38 | Dans la gueule du lion

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CALEB

J+ 2

16h04

Villa Grimaldi, Agrigente, Italie

    

Cette maison ressemble à un cauchemar avec ses chaises trop dures pour être confortables, ses murs trop noirs pour être apaisants, ses lustres trop tape-à-l'œil pour être agréables. Je déteste ces chaises, ces murs et ces lustres parce que je pensais ne jamais devoir les revoir dans ma vie. Quand nous nous sommes enfuis, j'ai fait le deuil de ces lieux, j'ai dit adieu à mon enfance et j'ai quitté la Sicile sans un seul regard en arrière. Pourtant, nous sommes de nouveau là.

C'est ironique de voir à quel point le destin se joue de nous.

Le garde raffermit sa prise sur mes poignets et je grogne en signe de protestation. Ce merdeux me fait un mal de chien et s'amuse à me torturer alors que je ne me débat même pas. Je vois difficilement où je pourrais aller avec dix gars armés qui bloquent toutes les sorties de ce putain de salon rococo hideux. Emi se contient moins et engueule carrément celui qui le tient bien droit au centre de la pièce. Je scrute la pièce du coin de l'œil et compte au moins dix fusils d'assaut, tous sans exception braqués sur nous.

C'est le comité d'accueil que nous attendions de toute façon. Si Grimaldi est prévenant, c'est bien dans l'hospitalité qu'il offre à ses visiteurs car si vous ne faites pas partie de ces quelques connards en chemise Gucci dont Il Leone raffole, attendez-vous à cette entrée en grande pompe, menottes et flingue sur la tempe en prime. Encore plus quand vous êtes de putains de traîtres que tout le monde connaît et pourchasse depuis deux mois.

— Arrête de me niquer les mains, connard !

Je sais bien qu'Emi joue les gros durs pour se donner de la force mais je grimace quand même quand je l'entends grogner à la réponse musclée de son garde. Quand nous sommes partis d'ici, je n'avais pas pour projet de revenir, encore moins enchaîné à un toutou grimaldien que j'excite sûrement vu la poigne avec laquelle il maintient mon corps en place.

— Mon pote, arrête de t'accrocher à moi comme si j'allais m'enfuir. Je ne suis pas suicidaire, susurré-je à ce con qui me tient toujours plus fort.

Son visage reste impavide. Il enfonce ses ongles dans la chair de mes bras et me fixe d'un regard sombre qui pourtant ne me terrifie pas autant qu'il le devrait. J'ai appris à soutenir le regard des démons alors celui des chiens qui se prennent pour de grands garçons ne me fait plus rien. Pour le narguer, je lui souris.

— Je ne suis pas ton pote.

— C'est une expression, mon po...

Emi s'étrangle avant de finir sa phrase quand le mur en parpaings qui lui faisait face lui balance sa jambe dans le tibia. Je profite du grabuge causé par le brun qui s'égosille encore pour jeter quelques coups d'œil autour de moi. Les deux caméras au-dessus de la porte de l'antichambre du bureau de Grimaldi sont bien là, le bouton d'alerte près de la cheminée aussi. Et bien sûr, il y a cette dizaine d'armes et de gardes avec nous dans ce petit salon aux tentures trop rouges que je recompte une énième fois, espérant qu'ils disparaîtront si j'attends encore un peu.

Pourquoi ai-je l'espoir que tout se passera bien alors que je sais depuis longtemps que tout finira mal ? C'était une belle idée de merde de venir, presque autant que les choix d'Emi en matière de survie. Je regarde Emi tenir sur ses pieds avec difficulté alors que les toutous s'éloignent enfin de lui. J'aperçois vaguement une trainée de sang qui s'échappe de sa bouche amochée mais le gros lourd qui le tient l'essuie trop vite pour que la colère en moi bouillonne jusqu'à m'en faire enrager.

NÉMÉSIS, LES ROSES DE ROME T.1 | Romantic suspensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant