Anam Cara (Jake, From Duskwood)

Le temps des révélations

J'appréhendais ce moment depuis mon départ, et nous y étions enfin. L'heure des vérités avait sonnée. Mon cerveau tournait à plein régime, jusqu'où pouvais-je me permettre d'aller dans les explications ? Il fallait que je détermine combien mon interlocuteur en savait et à quel point il reconnaissait mon implication dans cette affaire. Je devais également apprendre quelles étaient ses failles. Et surtout, quelles informations il avait en sa possession et nous cachait à tous si précieusement.
J'étais intimement convaincue qu'il en savait beaucoup plus que ce qu'il voulait bien me laisser croire. Il avait probablement interrogé tout le groupe à cette heure ci.
Cela s'annonçait particulièrement difficile. Telle une partie d'échec, il faudrait que je calcule chaque coup minutieusement et avec trois tours d'avance au moins. Je devrais abattre sa défense, pièce par pièce sans trop en dévoiler. Et plus que tout, je devrais défendre mon roi, notre secret, Jake.
La moindre erreur risquait de le mettre en danger. Quelle pièce devrais-je sacrifier pour y parvenir ?
Alan interrompit ma bataille mentale.

-Installez vous je vous en prie, dit-il en s'asseyant lui même devant le magnétoscope.
Je m'exécutais sagement, ne laissant rien paraître. Pourtant, mon cœur tapait à une allure presque inhumaine dans ma poitrine. Pour ajouter à ça, le manque de sommeil et de nourriture commençaient à se faire sentir. Mon sandwich était toujours dans mon sac, intacte. Je comptais sur l'adrénaline pour me maintenir alerte.

J'entendis résonner trois coup légers puis la porte derrière moi s'ouvrit. C'était l'officier Thomson qui apportait deux tasses et une cafetière fumante qu'il déposa devant nous.
Alan s'en saisit et hocha la tête pour tout remerciement.
J'eus presque de la peine pour ce jeune policier. J'avais remarqué avec quelle application il s'évertuait maladroitement à faire respecter les procédures. Il était évident qu'il cherchait l'approbation et la reconnaissance de son chef.

-Café ? Me proposa ce dernier.

-Certainement, m'empressai-je de répondre, tendant avidement ma tasse.

J'en avait cruellement besoin et l'accueillit comme le Saint Graal.
Cela dû amuser le maître des lieux, il souriait de nouveau.

-Qu'est ce qui vous fait rire ? Lui demandai-je, sur la défensive.

Un éclair de malice dans son regard accompagna son rictus.

-Vous êtes exactement comme je m'y attendais, observatrice, perspicace et... un brin audacieuse. Ou peut être est-ce de l'insolence ? Je ne saurais dire, mais il est clair que vous défiez toute forme d'autorité.

Qu'est ce qu'il me faisait, là ? Une thérapie ?
Je m'enfonçai dans la chaise, bras croisés.
-Combien je vous dois pour la séance ? Lui lançai-je ironique Je n'appréciais pas du tout qu'il tente de lire en moi. L'humour demeurait ma meilleure défense.
Il s'esclaffa.
-C'est mon métier d'analyser les gens, vous savez.
-Sans même les avoir fait parler ?
-Oh mais vous l'avez fait, notre échange de cette nuit s'est révélé plutôt instructif. Et pendant que vous voyagiez jusqu'ici, j'ai eu tout le loisir de m'entretenir avec vos amis.

Il avait insisté sur le mot "amis" d'une manière désagréable, comme pour afficher son scepticisme quand à nos liens affectifs.
Un coup de bluff comme première attaque, c'était prévisible. Mais je n'appréciais ni ses sous entendus, ni son ton.

-C'est le moment où j'applaudis ? Bravo Alan, vous avez fait votre travail d'enquêteur. Je salue votre professionnalisme.
Pourrions nous arrêter de tourner autour du pot maintenant?
Qu'est ce que vous attendez de moi ?

Son sourire s'effaça.
-La même chose que vous, la vérité.
Je reste persuadé que nous sommes dans le même camp vous et moi. Mais vous détenez les pièces du puzzle qu'il me manque. J'aimerais que nous les assemblions ensemble.