Les volcans endormis

Prélude: Une lettre

« Cher Ash,

J'ai retourné cette question des milliers de fois dans ma tête, si ce n'est des millions... Mais malgré les années qui se sont envolées, je suis toujours incapable d'y répondre.

Pourrais-tu au moins reconnaître, que ce coup de couteau dans l'aine n'avait rien de létal ? Comment une blessure si mineure aurait-elle pu avoir raison de toi? Ash Lynx. Celui que rien ni personne ne pouvait mettre à genoux. Je l'ai vu de mes yeux, la force inouïe que tu pouvais déployer, ta détermination à survivre pour rendre justice...

Alors pourquoi avoir choisi d'abandonner la vie si tôt ? Alors que tu avais tant de choses à accomplir... Tant de promesses à tenir... Ton esprit vif, et ton corps agile, dont la présence me manque tant... Ton tempérament de feu et ton instinct animal... Que leur est-il arrivé ?

Et ces témoins qui t'ont vu courir dans la rue auraient-ils menti ?... Pourquoi te serais tu arrêté en chemin alors que je t'attendais à l'arrivée ? Pourquoi avoir choisi la mort, en pleurant sur ma lettre plutôt que de venir à moi ?

La folie me ronge à chaque fois que j'imagine tes derniers instants. Tes yeux de jade, remplis de larmes, qui acceptent leur fin en échange d'un mince instant de bonheur...

Même si cela avait été long, même si tu ne m'avais pas rejoint le jour même, même s'il cela avait pris des années avant que nous soyons de nouveau réunis... Je t'aurais attendu toute la vie... Et même maintenant, je t'attends encore... Même maintenant qu'il n'y a plus d'espoir, je continue à rêver... Mes pensées ne s'égarent que dans nos souvenirs et dans les hypothèses de ce que la vie nous aurait donné à partager...

Mais dans mon déni, aussi profond soit-il, j'ai le sentiment de connaître la réponse. Une réponse si désespérante et frustrante que je ne veux même pas entendre ma conscience me la murmurer. C'est cette blessure, semblable à une piqûre de moustique, qui t'a pourtant rappelé à ton obscure réalité. Celle dont tu croyais ne jamais pouvoir te libérer... Alors que moi naïvement je croyais pouvoir te sauver...

Le temps semble si long, car mon bonheur sans toi est impossible. Je ne ferai jamais mon deuil... Tu étais tout ce que je voulais, et encore aujourd'hui, tu es tout ce que je veux... Au point que si tu réapparaissais devant moi sous forme d'ange, je deviendrai moine. Si tu réapparaissais sous forme de fleur, je deviendrai un papillon. Et si tu réapparaissais sous forme humaine... Alors je te le dirais... Je te dirais tout ça à voix haute... Et bien plus encore...

Je sais bien que tu as fait ton choix. Et j'ai toujours soutenu chacun de tes choix, quels qu'ils soient. Alors pourquoi ne puis-je me résoudre à accepter celui-là ?

J'ai beau retourner cette question des milliers de fois dans ma tête, si ce n'est des millions, je connais la réponse.

Je t'ai promis de rester toujours à tes côtés. Et même par-delà la mort, je le resterai.

Eiji. »