Chapitre 2 : Inconnue

304 50 7
                                    


   Mardi 21 octobre 2014

   Il est cinq heures du matin et je n'arrive plus à dormir. Finn est couché sur mon lit et dort paisiblement. James est parti hier, avec Nicolas, ils se sont très gravement disputés à mon sujet (enfin plus sur celui du fait que je ne parle pas), James a tenu tête jusqu'à ce que Nicolas lui mette une claque et lui demande de sortir de la maison. Je voulais partir avec mon frère mais il m'a fait comprendre que non, et qu'il fallait à nouveau que l'on se sépare. Des fois, je me demande s'il n'y a pas eu de problèmes d'échanges avec ma famille. Ce sont tous des cons. Mais le pire a été d'entendre Charlotte dire à Nicolas qu'ils ont perdu leurs deux enfants. J'aimerais avoir une famille aimante, qui me comprend et qui est là pour moi. Une famille souriante, joyeuse, heureuse. J'aimerais pouvoir rire avec eux, faire des jeux et être à l'aise. Mais c'est tout le contraire. Ils font comme si j'étais devenue une intruse, quelqu'un qui a débarqué dans leur vie après la mort de leur chère fille. Une totale inconnue. J'aimerais partager mes tristesses avec ma mère, lui dire ce qui me tient à cœur mais au lieu de cela, je suis obligée d'écrire dans un carnet pour me soulager. Parfois, quand je n'arrive pas à dormir, je m'imagine heureuse, mais c'est dur, alors je préfère m'imaginer une vie comme celle que j'ai là, mais sans Finn. J'ai du mal à continuer dans ma tête car ça me fait trop mal. Ça paraît cucul à dire, mais Finn est mon pilier, celui qui fait que je ne pars pas dans la dépression.

   Je referme doucement le carnet en entendant que mon copain remue un peu, et tourne la tête vers lui. Il dort encore, mais il est tellement mignon que je me couche à nouveau avec lui, et souris en sentant ses bras m'étreindre légèrement contre lui. Et je m'endors.

   Un bip continuel me réveille, je panique tout à coup et me redresse brusquement, croyant que j'étais à l'hôpital et que je n'avais pas de Finn pour être là avec moi. Mon cœur reprend doucement son rythme lorsque je vois ma chambre dans la pénombre. Le bip continue, je me tourne et vois le réveil qui indique qu'il est 6h30. Mon copain bouge et grogne un peu en murmurant :

   « On peut rester encore dix minutes, j'ai ma moto. »

   Il se rendort, mais je n'y prête pas plus attention que cela et me lève. Mon moment de panique m'a bien réveillée et... je crois que j'ai assez dormi pendant deux mois. J'esquisse un léger mouvement de recul lorsque je vois un plateau en bas des escaliers de ma chambre. Il contient deux bols avec du café encore fumant, des tartines et un fruit pour chacun. Mon esprit me dit que c'est Charlotte qui a déposée tout ça. Je le prends et le dépose sans bruit sur mon bureau, pour ensuite aller dans la salle de bain, munie d'habits pour la journée. Lorsque je reviens, Finn dort toujours. Je m'approche de lui et mets notre petit déjeuner à ses côtés, et lui dépose un baiser délicat sur la joue, de sorte à le réveiller.

   Sauf qu'il ne bouge pas. Je le secoue un peu, rien n'y fait. Alors je décide de prendre ma bouteille d'eau qui est à côté du lit, de l'ouvrir et verser une goutte sur son visage. Bon, je l'accepte, j'ai un peu exagéré la dose, mais c'est sorti tout seul. N'est-ce pas ? Il se redresse brusquement, complètement paniqué, et regarde autour de lui, affolé. Jusqu'à ce qu'il me voie.

   « Aileen ! crie-t-il presque. Pourquoi tu m'as réveillée ? Je faisais un super rêve, jusqu'à ce qu'une énorme vague s'écrase sur nous et que tu disparaisses. Ça m'a fichu une de ces frousses ! »

   Une grosse vague ? J'ai dû lui verser bien plus d'eau que je ne le pensais. Je souris à cette pensée, ainsi qu'au fait que je faisais partie de son rêve. Mon copain se radoucit en voyant mon air, prend un mouchoir et s'essuie le visage.

   « On était dans l'océan et puis on nageait, me dit-il, souriant légèrement et dévoilant sa fossette, mais surtout, on s'embrassait. Il était tard. Petit bain de minuit tranquille. C'était très chaud patate, comme j'aime. »

   Son sourire s'élargit et je ris doucement en secouant la tête, puis m'empare de mon portable pour écrire :

   Quand te décideras-tu ?

   Sa bonne humeur disparaît quelque peu.

   « Ail'... »

   Je bouge pour m'asseoir sur ses genoux, en veillant à ne pas faire tomber le plateau, et lui prends doucement le visage entre mes mains.

   « Tu me disais toujours que... »

   Je le coupe en posant un doigt sur sa bouche, avant de taper sur le clavier du téléphone :

   Je te disais sûrement, oui. Mais maintenant, je ne peux plus l'exprimer, et surtout moins m'en souvenir.

   Il pousse un soupir, embarrassé par la situation.

   « Un jour, on le fera, mais quand le moment sera venu. Je ne veux pas faire ça en le programmant et... »

   Cette fois, je lui vole un baiser en abandonnant mes lèvres sur les siennes. Lorsque je me redresse, il sourit de toutes ses dents et dit, toute bonne humeur retrouvée :

   « T'as pas bientôt fini de me couper tout le temps ? Si tu veux que je me taise, dis-le ! »

   Je ris en secouant la tête, amusée par son caractère si joyeux et transmissible. Mon pouce vient glisser sur sa bouche pour en faire le contour, et il me murmure :

   « Ail', ma belle, je sais bien qu'elles sont souvent demandées, mais au petit matin, c'est peut-être pas le meilleur moment pour s'embrasser. »

   J'acquiesce en riant avec plus de puissance que précédemment, et lui montre le plateau d'un coup de menton.

   « Toi qui as tout cherché ? » me demande-t-il.

   Non, Charlotte.

   Il me regarde deux secondes, et se met finalement à manger.

   « Tu n'as pas faim ? m'interroge-t-il lorsque je lui montre qu'il peut avaler ma part.

   Non, je ne suis pas trop bien.

   Il s'arrête brutalement et se penche vers moi pour me déposer un baiser sur la joue, avant de reprendre son petit déjeuner.

   C'est tout ?

   Il sourit et se courbe à nouveau vers moi pour déposer un baiser non loin de ma clavicule. Geste qu'il me fait souvent, maintenant, avant de me dire :

   « Je t'aime, m'Ail'. »

Raconte moi (partie 2) ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant