Sins : Tome 2

Chapitre 52

Dans les profondeurs de la Vallée des Epreuves, l'air était bien plus lourd et l'odeur de moisissure plus prégnante. En raison du fort taux d'humidité présent dans l'air, les vêtements collaient à la peau comme des lingettes humides. Mad et Gremory ayant obtenu des capacités bien supérieures à celles d'un individu ordinaire après avoir fait évoluer leur Bassin Intérieur n'avaient aucune difficulté à supporter cet environnement, mais la sensation restait tout de même désagréable.

Ils pouvaient désormais voir l'extrémité de la Vallée se dessiner devant eux. Deux longs et hauts flancs de montagne se rejoignant jusqu'à presque se toucher, exactement comme au sommet de la vallée. Depuis qu'ils avaient commencés à approcher de ce passage vers les Terres Spirituelles, les créatures s'étaient faites de plus en plus rares. Auparavant, les animaux présents dans la Vallée des Epreuves n'avaient fait que gagner en puissance au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans la vallée mais à partir d'un certain point la faune locale semblait avoir complètement disparue, désertant les lieux comme pour fuir un prédateur terrifiant. Les seuls êtres vivants qu'ils parvenaient désormais à repérer étaient les semblables de l'individu qu'ils avaient surpris à les espionner mais même eux refusaient de s'approcher trop près du passage entre les deux flancs de montagne et se contentaient de se poster à une distance raisonnable, observant et attendant.

Mad porta son regard en direction du goulot d'étranglement qui marquait la sortie de la Vallée des Epreuves, au pied des deux flancs de montagne qui se rejoignaient presque, "Il est là, pas vrai ?"

"Toi aussi tu sens sa présence ?", demanda Gremory en continuant de se diriger vers le passage, ses vêtements humides claquant dans le vent.

"Plus ou moins.", avoua-t-il en rejetant ses cheveux blonds trempés en arrière d'un geste de la main, "Tous ces gens attendent probablement qu'il quitte l'entrée du passage. Ils n'osent pas se mesurer à lui. Je peux comprendre pourquoi.", dit-il en désignant les individus à la peau squameuse qui étaient postés non loin du passage et attendaient patiemment de saisir leur chance.

"Oui. Il est vraiment très fort. Probablement plus que moi..."

"C'est Carion ! Pas vrai ?"

"On va vite le savoir.", déclara Gremory en entamant sa descente en direction du passage qui permettait de quitter la Vallée des Epreuves pour se rendre aux Terres Spirituelles. Mad fit de même et tous deux atterrirent à une dizaine de mètres de l'entrée du passage. Sous leurs pieds, les marécages et la boue omniprésents dans la vallée avaient laissés la place à une terre plus sèche et plus ferme. Devant eux, les deux parois rocheuses qui encadraient le passage remontaient vers le ciel en suivant une légère courbe et finissaient par presque s'embrasser au sommet. De là-haut, un homme aurait pu passer d'un flanc à l'autre en un seul pas.

Au pied des parois rocheuses, à l'ombre du passage qui permettait de rejoindre les Terres Spirituelles, une silhouette bougea. Mad fit quelques pas en avant, le cœur battant. Près de lui, Gremory en fit de même tout en scrutant les ténèbres du passage.

"Carion ?", tenta Mad. La silhouette se figea quelques instants et des émanations de Mana irrégulières leur parvinrent.

Mad sentit Gremory se figer près de lui mais n'y prêta pas attention et resta concentrer sur la silhouette drapée d'ombres.

"Mad...", dit Gremory. La silhouette se décida enfin à bouger et à émerger des ténèbres.

Tous deux découvrirent un homme à l'apparence androgyne. Mais c'était à n'en pas douter un homme. La largeur de ses épaules et sa silhouette, bien que mince, ne laissaient planer aucun doute à ce sujet. Son visage en revanche possédait de nombreux attributs féminins. Des sourcils fins, des cils excessivement longs, une peau qui semblait plus douce que celle des plus belles femmes qu'ils aient pu croiser ainsi qu'un visage fin et très peu anguleux. Enfin, le trait le plus marquant, ces yeux dorés qui perçaient au milieu de son visage et dénotaient énormément avec les longs cheveux noirs qui cascadaient jusqu'aux creux de ses reins comme une eau sombre et profonde.