remarqué tes yeux bruns lumineux et ta chevelure blonde ondulant dans le vent. Ton intelligence m'a également frappé lors du concours, tous les participants seront sûrement de mon avis. J'aimerais beaucoup te rencontrer personnellement. Pouvoir entendre ta voix, sentir ton parfum, toucher ta peau..."—Ok, je crois que je vais m'arrêter là, je suis assez dégoutté... beurk...
Alors que je jette celle-ci directement dans la poubelle, une autre lettre attire mon attention. Son enveloppe en papier ancien se distingue des autres et de leur papier blanc, classique. Sur celle-ci, mon adresse était écrite à la main ; peut-être à l'encre de Chine ? De l'autre côté, un symbole doré y est inscrit. Sans savoir pourquoi, il m'est familier. Il représente un "Z" majuscule inscrit dans un cercle. Plusieurs images me reviennent en mémoire mais aucune me permettant d'identifier ce symbole.
C'est ce moment qu'a choisi mon bot domestique pour entrer dans la pièce. Maria. Du plus loin que je m'en souvienne, c'est elle qui m'a élevée. Je l'ai appelé ainsi car d'après ses souvenirs, c'était le nom de ma mère. Depuis que je suis toute petite, Maria me raconte pleins d'histoires dont une que j'affectionne tout particulièrement.
Un jour, une petite fille d'à peine un an a été retrouvée dans le tronc creux du plus grand arbre de la forêt d'Alandra, grande capitale d'Amadicia, continent de l'hémisphère nord, avec comme seul bagage un collier très spécial, posé sur ses langes. Les fins tissus qui emmaillotaient ce bébé étaient blancs et brodés d'un fil doré très délicat. C'est un chasseur, passant régulièrement dans le coin qui avait entendu les cris de l'enfant. Il l'avait alors recueilli, surtout intéressé par le prix qu'il pourrait tirer du collier. La vie était très dure pour qui n'avait pas de métier soutenu par le gouvernement. Le collier en question ressemblait en tout point à une pierre d'obsidienne ; pierre beaucoup utilisée pour la conception de nombreux appareils technologiques. Elle était incrustée sur un pendentif et une petite chaîne en fer blanc. Mais les apparences sont trompeuses.
A force de manipulations pour tenter de retirer la pierre, l'homme avait alors involontairement activé un mécanisme caché, véritable nature de la pierre. Une Intelligence Artificielle (IA) semblable à celle qu'on pouvait trouver dans le commerce fut alors mise en marche. C'est une technologie assez répandue. En effet, chaque foyer en possède au moins une. Une fois installée dans un bot, un robot humanoïde, ces assistants à la vie quotidienne ont de nombreuses utilités. Ils servent de nourrice, de cuisinier, de professeur ou même, parfois considérés comme des amis. Dans mon cas, Maria est une famille, une mère.
J'ai mis plusieurs années à comprendre que la petite fille de l'histoire que Maria me contait tous les soirs, c'était moi. J'étais ce bébé qui pleurait, seul, en pleine forêt. Je suis cet enfant, qui a essayé de se construire un passé, avec une famille, pour essayer de vivre comme les autres enfants, mais qui n'a jamais réussi. Je suis cette personne qui a donc vécu seule dans une maison éloignée de tout, avec pour seule compagnie et seule famille, un bot doté d'une IA.
Pour en revenir au présent, le symbole fit encore un tour dans mes souvenirs, en vain. Si ma mémoire ne m'aide pas, peut-être que celle de Maria le peut.A tous les niveaux, j'ai une chance incroyable de l'avoir, mais sa mémoire est vraiment exceptionnelle. De ce qu'elle m'a raconté, elle a appartenu à mes parents avant moi. Elle se souvient de tout dans les moindres détails, de la naissance de mes parents, le jour de son activation, jusqu'à aujourd'hui. En théorie, je devrais donc savoir pourquoi je suis orpheline, pourquoi j'ai été trouvé en plein milieu de la forêt d'Alandra. Mais c'est là que le mystère commence réellement. La plus grande partie des fichiers mémoriels de Maria, comportant donc tous les souvenirs de mes parents, est illisible, protégée par un cryptage très poussé. Les souvenirs sont là, en dessous de ce mur numérique, mais elle seule ne peut les atteindre. C'est pourquoi, dès que j'ai su me servir d'un ordinateur, à l'âge de 8 ans, j'ai commencé à "décortiquer" Maria pour comprendre comment elle fonctionnait. J'ai rapidement compris l'utilité de chaque fil, de chaque carte électronique et de chaque circuit. Mais le plus gros du travail reste sa mémoire.
L'IA permet à un bot une fluidité quasi humaine des mouvements de chaque articulation ainsi que la capacité à ressentir des émotions. Je me suis très vite pris d'intérêt pour la robotique. Je suis portée par mon envie grandissante d'en savoir plus sur mes parents et sur la raison qui les a poussés à m'abandonner mais le cryptage reste toujours plus complexe que mes compétences. En effet, malgré mes recherches, rien d'aussi complexe n'a jamais été créé sur cette planète. Mais je ne perds pas espoir ; un jour viendra où je comprendrais d'où je viens et ce que mon passé à de si mystérieux pour avoir été obstrué.
Me perdant comme à mon habitude dans mes pensées, la voix de Maria me ramène à la réalité. Au fait, je m'appelle Danaé. Ce que je viens de vous raconter n'est qu'un début. Le début d'une histoire bien plus grande ; l'histoire de ma vie.
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Do you feel it
FantasyDanae, jeune fille orpheline, vit aujourd'hui seule avec Maria, un bot doté d'une intelligence artificielle. Apres avoir fait la connaissance d'Ezekiel, nouveau libraire récemment installé dans le centre ville d'Auriel, un étrange livre entrera dan...