Chapitre 006 (pj : Ezekiel)

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Crédit : Artbreeder

Sans relever sa remarque, je m'arrête enfin devant l'une des plus belles vitrines de la ville selon moi, la librairie. On y voit entreposés par-ci, par-là des piles de livres allant du roman aux recueils de poésie en passant par le théâtre. Ezekiel a presque tous les livres dont ont peut rêver. En parlant de lui, il me fait signe d'entrer depuis l'intérieur. Je m'exécute alors, faisant sonner la petite cloche de la porte d'entrée.

-Danaé ! Déjà de retour ? demande Dreiko en venant à ma rencontre avant de me débarrasser de mon manteau, souriant.

-Oui. dis-je en lui rendant son sourire. On va dire qu'un vieil ami d'Ezekiel souhaitait lui rendre une petite visite. continue-je avec cette fois, un sourire au vieil homme.

-Tu veux dire que ... commence-t-il en descendant de son tabouret avant de faire le tour du comptoir pour s'approcher.

-Il pensait que la succession du Synthési avait eu lieu à cause de ta mort. dis-je en me tournant vers Sority, immobile dans l'entrée de la librairie.

Ezekiel suit alors mon regard mais ne voit rien là où moi, je vois cet imposant cheval blanc. D'ailleurs, dans un hennissement, il s'approche de moi.

-Touche mon cristal et il pourra me voir.

Avec un regard emphatique pour le vieux libraire, je dépose mes doigts sur la pierre qui s'illumine à nouveau, comme dans la forêt. Les deux hommes reculent alors de quelques pas alors que Sority les salue, un genou à terre. Soudain, un sourire des plus lumineux apparaît sur le visage d'Ezekiel. Celui-ci s'approche de l'abnobiote et prend son encolure entre ses bras alors qu'on peut déjà voir ses yeux se remplir de larmes. Ne voulant interrompre ce moment, je recule de quelques pas, suivi de près par Dreiko qui laisse son père à ses retrouvailles.

-Merci, commence-t-il en observant la scène. Tu ne pouvais pas lui faire de plus beau cadeau.

-Quand Sority m'a dit qu'il le pensait mort, je n'ai pas vraiment hésité. dis-je, attendris par la scène.

Dreiko quitte l'entrée des yeux pour venir les poser sur moi. J'y décèle une lueur d'espoir, de soulagement quand il ouvre finalement la bouche pour parler.

-Mais si tu es là, ça veut dire que tu viens récupérer le Synthési pas vrai? Ce maudit livre va enfin quitter la librairie.

-Ce n'est pas une malédiction. dis-je avec un regard réprobateur vers lui.

-Bien-sûr que si. enchaîne-t-il comme par évidence. On voit bien que tu ne les as pas tous rencontrés. Et puis, ce fichu bouquin m'a pris mon père, il ne s'occupait plus de moi : j'ai dû me construire seul. finit-il par dire avec un coup d'œil vers la scène de retrouvailles.

Je ne lui réponds pas mais compatie. Dans ces circonstances, le Synthési avait en effet l'air d'un poids à porter. Sur les derniers mots de Dreiko, Sority avec, toujours à ses côtés, Ezekiel, s'approche de nous.

-Mes frères et sœurs m'attendent, je dois rentrer chez moi. dit le cheval ailé d'un air enjoué.

-Ça m'a fait énormément plaisir. ajoute le libraire

Caressant le museau de l'abnobiote, j'effleure à nouveau son cristal. Cette fois, il a disparu pour moi aussi. Ezekiel, le sourire encore peint sur le visage, me serre dans ses bras. J'accepte l'étreinte du vieil homme. Du coin de l'œil, je vois alors Dreiko s'éloigner dans l'un des rayons de la librairie, retournant vaquer à ses occupations.

-Veux-tu le Synthési maintenant ?

-Je crois que si je te le laisse, Sority m'en voudra pour de bon. dis-je avec un léger rire.

Tout heureux, il se glisse derrière le rideau qui, cette fois, demeure fermé, comme si la dernière fois, la salle était restée ouverte juste pour que je puisse voir le Synthési. Il en ressort quelques secondes après, portant dans ses mains un paquet rectangulaire bien emballé et fixé d'une cordelette. Il s'approche et me le tend.

-Surtout, attends d'être arrivé chez toi avant de retirer le tissu. Beaucoup connaissent ce livre ici, y compris les légendes qui l'entourent. Tu ferais des envieux, et pas seulement par admiration. dit-il en tapotant un peu le paquet.

-Pas de soucis. dis-je en le glissant dans mon sac à dos. Avant de partir, j'ai une dernière question à vous poser. Où est partit Sority ?

-Je me doutais que tu poserais la question. Aucun des propriétaires du Synthési ne l'a jamais su. C'est un mystère. Les abnobiotes eux-mêmes n'en parlent pas. On peut s'imaginer plein de choses partant de là. Un monde d'esprits, une autre dimension ; au cours de l'histoire, il y a eu autant d'hypothèses qu'il y a eu de protecteurs.

-Personne n'a jamais poussé les recherches plus loin de ces simples hypothèses ? Pourquoi ne pas avoir essayer d'y aller ?

-Oubli ça, jeune fille. Même si cette possibilité existait, le voyage serait beaucoup trop dangereux.

-Oh ... Je comprends.

Une fois mon sac replacé sur mon épaule, je remercie Ezekiel et salue Dreiko qui me tend alors mon manteau, avant de quitter la librairie. Dehors, le soleil commence à se cacher derrière l'horizon alors même que les premiers vents froids de la nuit soufflent. Avec un objet aussi précieux et d'après le vieux libraire, aussi convoité, j'ai l'impression que chaque personne que je croise me dévisage. Prenant alors le chemin vers la sortie de la ville, je suis contrainte de passer par une ruelle assez étroite qui, une fois la nuit tombée, paraît bien plus sinistre, n'étant pas atteinte par la lumière tamisée projetée par les lampadaires de la ville. Vérifiant encore et encore mon téléphone pour voir si je n'ai pas de message de Maria, je trouve encore mon écran vide de notification ; il ne doit pas encore être si tard. Mais j'ai un mauvais pressentiment ; suis-je seule dans la ruelle ? De temps en temps, je me retourne pour m'assurer de ne pas être suivi. J'accélère finalement le pas et atteint plus vite que prévu la rue principale, bien mieux éclairée. Me retournant une dernière fois vers l'obscurité dont je viens d'émerger, je crois y voir quelqu'un, ou quelque chose. Deux petits reflets, des yeux peut-être ? Dorés, menaçant ou pas, dur à dire. Mais ils me regardent, ça c'est sûr. Pétrifiée, je recule de quelques pas sans lâcher ces iris lumineuses des yeux. Je réfléchis à la meilleure chose à faire dans ce genre de situation. Une chose est sûre, je dois rentrer auprès de Maria, donc quitter la ville le plus vite possible. Lâchant son regard une seconde pour voir à quelle distance je me trouve de la sortie de la ville, le regard persistant de ce qui se trouvait dans la ruelle il y a quelques secondes a disparu quand je me suis à nouveau tourné vers la ruelle sombre. Un mélange de panique et de soulagement s'empare de moi alors que je regarde tout autour de moi. La rue principale, éclairée comme en plein jour, est bordée d'une multitude de ruelles sombres comme celle que j'ai empruntée. Une fois la ville plongée dans l'obscurité silencieuse, c'est comme si le temps s'y arrêtait un instant. Bienvenue à Vulom, une petite ville du royaume d'Alandra, au Nord du monde. C'est un très grand royaume où chaque peuple vit en paix. Sa capitale est Amadicia, la "ville-mère". C'est là qu'est en grande partie géré l'aspect politique, économique et technologique du royaume tout entier. C'est une très grande et très belle ville où très peu ont les moyens de vivre. Vulom se trouve bien plus à l'Est. Alors que mon cœur commence à ralentir suite de cette frayeur, je remarque enfin que la rue principale est complètement vide. Personne ne m'avait vu sortir terrifiée de la ruelle. Je me précipite alors vers la forêt. Je passe finalement sous le portique de la ville et prends la route de la maison, avec encore plus de questions en tête. Je ne traîne pas trop sur le chemin de terre très peu éclairé et me retrouve rapidement chez moi.

Do you feel itOù les histoires vivent. Découvrez maintenant