L'Écho des rois

Chapitre 16

Il est à noter que les souverains du Grand Royaume peuvent théoriquement abdiquer. Si des vœux de cession sont librement prononcés en présence du Haut-prêtre, il est dit qu'un roi ou une reine peut abandonner sa couronne. Une fois ces vœux formulés et acceptés, l'action est cependant irrévocable et le souverain se voit déchu de ses titres et de sa fonction. Un Gardien prend alors sa place sur le trône jusqu'à sa mort, lorsqu'un nouvel Enfant légitime sera désigné.

Néanmoins, cette pratique n'a pas réellement cours car la Volonté maintient fermement les Enfants de Mhell, d'Hyria et de Rhezar sur les trônes. Les rares souverains ayant voulu prononcer des vœux de cession ont été déclarés « non-libres d'esprit » par le Haut-prêtre et ont dû conserver leur couronne.

Cercle des mémorialistes, Traité du Grand Royaume, 322 ap. AA

——

Les bruits de pas résonnaient dans le couloir. Un air exaspéré peint sur le visage, le roi marchait en direction de la salle des trônes. Le Radieux le suivait de près, ayant revêtu une longue toge noire pour l'occasion. A son cou, le médaillon de la foi d'Havviquaelios scintillait. Sur leur passage, les valets et intendants royaux s'écartaient en silence, effrayés. Aucun d'eux ne souhaitaient risquer de se confronter à un excès de colère du roi. Au vu des murmures qui couraient les couloirs, leurs chances de survie auraient été minimes.

Lorsque Reïs entra dans la salle des trônes, Silia leva la tête vers lui. Enveloppé dans un grand manteau écarlate finement brodé, le roi paraissait encore plus déterminé que d'ordinaire. A droite de la Gardienne, Son Excellence Arty Crehn, habillé de sa soutane blanche liserée d'or, avait un air grave flottant sur son visage ridé. Lorsqu'il découvrit le Radieux marchant à la suite de son roi, le Haut-prêtre sembla particulièrement contrarié. Mais, malgré le mécontentement visible sur ses traits, il s'inclina.

— Je suis venu, lança Reïs en indiquant sèchement au clerc de se redresser. J'espère pour vous que cela en valait la peine. Qu'aviez-vous à me dire ?

En réalité, il était surpris de découvrir le Haut-prêtre et Silia ensemble. Les deux ne s'appréciaient pas, Reïs le savait. La Volonté n'était pas en très bon terme avec la Gardienne. Même s'il s'agissait de défendre la Couronne, elle avait commis un régicide en tuant Corus d'Avarine. Et quoi qu'on puisse en dire, il était un roi légitime. De plus, la façon dont elle influençait Lastel et Melia ne convenait pas vraiment au Haut-prêtre. A son goût, elle avait bien trop de pouvoir sur la Couronne pour une simple Gardienne. Et pourtant ils se trouvaient là, côtes à côtes, face à lui, ayant visiblement enterrés leurs différents pour viser un objectif commun.

Son Excellence Arty Crehn s'éclaircit la gorge, ses yeux se posant sur le Radieux qui se tenait à quelques mètres. Les deux hommes se jaugèrent un moment, s'affrontant du regard.

— Pourriez-vous faire sortir l'infidèle, Votre Majesté ? finit par gronder le Haut-prêtre. Je peux accepter beaucoup de chose, en particulier si mon souverain en donne l'ordre, mais la vue de mon roi aux côtés d'un hérétique m'est insupportable.

Reïs se tourna vers lui, un sourire amusé étirant ses lèvres. Il secoua la tête.

— Je regrette, Votre Excellence, mais il ne partira pas.

— Si vous le livrez maintenant à la Volonté pour outrage et blasphème, les Eternelles vous pardonneront votre égarement. Je vous en conjure, il est encore temps de vous repentir !

— Êtes-vous venu juste pour cela, siffla le roi qui s'impatientait, ou aviez-vous quelque chose d'important à dire, Votre Excellence ?

Devant la résolution qu'il lisait dans les yeux de Reïs, le Haut-prêtre se renfrogna, abandonnant ses espoirs de le ramener à ses côtés. Jetant un regard à Silia, il secoua la tête et reprit :