Chapitre 7

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Nate

Je l'ai suivie, poussé par une impulsion presque irrépressible. Je n'arrive pas à expliquer pourquoi, mais l'envie de comprendre qui est cet Ethan qu'elle a mentionné tout à l'heure m'obsède. Elle a essayé de parler discrètement à Kate, mais j'ai surpris son murmure. Ethan... qui peut-il bien être ? Un ami proche ? Un amant ? Ou pire encore, son mari ? Non, impossible, elle ne porte pas d'alliance. Pourtant, ce doute m'ébranle, m'envahit d'un frisson désagréable que je tente de refouler. Je dois savoir pour qui elle a accouru, comme si sa vie en dépendait.

Devant moi se dresse ce qui ressemble à une école maternelle. C'est donc ici que travaille cet homme ? Peut-être est-il enseignant ? Je l'imaginais bien différent, plus proche de l'image d'un homme d'affaires à succès. Je franchis l'entrée, hésitant, mes pas guidés par un étrange pressentiment. Je ne sais pas où elle est, mais quelque chose dans mon corps semble deviner le chemin. Je m'avance dans un couloir silencieux, et soudain, mon regard se pose sur un sac abandonné sur le sol. Celui de Kara.

Plus loin, sa silhouette est accroupie devant un banc. Elle se penche en avant, murmure des paroles que je ne peux pas encore distinguer, son corps comme enroulé autour de quelque chose ou de quelqu'un. Je m'approche lentement, mon cœur bat plus fort, convaincu qu'elle n'est pas seule. Soudain, une petite tête se penche doucement sur le côté, dévoilant un visage enfantin.

— Maman, c'est qui, le Monsieur derrière toi ?

La question, innocente et naïve, frappe en moi comme un coup de tonnerre. "Maman" ?
Ce petit garçon vient vraiment de l'appeler « maman » ? Mes pensées se figent. Et pourtant, sans se retourner, Kara répond d'une voix douce, sans hésitation :

— Ne t'en fais pas, mon cœur, c'est un collègue de travail qui m'a aidée à venir te rejoindre rapidement.

Elle sait que je suis là, elle me sent, me reconnaît sans même me voir. Cette complicité muette entre elle et moi est à la fois déconcertante et irrésistible. Tandis que je m'avance, un second choc m'assaille. Je le contemple, chaque détail de ce petit être me saisit d'une fascination intense, presque inexplicable. Ses cheveux châtains aux reflets dorés retombent en mèches souples autour de son visage, encadrant des pommettes hautes, un nez finement retroussé et une bouche délicate. Mais ce sont ses yeux qui m'arrêtent, me désarment : un bleu intense, presque incandescent, une couleur si familière qu'elle éveille en moi un écho troublant, presque le même éclat que celui des yeux de mes frères et sœurs.

Son visage est une pure merveille, d'une innocence angélique. Jamais un enfant ne m'a inspiré de telles émotions, mais en cet instant, un tourbillon d'émotions m'envahit, incontrôlable.

Lorsque je reprends mes esprits et reviens à la réalité, je constate que ma taille semble effrayer l'enfant. Alors pour ne pas l'intimider davantage, je décide de m'agenouiller devant lui, imitant le geste apaisant de sa mère. Bien que je sois toujours plus grand et imposant qu'elle, je perçois un léger changement dans son regard. Il commence à se détendre, un éclat de sérénité apparait dans ses yeux. Kara, toujours à ses côtés, l'observe avec une inquiétude palpable, son visage est empreint d'anxiété. D'une voix maternelle, presque tremblante, elle lui parle :

— Ethan, mon chéri, est-ce que tu as mal quelque part ? Si c'est le cas, il faut que tu le dise à maman.

Je tique quand j'entends à nouveau son prénom et tourne vivement la tête vers elle. Elle ne semble même pas remarquer mon geste, entièrement absorbée par son fils. Un pincement me serre le cœur. Ça fait si longtemps que ce prénom n'a pas franchi mes lèvres, et je n'étais pas préparé à l'entendre prononcé par elle.

Je n'y avais pas vraiment prêté attention tout à l'heure, convaincue que j'étais sur le point de rencontrer un amant, mais... son fils porte le même prénom que mon défunt père. Ethan finit par hocher la tête et désigne un endroit du doigt. Sans perdre une seconde, Kara relève son pantalon, révélant un bleu impressionnant sur sa jambe et un genou gravement blessé qui saigne. Je serre les dents, choqué par ce que je vois. Je comprends mieux pourquoi l'enfant pleurait à mon arrivée. Son genou est dans un état tel qu'il devra probablement être recousu. Le visage de Kara, habituellement calme et serein, se transforme sous l'effet de la colère.

Je ne suis pas encore père, mais en cet instant, je ressens toute la rage qu'elle éprouve. Une fureur brûlante m'envahit à mon tour. Comment un enfant aussi jeune peut-il se retrouver dans un tel état ? Et surtout, pourquoi est-il seul dans ce maudit couloir ?

Kara se relève précipitamment, et je devine ce qu'elle compte faire. Je me lève à mon tour, intercepte son mouvement et pose une main ferme sur son épaule, je la retiens avant qu'elle ne parte à la recherche de sa maîtresse ou de quelqu'un du personnel scolaire.

— On l'emmène à l'hôpital, dis-je calmement. Nous reviendrons régler ça ensuite.

Elle tremble, la respiration saccadée, les larmes aux bords des paupières, contenues pour épargner son fils. Je vois sa détermination fondre, un instant, avant qu'elle acquiesce en silence. Sans un mot, je m'avance pour porter l'enfant. Contre toute attente, il accepte de se blottir contre moi, passe ses petits bras autour de mon cou, la tête appuyée sur mon épaule, confiant. Ce simple geste me transperce ; l'élan protecteur que je ressens pour cet enfant, à peine rencontré, me bouleverse.

Kara nous regarde d'un air étrange, une tristesse impénétrable dans le regard, comme si la scène réveillait en elle un souvenir enfoui, une douleur. Une fois dans la voiture, elle prend place à l'arrière avec lui. Le silence nous enveloppe, chargé de questions muettes. Le visage du petit, enfin apaisé, s'endort presque aussitôt. Le silence est soudain rompu par la voix inquiète de Kara :

— Vous vous êtes trompé de route, monsieur Hariston. L'hôpital est de l'autre côté de la ville.

Je la regarde dans le rétroviseur, impassible.

— Non. Nous allons à la clinique privée.

Son visage se ferme, pris de panique, comme si une terreur indicible venait de la saisir.

— Non ! s'écrie-t-elle. Déposez-nous à l'hôpital... Je... je préfère éviter la clinique, s'il vous plaît.

Sa voix vacille lorsqu'elle prononce ces mots. Mais bon sang, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi diable préfère-t-elle l'hôpital à la clinique ? Elle a sûrement dépouillé assez d'hommes pour pouvoir offrir à son fils les meilleurs soins possibles. Alors pourquoi cette attitude égoïste, presque avide, comme si chaque centime comptait ? Un flot de dégoût me submerge, aussi brutal et accablant qu'un coup de poing. Mon cœur se durcit, un ressentiment ancien refait surface.

— Où est le père d'Ethan ? je lance, cinglant.

Elle relève la tête, son regard me foudroie.

— Il n'en a pas.

— Comment ça, il n'en a pas ? Un enfant se fait à deux, Mademoiselle Allen.

Ses yeux brillent d'une lueur amère, elle articule chaque mot comme une blessure ouverte :

— Le père n'a pas voulu de nous. Il a fait le choix de nous effacer de sa vie.

Elle prononce ces mots avec une amertume et une douleur si profonde qu'elles m'assaillent, presque comme une brûlure. Ai-je bien entendu ? Comment un homme saint d'esprit pourrait-il rejeter ce petit garçon ? Ethan incarnerait la fierté de n'importe quel homme !

Malgré mon amertume envers sa mère, je ne peux m'empêcher de reconnaître que Kara est ce genre de femme qui, sans effort, peut captiver tous les regards.

Elle et Ethan forment sans conteste l'image de ce qu'un homme rêverait de bâtir dans sa vie.

Et, si je devais être totalement honnête, si on me demandait de dessiner ma famille idéale, ce seraient leurs visages qui prendraient forme dans mon esprit.

Dynastie Hariston : Un Héritier Secret [ EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant