Chapitre 5 : Encore (!) des engueulades

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   Samedi 25 octobre 2014

   Je reviens enfin de l'hôpital après y avoir passé quatre nuits. Tout ça parce que j'avais besoin de me défouler et que j'y suis allée trop fort. Quelle conne, mais en même temps, c'est vrai, c'est quoi ce prof qui me parle comme si j'étais une gamine de cinq ans ? Et qui en plus me pose des questions auxquelles il sait très bien que je ne répondrai pas ? On aurait dit Nicolas. Tous des cons dans ce monde. Tous, sauf Finn.

   Je relève la tête et je réfléchis un moment. Oui, sauf Finn. Et non pas sauf Finn et James. Je lui en veux de m'avoir laissé ainsi. Je n'ai toujours pas eu de ses nouvelles. Où est-il ? Que fait-il ? Avec qui ? Pas un message, pas un appel. Et je ne compte, en aucun cas, faire le premier pas. Partir ainsi ? Pour ne plus revenir ? C'est lâche. Il est un lâche. Qui me dit qu'il n'a pas profité de mon état pour se montrer gentil envers moi et partir au moment le moins opportun ? Qui me dit qu'il n'a pas joué un rôle, depuis le début, et que je n'ai été qu'un jeu ?

   Mon téléphone qui sonne me sort brutalement de mes pensées, je regarde l'écran avant de décrocher. Il est 19h03.

   « ...

   - Ail', regarde par ta fenêtre s'il te plaît. »

   Le portable toujours collé à l'oreille, je me dirige vers le hublot pour voir Finn dehors, devant la maison, sur sa moto. Il me salut chaleureusement en agitant sa main, et maintient contre lui un bouquet de fleurs bien garni dans l'autre. Un gros sourire barre mon visage, chassant mes pensées bien sombres d'un geste nonchalant, et je descends les escaliers aussi vite que je le peux.

   « Prends ton temps, hein, je l'entends me dire à l'autre bout du téléphone. J'veux pas te retrouver par terre. »

   Sa voix feint l'ironie mais l'inquiétude l'emporte largement, et mon sourire s'élargit. Arrivée à la porte, je m'arrête, reprends mon souffle faible, puis ouvre la porte en grand. J'entends alors derrière moi :

   « Aileen, si c'est toi, je t'interdis de sortir. Tu te rappelles ce qu'ils t'ont dit à l'hôpital. Tu ne dois pas... »

   La ferme.

   Je fais le plus de bruit en sortant pour montrer que je n'en fais qu'à ma tête, et Finn me dit, toujours au téléphone :

   « Euh, Aileen, je crois que tu ferais mieux de rester dedans parce que... »

   Je lui raccroche au nez et souris en le voyant grimacer, de loin, et ranger son téléphone. Je descends ensuite les escaliers de l'allée, de plus en plus vite et, arrivée à sa hauteur, je lui saute dans les bras.

   « Ouuuff, eh, doucement princesse ! Je sais que tu ne peux pas te passer de moi mais quand même ! À moins que ce soit les fleurs qui t'attirent autant. »

   Ses fleurs me font plaisir, mais cet enthousiasme n'est dû qu'à sa présence. Je ne manque donc pas de le lui faire comprendre en prenant son visage à deux mains et en l'embrassant passionnément. Sa réaction, qui est d'être pris au dépourvu, me vaut ce sourire que je plaque contre ses lèvres, avant qu'il ne me rende mon baiser. Ses mains glissent sur ma taille et m'attirent fermement contre son corps, toujours adossé contre la moto, et mon haut se mouille légèrement au contact du bouquet humide.

   Une voix masculine, la même que tout à l'heure, retentie derrière moi pour nous interrompre alors :

   « Aileen ! »

   Je sens la pression de Finn se relâcher mais je l'empêche de partir en m'accrochant bien à lui. Nicolas reprend, plus fort cette fois :

   « AILEEN ! »

   Je n'ai cette fois plus le choix, et décide de finalement me détacher de mon copain. Mes gestes sont lents, mon visage retrouve son impassibilité et celui de Finn affiche un air inquiet. Mon détour fait, je me retiens de ne pas partir en courant au vu de ce que je vois.

   « AILEEN ! hurle Nicolas, les traits déformés, embrasser ce garçon, ça tu en es bien capable ! Mais alors prononcer un mot, cela est impossible ! Je me demande si tout ça n'est pas dans ta tête ! »

   Prenant une décision qui risque de changer les jours à venir, j'indique vaguement à Finn de m'attendre là tandis que je passe devant l'homme qui me hurle dessus. Sans même lui jeter un regard. L'indifférence envers son égard que je lui offre le rend encore plus fou, mais rien n'y fait. Tête baissée, je fonce dans ma chambre pour m'emparer de mon sac de cours, dans lequel je fourre des cahiers et de quoi me changer pour quelques jours. Avant de sortir, j'attrape ma veste, enfile mes chaussures et mon écharpe et m'empare juste encore de quoi écrire lorsque je ne vais pas bien, puis descends les escaliers à toute allure.

   Sur le chemin, je croise un homme qui me hurle dessus comme s'il comptait me faire perdre l'ouïe, je me trouve donc dans l'obligation de boucher mes oreilles. Mon cœur se pince légèrement lorsque je tombe sur Charlotte en train de pleurer, mais je me reprends bien rapidement et me dirige vers la sortie le plus vite possible. Mais alors que je suis devant la porte et que je m'apprête à l'ouvrir, Nicolas apparaît devant moi et me bloque le passage. J'essaye de me faufiler à côté mais il trouve le courage de me pousser avec une force telle que je bascule en arrière. Ma cuisse s'écrase contre le coin d'un meuble et je me retrouve à terre. Un cri se coince dans ma gorge tandis que la douleur m'envahie, et qu'un couteau imaginaire traverse ma peau. Cette fois, mon visage ne peut garder son expression habituelle. Comment la confronter lorsque le mal prend dangereusement le dessus ?

   Nicolas me regarde, toute la colère a disparue de son visage pour faire place à de l'ahurissement. Le cri que Charlotte a lâché en voyant la catastrophe a probablement dû alarmer mon copain, car il débarque en trombe, frappant de peu le dos du monstre. Ses yeux se posent sur moi, et s'ensuit alors une série de mouvements qu'il effectue avec une rapidité déconcertante.

   « Tu as pris tes affaires pour cette nuit ? » me demande-t-il discrètement lorsque je suis dans ses bras.

   J'acquiesce faiblement, sens les larmes s'emparer de moi et mon souffle s'envoler dans l'air irrespirable. On sort ensuite de la maison, il me dépose doucement sur la moto pour m'enfiler la veste et le casque, avant de s'asseoir à son tour. Le sac et les fleurs à l'abris, il s'empare de mes mains pour les poser sur son torse, et démarre comme un fou lorsqu'il est sûr que je sois bien accrochée. Ma pression se fait forte, je me demande s'il parvient encore à respirer. Mais là n'est pas la question. Je ne veux pas qu'il ressente la douleur que j'éprouve, simplement qu'il sache que je l'aime. Ne l'ai-je pas déjà fait assez souffrir pour en rajouter encore plus ?

   L'amour prend alors le dessus, j'oublie le reste et me fonds contre Finn en le serrant aussi fort que je le peux.

Raconte moi (partie 2) ©Où les histoires vivent. Découvrez maintenant