48 | L'art et la manière

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ROSALIA

J- inconnu

Heure inconnue

Lieu inconnu

    

On appelle psychopathe les individus dont les zones du cerveau liés à l'empathie, le contrôle de soi et la moralité sont peu ou non stimulées. Ils sont décrits comme des individus aux tendances égocentriques, narcissique et aux réactions souvent violentes. Pourtant, même après tout ce temps, j'ignore si mon père était un monstre de ce type.

Ne vous fourvoyez pas. J'ai toujours su qu'il avait vendu son âme au diable pour acquérir un empire et qu'il était devenu fou quand Donato Grimaldi le lui avait repris. Il avait joué, misé trop gros et tout perdu : il était monstrueux parce qu'il n'avait plus rien à perdre.

La seule question qu'il me reste aujourd'hui, qui persiste en moi après tout ce temps, ne trouve jamais de réponse. Le mal était-il inné chez lui ? Les années depuis sa mort ont beau s'être écoulées, la petite fille en moi demeure et je voudrais la rassurer en lui disant que son père ne pouvait pas être autre chose. Je voudrais lui dire que rien n'était de sa faute. Je voudrais lui assurer que tout ira bien un jour. Oui, que tout ira mieux. Mais la femme que je suis sait bien que ce serait un terrible mensonge, que les belles paroles donnent de l'espoir et que l'espérance est un poison qui finit par nous consumer.

L'espoir est une obsession décevante.

La violence, au contraire, est constante. Il n'y a rien de faux dans le douloureuse marque qu'elle imprime en vous et rien d'illusoire dans le brasier qu'elle déclenche dans votre poitrine. La violence amène la colère qui est une addiction tangible. Vous pouvez la saisir et savoir qu'elle ne disparaîtra jamais. Elle sera toujours là, tapie dans votre cœur si tant est que vous en ayez encore un.

Souffrir fait moins mal qu'espérer et vivre est un jeu cruel.

Les souvenirs du trajet dans la voiture de mon père sont flous. Je me souviens de la brûlure autour de mes poignets, de la corde rêche qui les enserraient et m'empêchaient de gratter la peau fine de mes mains qui me faisaient souffrir le martyr. J'entends encore ma mère tenter de me bercer de sa voix angélique. Je relève les yeux et observe ses joues striées de perles translucides. Elle ne sourit plus désormais. J'ai soif mais je ne dis rien car ne veux pas faire pleurer ma maman un peu plus. Alors je me tais et endure mes bras qui me lancent.

Après ce souvenir, il n'y a plus rien. Plus rien jusqu'à cet entrepôt.

On pense souvent qu'un souvenir traumatique repasse en boucle dans la tête de la victime, qu'il ne disparait jamais et je crois que je préférais que ce soit ça. La vérité est que parfois, j'arrive à oublier. C'est pour ça que j'ai si mal quand la réalité me rattrape et cette garce ne s'absente jamais assez longtemps pour m'offrir une chance de m'échapper.

Soudain, la lumière brûle mes grands yeux gourmands de vie. L'humidité et l'odeur rance me donne envie de me boucher le nez mais la main de maman vient chercher la mienne et je préfère nettement tenir sa paume chaude dans la mienne alors j'affronte la puanteur et l'éclairage du sous-sol. Je suis assez grande pour faire semblant que tout va bien.

Mon papa a une maison très étrange. Il y fait froid et sombre presque comme s'il voulait que son chez-lui soit terrifiant. Je tourne la tête, voit cette lumière trop blanche au fond et inhale de plein fouet cette odeur d'hôpital. Je ne sais pas ce qu'il se passe mais mes yeux ne trompent pas/ Il y a une cage en verre dans le sous-sol. Belle et brillante. Lisse et impeccable.

Je sens que maman n'arrive plus à respirer. J'essaye de serrer sa main plus fort dans la mienne mais elle tremble tellement que j'ai du mal et papa profite de son trouble pour se rapprocher de nous. Il a de beaux yeux gris, des cheveux noirs qui paraissent tout doux et il est tellement grand que je suis obligée de pencher ma tête en arrière pour croiser son regard.

NÉMÉSIS, LES ROSES DE ROME T.1 | Romantic suspensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant