1. Ambre.

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Quand elle se réveilla, le premier réflexe d'Ambre fut de porter une main à son front. Elle avait un mal de tête épouvantable et l'impression que son corps était meurtri comme si elle avait fait une immense chute. Elle était frigorifiée aussi, ce qui n'avait rien d'étonnant puisqu'elle était allongée dans la neige. La jeune fille se redressa sur un coude en ignorant la douleur qui découla de ce mouvement. Elle ignorait où elle se trouvait, et en y réfléchissant, il y avait beaucoup de choses qu'elle ignorait. Elle ne savait pas ce qu'elle fichait ici, elle ne savait pas à quoi elle ressemblait. En fait, elle ne savait pas vraiment qui elle était, ce qui la fit paniquer. Elle se souvenait d'une seule chose : elle s'appelait Ambre et était la fille d'Artémis, déesse grecque de la lune et de la chasse. 

Ambre tenta de se lever mais retomba aussitôt dans la neige. Elle se demandait ce qui lui était arrivé pour qu'elle soit aussi faible et incapable de tenir sur ses jambes. Elle s'assit un peu plus confortablement dans la neige, ferma son épaisse veste et fit le point sur ce qu'elle savait. Elle savait que les dieux grecs existaient et qu'ils engendraient parfois des enfants avec des mortels. Elle était l'une d'entre eux. Par contre, pas moyen de remettre le doigt sur ce qui lui était arrivé. Elle était totalement amnésique, et n'avait absolument aucune idée de ce qu'elle faisait là, ni pourquoi elle n'avait plus aucun ses souvenirs. 

Ambre se força à se lever. Elle allait geler si elle restait ici. Il fallait en premier lieu qu'elle trouve un abri, elle pourrait aviser ensuite sur la marche à suivre - littéralement. Alors qu'elle avait lentement fait quelques pas dans la neige, elle distingua au loin deux silhouettes habillées de noir se diriger vers elle. La jeune demi-déesse se crispa aussitôt. Elle ne connaissait pas ces personnes, mais son instinct ne l'incitait pas à leur faire confiance. Le truc, c'est qu'ils avançaient vite, qu'elle n'allait pas bien et qu'elle n'avait aucun moyen de se défendre. Une arme, il lui fallait une arme...

A peine avait-elle formulé cette pensée qu'elle sentit un poids sur son épaule et se rendit compte qu'un arc était apparu comme par magie sur elle, ainsi qu'un carquois rempli de flèches. Un peu flippant, certes, mais plutôt cool. Préférant éviter une confrontation directe si possible, elle partit au pas de course en espérant que ses vêtements de couleur claire et son allure discrète l'aideraient à se fondre dans le temps brumeux. Si ces personnes ne la remarquaient pas, tant mieux. C'était peut-être stupide de sa part, étant donné qu'elles semblaient être les seuls humains à des kilomètres, mais Ambre n'y pouvait rien : elle ne voulait pas les rencontrer. 

Ambre repéra au bout d'un temps un trou entre deux rochers, presque invisible. La cachette parfaite. Elle rampa doucement pour entrer dans l'abri, grimaça de douleur quand son épaule râpa contre la roche et, une fois à l'intérieur, s'effondra au sol, épuisée. Elle n'y voyait rien, mais tant pis : tout ce qu'elle voulait, c'était dormir. Elle aurait peut-être dû soigner ses blessures avant, mais elle était bien trop fatiguée. De toute façon, il fallait mieux attendre que la brume se lève pour avoir de la lumière...  

Ambre fit des tas de rêves bizarres. Dans le premier, elle vit un lion de la taille d'un tank grogner avant de bondir. Elle vit un serpent à deux têtes filer vers elle à une vitesse hallucinante, et une sorte de femme de terre hurler qu'elle allait tuer tout le monde. Une série de petits cauchemars qui forcèrent Ambre à s'interroger sur la vie qu'elle avait dû mener jusqu'à présent. 

Ses visions brèves disparurent pour laisser place à un rêve bien plus clair. Une fille d'une quinzaine d'années lançait avec rage des poignards sur un pantin de paille. Elle portait une tunique rouge vif au décolleté bordé de petites perles, des leggings et une paire de hautes bottes noires. Ses cheveux blonds avait été attachés en queue-de-cheval mais partaient maintenant dans tous les sens. La fille lançait ses armes sans relâche, avec force, le visage crispé. Ambre distingua des larmes au coin de ses yeux marrons. 

Les deux mondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant