- Chapitre 10 -

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Je m'arrêtai et déposai mon vélo délicatement au sol, proche des arbres qui cachaient la plage. J'étais fatiguée de cette nuit épouvantable. J'allais y être, mais après ? Allais-je repartir ? Qu'est-ce qui me restait à faire après ça. Je ne voulais pas rentrer, je ne voulais pas encore souffrir. Je ne souhaitai pas revoir mon père dans cette nouvelle vie de tristesse qu'il s'était construite. Ce tourbillon de questions me serrait le cœur et retardait mes pas. Je marchais si lentement. Je sentais un poids à l'intérieur de moi, je n'arrivais plus à respirer correctement. La douleur se déplaça jusque dans ma gorge, j'avais l'impression que l'on commençait à m'étouffer, qu'on m'empêchait de respirer. Je commençai à suffoquer littéralement, je sentis mon corps se mettre à trembler, quelques larmes montaient et finir par couler. La gravité était si lourde que je finis par m'asseoir avant de m'écrouler. Mes pensées tourbillonnaient et face à elles, qui ne faisaient que m'accabler, je ne regardais même pas ce qui m'entourait. Je ne profitais pas d'être à destination, alors que j'avais fait une si longue route. Tant bien que mal, je fis le vide dans mon esprit, en espérant qu'il allait durer. Je repris le contrôle de ma respiration. Lentement, je respirai profondément et luttais contre moi-même pour ne pas laisser mes angoisses reprendre le dessus. Comment est-ce que faire ce geste vital m'était si compliqué, j'ai l'impression que mon corps refusait l'air dont il avait tant besoin ?

- Respire, tout va bien... Tout va bien... Tout va bien...

Je continuais de me parler et d'essayer de reprendre le contrôle de mon souffle. J'ai mal. J'ai peur, j'ai l'impression que quelque chose de grave va m'arriver.

- Tout va bien, tu es seul, il ne va rien t'arriver...

Mes larmes ne se calmaient pas. Assise, je ramenais mes genoux vers moi et mis ma tête dans mes bras. Je n'étais qu'à quelques centimètres d'un endroit où je me sentais bien, pourquoi ça m'arrivait maintenant, pourquoi est-ce que mon corps réagit comme ça ? Je me sens nulle, atrocement nulle.

- Je suis ridicule.

J'ai mal. J'ai mal à l'intérieur de moi. J'étais en confiance à mon réveil, pourquoi je me sentais mal sans aucune raison soudainement. Pourquoi je ne sais pas profiter pleinement des moments agréables que je provoque. Pourquoi, c'est si dur de se sentir bien ? Je suis épuisée. J'ai mal. J'ai tellement mal. Je ne sais même plus si c'est physiquement ou mentalement.

Je cherchais, avec beaucoup de difficulté, mes écouteurs, enfoui au fond de mon sac. J'avais besoin de sécurité et entendre une musique était comme une barrière au monde réel. J'attrapai mon baladeur cd et l'allumai en mettant mes écouteurs. La chanson commença et je calais ma respiration à la mélodie. Après une dizaine de minutes et plusieurs titres passés, mes pleurs avaient cessé, je sentais à nouveau mon corps me répondre. J'ai repris le contrôle petit à petit. Fatigué, je me relevais doucement, à mon rythme, sans me brusquer. Je marchais devant moi. Je me sentais vide et j'hésitais à faire demi-tour, mais combien même ? Où est -ce que je pouvais aller ? Je me frappai intellectuellement et avançai à travers le bois. Le son des vagues se faisait déjà entendre. Elles semblaient à la fois calmes et violentes. Un léger vent vint me caresser le visage. Je commence à m'éloigner vers la plage, espérant qu'à mon retour, mon vélo serait toujours là. Je traversai le bois, dans mes pensées.

Petit à petit, je commençais à m'enliser dans le sable. Je retirais ma paire de basket abîmée et sale, ainsi que mes chaussettes. J'enfonçai mes pieds et jouai avec les grains de sable. Cette sensation me faisait du bien. J'oubliais presque ce qui c'était passé quelques instants plus tôt. Je marchais tranquillement, essayant de me souvenir de tout ce que je pouvais ressentir. J'eus même presque peur d'en venir à me forcer de ressentir ce que j'éprouvai autrefois, cette joie intense que je ressentais.

Je fermais les yeux, ne bougeais plus. Non, là, qu'est-ce que je ressentais maintenant, là, tout de suite ? Je respirai, bien fort. Je prenais conscience de chaque partie de mon corps, j'en faisais appel à ma proprioception. Oui, qu'est-ce que je ressentais ?

C'était quelque chose que je reconnaissais, quelque chose qui me ramenait à elle. J'avais besoin de ça. Je ne voulais pas oublier ma mère comme l'avait décidé mon père, et je ne pense pas que lui non plus le voulait réellement. C'était absurde. On ne peut pas oublier une personne qu'on a tant aimée. On doit juste l'accepter, vivre avec cette absence et se raccrocher au souvenir qu'elle nous a laissé.

Je me concentrais à nouveau, qu'est ce que je percevais d'autres ? Un apaisement ? J'étais loin de tout, et ce lointain me réchauffait légèrement mon cœur glacé d'une peur constante. Voilà ce que ça faisait une pause parmi ces problèmes d'adultes que je n'arrivais pas à affronter.

Je reconnaissais tous les lieux autour de moi, la moindre petite parcelle. Elle avait beau avoir légèrement changé au cours des années, mois et passage de gens, ce bord de mer était toujours le même. Ma mère avait grandi ici, elle avait toujours craint que par sa beauté, il ne devienne un coin touristique. Jamais cela n'avait été le cas, cet endroit était trop peu connu. Ce qui n'était pas plus mal. Les seuls qui venaient étaient les habitués. Certains visages m'avaient été familiers. Mais sans mes parents, j'étais passée inaperçue.

Je savais pertinemment où aller exactement. Mes pieds suivaient ce chemin que je connaissais par cœur. Au loin, elle commençait à se dessiner. Les vagues venaient se fracasser contre une digue entourée de rochers. Je grimpai gentiment, mais, même faisant attention, je trébuchais et manquais de tomber de ces pierres. Après que mon cœur se soit emballé et que je me sois remise sur mes appuis, je me surpris à sourire. Ça aurait été ridicule de me casser une jambe à ce moment-ci, après une si longue route.

J'étais là, posé au bord de cette jetée. Je sentais la violence de l'eau marteler la pierre. Quelques gouttes m'éclaboussaient légèrement. Délicatement, je fermai les yeux. Je sentais toute la tension que je gardais en moi, je la sentais vouloir s'échapper à toute vitesse. J'ouvris mes bras, percevant à nouveau le vent autour de moi.

Et là, je lâchai tout. Je criai ma joie d'être ici, de ne pas avoir vécu une journée atroce une fois de plus, de retrouver une certaine liberté et de délivrer ma frustration. Mais surtout, je relâchai la tension et la haine accumulées ces derniers mois.

- wow, il venait du cœur celui-là.

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EnD oF tHiS cHaPtEr

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 09, 2022 ⏰

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