𝕯𝖊𝖑𝖎𝖈𝖎𝖔𝖚𝖘 𝕭𝖑𝖔𝖔𝖉 { 𝖍𝖔𝖔𝖓𝖐𝖎 }

𝐈𝐕. 𝐒𝐨𝐧 𝐧𝐨𝐦 𝐞𝐬𝐭 𝐒𝐮𝐧𝐠𝐡𝐨𝐨𝐧

PDV: Niki

Comme la chance semble être de mon côté ce matin, le fumeur et moi partageons le même gabarit. Son uniforme me va à ravir, ni trop petit ni trop large. Je suis désormais un étudiant comme les autres. Le seul ennui est l'étiquette accrochée à la veste. D'après elle, mon nom est Kang In-Soo. Ça ne sonne pas très japonais. Mais je ne me fais aucun souci sur ce point. Si je ne me fais pas remarquer, les élèves n'auront pas le temps de se rendre compte des traits japonais de mon visage avant la fin de ma mission.

Je prends une inspiration et entre dans le bâtiment. Je peux sentir la trace de son passage dans le grand hall mais la foule qui s'y trouve me rend la tâche plus compliquée que prévu. Je fais confiance à mon odorat et choisis de m'aventurer dans le couloir de gauche.

Je sus que j'étais dans la bonne direction quand le parfum alléchant de son sang se fut plus perceptible encore.

C'est devant la bibliothèque que s'arrête ma chasse aux trésors. Le basketteur est forcément à l'intérieur. Je le sens presque aussi près qu'hier soir. Seule une vingtaine d'étudiants sont dans la pièce. Bien évidemment, celui que je veux n'en fait pas partie. Je continue tout de même mon tour des tables et finis par le trouver installé sur une table isolée des autres.

Sa solitude est la première chose que je remarque. Personne n'est assis aux côtés du noireau. Attend-il que ses amis arrivent ? A-t-il au moins des amis ? Pour le bon déroulement de mon défi, la seconde option semble plus attrayante. Mais par mesure de sécurité, je me cache derrière l'une des étagères à livres à quelques mètres de lui uniquement.

Le noireau a l'air concentré dans ses bouquins, décoiffant ses cheveux de temps en temps lorsque des mèches tombent devant ses yeux et jouant avec son stylo quand il n'écrit pas.

-Tu vas finir par bouger, oui ? s'écria une élève dans mes oreilles, Ça fait trois que je te le demande.

Surpris de ne pas l'avoir remarqué, je me décale sans dire un mot et la guette choisir son livre.

-Qu'est-ce qu'il pouvait bien observer de si intéressant ? chuchota-t-elle pour elle-même avant de s'éloigner

Je lève les yeux au ciel et me positionne de nouveau face à ma proie. Ses affaires sont posées sur la table et lui est... Sa chaise est vide. Il n'est plus dans les alentours. Du moins, le noireau n'est plus dans mon champ de vision. Tel un suricate, je me tourne dans tous les sens.

D'un coup, je sens mon cœur rater un battement dans ma poitrine lorsqu'une main se pose sur mon épaule.

-Salut toi !

C'est le basketteur. Ma- Proie.

Aucun son ne parvient à sortir d'entre mes lèvres. Mon espionnage vient de tomber à l'eau en l'espace d'une minute. Ce n'est que quand son sourire disparaît que je m'aperçois qu'il attend toujours une réponse de ma part.

-Tu te souviens pas de moi... dit-il à voix basse, C'est bien avec toi que j'ai joué au basket hier, non ?

-Euh... si.

-Je ne t'avais jamais vu ici. C'est quoi ton nom ?

-Riki, lâché-je bêtement, Non. Pardon. C'est Kang In-Soo.

Le noireau fronce les sourcils, plisse les yeux et après plusieurs longues secondes, un nouveau sourire naît sur ses lèvres.

-Moi c'est Park Sunghoon. Ravi de faire plus ample connaissance. On peut aller s'asseoir pour discuter si tu préfères ? propose-t-il en pointant sa table du doigt

-Humm... pourquoi pas.

Il ricane. Pourquoi il ricane ? Qu'est-ce que j'ai dit de travers ?

-Tu avais l'air d'avoir confiance en toi hier soir mais là tu perds carrément tes moyens. Tu fais moins malin depuis que j'ai gagné le match, dit-il d'un ton railleur tout en gardant un visage d'ange

Un léger rictus m'échappe. Sunghoon n'a pas tort. J'avais confiance en moi hier. Mais les remarques de mon groupe m'ont fait réaliser une chose. Je ne suis qu'un faible. Je ne pourrais probablement jamais atteindre leurs attentes.

Avant de s'installer, le noireau tire la chaise la plus près de lui et m'invite à m'asseoir. Cette distance est la plus proche dont j'ai pu être pour l'instant. D'ici, son odeur est dix fois plus enivrante. C'en est presque un supplice.

-Tu comptes retourner jouer au basket ce soir ? je lui demande alors qu'il replonge son nez dans ses bouquins

Il mord sa lèvre inférieure et hoche la tête. Déçu ? Mécontent ? Il avait pourtant l'air de s'amuser sur le terrain.

-Je suis assez fatigué ces derniers temps. J'aurais préféré me reposer, avoue-t-il en soulignant quelques mots dans un manuel de mathématique, J'en ai besoin.

Sur ces mots, il ne tarda pas à me livrer le programme sportif intense qu'il suit, les études acharnées qu'il mène, et les heures de sommeil qu'il néglige. Je ne suis pourtant qu'encore un inconnu. Le ton plein d'émotions qu'il avait employé est sûrement un indice sur l'existence de ses amis. Je suis probablement la première personne à l'avoir écouté. Un inconnu est la seule personne à qui il peut se livrer.

Dans un silence, je jette un coup d'œil sur son cou. La tentation de sa peau lisse augmente. Je veux goûter à son parfum. Et les trois semaines que j'ai passé sans boire commencent à se faire ressentir dans mon ventre.

Il se redresse correctement sur sa chaise et tourne la tête vers moi.

-J'ai quelque chose dans le cou ? demande-t-il affolé

-Euh- Non, non. Je réfléchissais. Je peux venir avec toi ce soir ?

Sunghoon paraît déstabilisé pendant quelques secondes puis un sourire chaleureux se dessine sur son visage lorsqu'il accepte. Il se met alors à me regarder fixement. Cette fois-ci, c'est à mon tour d'être déstabilisé. Son regard parvient à apaiser mon ventre qui crie famine depuis des jours. Et je ne peux donner aucune explication valable à cela.

La sonnerie retentit dans un bruit soudain et nous fait sursauter tous les deux. Je pu détourner mes yeux et me lever tandis qu'il range ses affaires en quatrième vitesse. Et alors qu'il se mit à courir pour rejoindre son premier cours de la journée, avant qu'il ne s'enfouit dans la foule d'élèves dans les couloirs, j'attrape d'une main la manche de son bras gauche et le laisse me guider à travers l'établissement.

Maintenant qu'il m'a surpris l'espionner, autant rester avec lui. Je n'ai rien à perdre.

Sauf ma mission. Peut-être.