60 | Avant que l'orage ne s'abatte

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JULIA

J+ 9

00h29

Villa Grimaldi, Agrigente, Italie

    

Ses lèvres avaient l'air douces, chaudes et sucrées.

J'aurais aimé qu'il m'embrasse, je crois. En tout cas, j'aurais préféré qu'il ne fuie pas comme si j'avais la peste. J'ai l'impression de m'effondrer et que personne n'est pas là pour m'aider à ramasser les morceaux. J'ai mal, j'ai souffert mais personne ne me tend la main et m'aide à me relever.

D'une certaine façon, son baiser aurait montré qu'il tient à moi. Une miette d'attention que j'ai égrainée par mon ton alarmé. Une envie pour laquelle il ne s'est pas battu au final.

J'inspire et évite de regarder les corps raides qui s'étalent sous mes pieds. Mes jambes, encore flageolantes depuis ma captivité, me mènent doucement au-delà du massacre. Je n'aime pas contempler la mort de mes propres yeux. Je préfère me réfugier dans les bras plus réconfortants du déni.

La villa est déserte. Il n'y a pas âme qui vit entre ses murs et les pièces sont tellement grandes que je me perds trop vite. Je tourne plusieurs fois dans le même couloir sans trouver la sortie. Je ne sais même pas où aller parce que ce petit fils de pute d'Emi est parti sans rien dire. Je tiens à peine debout, ce n'est qu'une question de minutes avant que mes pupilles trop habituées à la pénombre me lâchent et personne n'est foutu de m'indiquer où je dois aller.

Je refuse de me dire qu'ils sont partis sans moi après le bordel qu'Emi a mis pour venir me sauver. Je me raccroche à l'espoir qu'ils m'attendent comme des cons quelque part, s'impatientant du temps que je mets à arriver. Ils méritent d'attendre et j'espère qu'ils s'inquiètent, qu'il s'inquiète vraiment.

Ma marche solitaire me permet de mettre des mots sur ce que je ressens depuis que je me sais hors de danger. J'ai commencé à détester le plan quand on m'a séparé de la seule chose dont j'ai besoin pour survivre. 

Je crois que j'en veux à Rosalia de s'être montré si cruelle parce qu'elle est tellement obnubilée par sa vengeance qu'elle ne voit pas le sacrifice qu'elle nous demande de faire. C'est barbare de demander à quelqu'un de se séparer de sa moitié sans un seul regard en arrière.

Sans Cece, je ne suis même pas sûr d'être encore moi.

Mon cœur s'est déchiré quand j'ai dû quitter la seule famille que j'aie puis il a fondu dans le silence d'une pièce que je ne risque pas d'oublier de sitôt. À croire que j'avais besoin qu'un autre lieu vienne hanter mes cauchemars.

Au détour d'une porte, j'entraperçois enfin ce qui ressemble à une cour d'entrée. Je traverse le vestibule au pas de course et pousse le battant d'une lourde porte en bois, garde centenaire de cette maison de malheur. Le vent fouette mes cheveux à mesure que mes jambes m'éloignent de ce lieu maudit qui m'a appris que j'étais terrifié par le silence.

La lune éclaire la nuit d'une douce lumière et les chouettes hululent dans les pins comme si tout était normal ici-bas. Je m'avance sur les graviers avec prudence. C'est la première fois depuis trois jours que je respire l'air frais. Je lève la tête vers le ciel et sourit à m'en déchirer la mâchoire. Le bruit est encore plus réconfortant que la liberté.

Si là-bas, les seules échappatoires au supplice du silence étaient les apparitions d'Emilio, désormais le monde entier se fait sentir dans mes oreilles et me ramène à la vie. Mes cheveux battent contre mes tempes et le brouhaha ambiant m'empêche d'entendre Caleb arriver.

Je sursaute quand il me prend dans ses bras avec fougue. Je tournoie dans contre son torse et rit à gorge déployé alors qu'il s'amuse à me serrer entre ses bras. Ses mains tiennent mes hanches sans que je ne le repousse et je savoure le bonheur de le retrouver . 

NÉMÉSIS, LES ROSES DE ROME T.1 | Romantic suspensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant