Chapitre 14

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La nuit sera longue, mais le jour viendra
Fidèles, porteurs de vérité, lorsqu'il sera temps
Ne tardez pas, acceptez le Prophète
Il sera votre guide, votre volonté,
Il sera le monde et combattra le chaos
Fidèles, porteurs de vérité, vous chérirez le Prophète
Car grâce à lui, enfin vous serez sauvés

Liseris Aragos, Psaumes véritables, 71 ap. AA

——

Le Radieux était un homme discret. Il parlait rarement, se contentait le plus souvent d'observer, de surveiller. Il était comme une ombre. Une ombre qui suivait le roi.

Dînant dans la grande salle à manger, Reïs contemplait son assiette avec une certaine lassitude. Malgré la multitude de plats posés sur la table devant lui, il ne parvenait pas à trouver l'appétit. Son ventre était lourd, empli par un nœud acide qui refusait de disparaître. En face de lui, le Radieux picorait un peu de pain et s'affairait lentement à terminer la soupe qui remplissait le fond de son bol. Il ne mangeait jamais beaucoup. Reïs l'avait remarqué. Le vieil homme se contentait le plus souvent des plats les plus simples et en petite quantité. Le festin préparé fut inutile. La presque totalité des mets furent renvoyés en cuisine.

Les deux hommes dînaient seuls. Les courtisans n'appréciaient pas particulièrement la présence du roi. Les chuchotements qui traversaient le Palais étaient parvenus aux oreilles de nombres d'entre eux. Alors, puisque que ni Lastel, ni Melia ne s'étaient rendues disponibles ce soir-là, ils s'étaient empressés de trouver une excuse pour ne pas venir eux-aussi. La cour n'estimait pas beaucoup son roi par les temps qui couraient.

Seul le bruit des couverts vibrait dans le silence installé dans la grande salle. Reïs finit par lâcher sa fourchette.

— Il y a quelque chose que ne comprend pas, déclara-t-il en secouant la tête. Pourquoi est-ce que la magie m'échappe parfois ?

Le Radieux leva vers lui son visage lisse, ses petits yeux sombres détaillant un instant les traits de son roi. Une lueur presque paternelle éclaira son regard, comme s'il avait attendu depuis longtemps que Reïs pose cette question. Il reposa doucement ses couverts de part et d'autre de son assiette.

— Pour tous les Enfants, finit-il par expliquer de sa voix rauque, la magie est étroitement liée aux émotions. La magie de Mhell est puissante mais si vous n'apprenez pas à la dompter, elle sera toujours influencée par vos états affectifs. A terme, elle pourrait même vous consumer.

— Comment puis-je faire ? demanda Reïs, plus effrayé que rassuré par les paroles du Radieux. Comment serais-je capable de la maîtriser pleinement ? Il m'arrive de savoir comment faire, mais lorsque que je suis effrayé, ou en colère, elle vibre en moi et je suis incapable de l'arrêter.

Le Radieux se pencha vers lui.

— Pour la maîtriser, Votre Majesté, vous devrez commencer par cesser de la brider. Vous devez comprendre l'étendue de sa puissance. Vous devez sentir la magie pour ce qu'elle est réellement. Elle ne doit pas être des éclats qui fusent aux dépens de votre volonté. Elle doit être une lame. Une épée que vous maniez seul et avec une technique irréprochable.

Il avait parlé à voix basse, comme s'il craignait que l'on puisse l'entendre. Lorsqu'il se redressa, Reïs le regardait toujours, un air circonspect peint sur le visage.

— Pour cela, Votre Majesté, ajouta le vieil homme, je peux vous aider. Je peux vous apprendre.

— De quelle façon ?

— Vous verrez... Si vous acceptez, je réunirais quelques fidèles de la foi d'Havviquaelios pour une cérémonie. Tous ensemble, nous pourrons vous aider.

L'Écho des roisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant