L'Écho des rois

Chapitre 12

Reconnue comme une Khorak puissante, Nour Ozkhan gouverna l'île de Muhrsin d'une main de fer jusqu'à sa mort lors d'un naufrage en 531 ap. AA. Elle était considérée par ses pairs comme une Dame de grande noblesse qui était très à sa place à la tête de Muhrsin.

Elle fut mariée à un marchand d'Argedhen et eut un fils, Nemet Ozkhan, qui sera son unique héritier. Cependant, persuadée que son époux cherchait à la trahir pour s'emparer du pouvoir, elle le fera décapiter en public, insistant pour que son fils, alors âgé de dix ans, soit présent lors de l'exécution.

Daro Hitial, Précis des îles Henalyn,
531 ap. AA

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S'il faisait chaud à Nymbe, la température au cœur des îles Henalyn était encore d'un tout autre ordre. Alors que les journées brûlaient sous un soleil de plomb, les nuits glaciales rendaient les hommes transis de froid en quelque heures. Seules les phases de transition comme l'aube et le crépuscule offraient un climat plus agréable. Et pourtant, ni aride, ni marécageuse, la terre laissait s'épanouir une végétation luxuriante dans les jardins les mieux entretenus.

Vêtu d'un caftan léger aux nuances safranées, Reïs déambulait au milieu des parterres de fleurs et des fontaines sculptées. Loin de l'assommer, les dernières lumières du jour déclinant l'effleuraient avec douceur, caressaient sa peau qui avait légèrement foncé sous l'effet du soleil. Il avançait d'un pas distrait sur le chemin de terre, contemplant la beauté de cette nature domestiquée qui l'entourait. Arrivé auprès de la grande fontaine centrale, il prit place sur un des bancs de bois clair disposé en ligne en face du bassin. Songeur, son regard se posa sur les sculptures de verre qui trônaient autour de lui sur des socles de marbre. Représentant une multitude d'animaux, elles scintillaient sous les derniers rayons de soleil, brillant comme des joyaux.

Lorsqu'il avait visité les jardins en compagnie de Nour Ozkhan, la Khorak de Muhrsin qui lui offrait l'hospitalité, cette dernière avait expliqué qu'un voyageur venu de contrées lointaines lui en avait fait cadeau en passant à sa cour. Le visiteur s'était présenté comme étant un mage, capable de dompter les flammes. Il disait les avoir sculptées lui-même, grâce à la source de son pouvoir, un feu qui ne s'éteignait jamais et qu'il transportait dans une boîte ensorcelée. Malheureusement, il avait disparu avant que l'on ne puisse demander à voir ce fameux brasier éternel. Néanmoins, les sculptures étaient si belles que la Dame de Muhrsin avait refusé de s'en séparer et les avait exposées dans ce jardin en souvenir du mystérieux mage voyageur.

Derrière les scintillements du verre, les reflets de l'eau de la fontaine projetaient une multitude d'éclats de lumière sur le marbre. Si beaucoup auraient trouvé cela apaisant ce clapotis incessant retournait l'estomac du jeune roi. Malgré les nombreux jours qui s'étaient écoulés depuis son arrivée, il ne parvenait pas à chasser la sensation nauséeuse qui le prenait à la gorge. Le voyage en bateau avait été long, très long. Trop long. Et il en gardait un souvenir pour le moins écœurant.

En temps normal, il aurait probablement tout donné pour s'éviter le supplice d'une telle traversée. L'accord qui devait se négocier avec la Khorak de Muhrsin aurait pu être conclu par l'intermédiaire d'un émissaire, comme cela avait été le cas avec le Khorak de Bahri. Mais après les événements qui s'étaient produits quelques mois auparavant, il avait saisi l'opportunité sans la moindre hésitation. Il fallait dire que l'ambiance au Palais était devenue de plus en plus pesante. La découverte de sa Marque n'avait pas arrangé ses relations les autres membres de la Couronne. Lorsque le sujet des négociations avec Muhrsin avait été abordé, il s'était proposé de lui-même, assurant qu'il serait mieux de discuter en personne les termes de l'accord. En plus de cela, il avait ajouté qu'il fallait bien que les souverains du Grand Royaume rencontrent les autres puissants des Terres Etendues un jour ou l'autre.