𝐈𝐗. 𝐏𝐞̀𝐫𝐞 𝐀𝐛𝐮𝐬𝐢𝐟

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PDV Sunghoon:

Quand des étrangers rencontrent mon père pour la première fois, ils le perçoivent comme un bel homme, les rides naissantes et le sourire aguicheur. On ne se ressemble en rien, autant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Pourtant, ils s'obstinent tous à sortir la même phrase lorsqu’ils nous voient l’un à côté de l’autre. Voilà pourquoi Sunghoon est aussi beau. Son père lui a transmis ses gènes, s’exclament-ils charmés. Ils se trompent. Ils ignorent que je suis la copie masculine de ma mère. Ils ne la connaissent pas. Ils ne peuvent pas savoir.

Quand des habitants de la ville croisent mon père, ils rient. Pas avec lui. De lui. Il y a des rumeurs qui circulent depuis plusieurs années. Mon père était un drogué quand j’étais enfant, et dorénavant un alcoolique. Il a dû m’élever seul mais aucuns de nos voisins n’ont jugé important de m’aider. Ils ont préféré jaser dans son dos et le mépriser.

Quand moi, je le côtoie au quotidien, je ne sais plus quoi ressentir. Il est mon père, je devrais l'aimer, c'est ce que tous les enfants font. Mais pourquoi est-ce aussi difficile ? Il m'adore et me hait, me complimente et m'insulte, me cajole et me frappe, la liste est bien longue et mes sentiments s'emmêlent à tort à travers. Son médecin lui as prescrit des antidépresseurs, mais son remède à lui, c'est l'alcool. Dans ses jours heureux, même s'il s'agit d'une émotion qui ne le submerge pas, je suis l'amour de sa vie, la seule famille qu'il peut encore chérir. Mais dans les mauvais, je suis une abomination, le fils d'un monstre, d'une femme qui me voulait à elle uniquement.

Elle me manque. Elle n'a jamais été comme il aime tant la décrire. Pour moi, c'était un ange. Elle l’est toujours, où qu'elle se trouve. Au paradis, dans les étoiles ou même sur terre si elle a eu le droit de se réincarner.

C'est avec la boule au ventre et la gorge sèche que j'ouvre la porte de mon logement. Aujourd'hui, je ne suis certainement pas son adorable enfant. Ce n'est pas l'impression qu'il donnait au téléphone. Son ton hargneux, ses propos sévères m'indiquent déjà son humeur sans même le voir. Je ne m'attends pas à ce qu'il soit indulgent.

Heureusement, Riki n'est pas venu avec moi. J'aurais trop honte. Honte de lui donner une nouvelle raison d'avoir pitié de moi. Ma vie d’étudiant est déjà assez compliquée, il n’a pas besoin de savoir que ma famille n’est pas meilleure.

Je longe le couloir de l’entrée en silence. Éviter les sermons de mon père est impossible, mais je peux tout de même essayer. Au pire des cas, il utilisera ses poings contre moi peu importe l’erreur que je fais. J’ai l’habitude. Même si je ne devrais pas. Même si aucun enfant ne devrait.

Arrivé devant le salon, je jette un coup d'œil dans la pièce. Mon père se trouve dos à moi sur le canapé, la tête légèrement penché, la main pendue par-dessus l’accoudoir et les pieds croisés sur la table basse. Il a dû s’endormir pendant que j’étais dans le bus, laissant la télévision allumée et une bouteille de whisky vide traînée sur le sol.

Je profite de son sommeil et me faufile dans ma chambre. Ce n’est qu’une seconde plus tard que je comprends. Entrer avait été trop rapide. Quelque chose ne va pas, quelque chose manque. La punition de mon père a déjà commencé. Et il vient de me priver de mon intimité. Ma porte a disparu.

Mécontent, je lâche un soupire et dépose mon sac d’école sur le parquet, puis ma peluche sur le lit. Une peluche offerte par un garçon venu de nulle part. Un garçon ordinaire qui a choisi de rester avec le garçon malheureux. Cette journée a été comme une montagne russe. Riki m'a donné l'impression d'être au sommet du monde. Mais mes camarades de classe et mon père me tirent constamment vers le bas, dans une descente infernale et me rendent malade comme en plein looping. Tout ce que je veux c'est que ce manège cesse, que je puisse ressortir du wagon sain et sauf.

𝕯𝖊𝖑𝖎𝖈𝖎𝖔𝖚𝖘 𝕭𝖑𝖔𝖔𝖉 { 𝖍𝖔𝖔𝖓𝖐𝖎 }Où les histoires vivent. Découvrez maintenant