- Chapitre 3 -

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Je fixai ma feuille, les paroles du professeur expliquant son cours n'atteignaient plus mes oreilles et n'avaient plus aucune importance à mes yeux. Machinalement, ma main vint saisir le crayon de papier dans ma trousse et la mine se déposa sur le papier, retranscrivant mes pensées dans un tracé.

Je repensai aux photos, aux souvenirs. C'était ce que j'avais de plus précieux. À vrai dire, j'avais l'impression que c'était tout ce que j'avais, tout ce qu'il me restait. Les vacances d'avril approchaient à grand pas et cet événement était encore douloureux. C'était pendant cette période-là que nous partions que nous décidions de partir chaque année, c'était l'endroit parfait. Notre vie se mettait sur pause pendant que nous respirions l'air frais du bord de mer, de l'océan. J'imaginai le sable qui se faufilait entre mes doigts et la pureté du l'air qui caressait mon visage et emplissait mes poumons, les déblayant de l'air pollué de la ville. L'eau salée nettoyait nos tristesses, nos malheurs et nos angoisses.

Je continuai de dessiner le littoral de mes souvenirs, mais je sursautai lorsque le professeur crie mon prénom et me sort de mes pensées.

- Madison ! Combien de fois je vous ai dit de ne plus rêvasser pendant mon cours !

- Pardonnez-moi Monsieur.

- Je ne suis pas un idiot, mademoiselle ! Je n'ai aucunement besoin de vos fausses excuses. Sortez de mon cours !

- Mais j'ai juste...

- Rien fait. Vous n'avez juste rien fait comme toujours. J'osais espérer qu'avec l'appel d'hier, vous vous reprendriez, mais apparemment, je me trompais.

-Oui, forcément, c'est moi qui dois me reprendre. Depuis le début de l'année, j'en prends plein la gueule et c'est moi qui dois me reprendre.

En cette seule réplique, un calme pesant s'était installé dans cette salle. Les élèves attendaient impatiemment la suite de cette discussion, n'ayant pas l'habitude que je réplique.

- Ne jouez pas les victimes avec moi. De plus, calmez votre langage. Et il me semble vous avoir dit de dégager de mon cours.

- " Jouer la victime" ? Êtes-vous sérieux ?

Le prof ne répliqua rien. Petit à petit, la colère prenait possession de chaque parcelle de mon corps. Je ne contrôlais plus rien. Un voile de rage se déposa sur mes yeux et s'empara de mes paroles. Petit à petit, la colère prenait possession de chaque parcelle de mon corps.

-Vous n'êtes qu'un sale con. Vous vous croyez intelligent parce que vous êtes prof, mais ce n'est pas le cas. Puis vous avez oublié une règle importante : l'empathie.

Un élève s'était retourné vers moi, comme tous les autres, mais celui-ci se démarqua en prenant la parole, accompagnée de son sourire narquois.

- Tu fais vraiment pitié pauvre meuf. Tu devrais retourner dormir dans les cartons avec ton père.

- Bah non, il est sûrement en train de se bourrer la gueule.

Je détourne ma tête vers l'élève qui vient de répliquer. Des larmes de rage menacent de couler. Je les combats intérieurement.

- La pauvre meuf qui fait pitié se barre de toute manière. Comme lui à demander avec tellement d'amabilité et de gentillesse son professeur si admirable !

Je posai mon regard sur ce dernier qui me fusilla du regard. Seule la haine et la rancœur dominaient mon ressenti envers cette personne, envers toutes ces personnes autour de moi. Je n'éprouvais aucune once de sympathie, pour personne. Faisais-je pitié ? Possible. Mais à ce moment présent plus rien n'avait d'importance.

Je me dirige vers la porte avant que le professeur m'interpelle.

- Madison, restez ici !

- Non, je suis exclue.

Je levai mon majeur dans sa direction et parti de cette salle devenue trop étouffante.

J'errai dans les couloirs, comme un fantôme, sans trop savoir quoi faire. Je me dirigeai vers mon casier pour récupérer mes cahiers et manuels, et tout autres babioles qui pouvait s'y trouver. Mais en l'ouvrant, un liquide glacé vint se déverser sur mes cheveux ainsi que l'intégralité de mes vêtements. Je me mis à trembler. Dans un mouvement colérique, j'essuyai mes yeux avec mes mains et découvris la peinture marron autour de moi. À nouveau, les larmes me montèrent aux yeux. Je pris le post-it qui n'était pas censé se trouver dans mes affaires puis le lus :
"Maintenant, t'as la couleur de ce que tu es, une pauvre merde"
De rage, je me mis à hurler et donner plusieurs coups durs ce qui restait de mon casier.

Je courus vers les toilettes des filles et fermai la porte à clef derrière moi. Je me laissai glisser contre le mur pour m'asseoir sur le sol froid. Mes yeux devenaient humides à cause des larmes qui coulaient. Je sentais ce poids à l'intérieur de moi. Ce poids qui n'était composé que de vide qui compressait ma poitrine. D'un vide qui m'empêche de respirer comme il le fallait. J'inspirai et expirai de plus en plus fort, cherchant l'air, sans pouvoir rien faire. Les tremblements doublèrent. Je ne pouvais ni crier ni bouger.

La sonnerie retentit annonçant la pause de 15h. J'essayai tant bien que mal de me reprendre et me relevai avec difficultés. Je marchai vers le lavabo et rinçai mon visage maculé par le piège de ses créatures que l'on ne peut qualifier d'humain.

Je partis vers la sortie, les personnes présentes autour de moi me dévisageaient dans les couloirs puis rigolaient en me montrant du doigt. Une réflexion d'un élève s'éleva, suivit d'une autre.

- Vous ne trouvez pas que ça pue ?

- Fais gaffe ! Tu attires toutes les mouches espèce de folle !

Les rires redoublèrent de volume. Je sentis que l'on m'attrapa le poignet. En me retournant, je vis le directeur qui me serrait de plus en plus fort mon bras, me lançant un regard pouvant tuer quiconque le croisant.

- Votre comportement est inacceptable. Provoquer une telle agitation dans mon établissement en faisant des pitreries de ce genre est...

- Vous pensez que c'est ce que je voulais ?

Je criai sans le laisser terminer et tirai de toutes mes forces pour me libérer de son emprise, avant de partir en courant à lycée.

Je n'en pouvais plus. Étais-je vraiment responsable ? Méritais-je vraiment ce qu'il m'arrivait ? J'étais complètement perdu et anéantis. J'avais besoin de comprendre, je voulais qu'on m'explique ce que j'avais fait !

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EnD oF tHiS cHaPtEr

The meet of my lifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant