Je le détestais. Je le détestais. Je le haïssais.
Je haïssais sa façon de me parler lorsqu'il voulait quelque chose. Le son de sa voix, la mélodie sinistre de ses mots qui résonnaient en moi, tout cela me donnait envie de vomir.
Je haïssais de ne pas pouvoir lui tenir tête, de ne pas pouvoir lui dire non. Mais une partie de moi voulait faire plaisir à Papa. Après tout, j'étais si petite et lui était si grand.
Il me faisait peur. Il me faisait trembler. Il me faisait pleurer. Je me détestais pour cela. Ma faiblesse me répugnait.
- Allez, ma chérie, un petit effort. Me dit-il de cette voix qui me glaçait le sang, bien que je l'entende depuis la naissance ?
-Papa...je n'y arrive pas. Ma voix était tremblante.
-Concentre-toi! Siffla-t-il entre ses dents tout en serrant mon bras dans sa grosse main ?
Il me faisait peur.
Je baissais la tête et me concentrais sur mes chaussures (des ballerines rouges) pour ne pas laissais ma faiblesse couler sur mes joues.
-Izza, ma princesse, fais plaisir à Papa et fais apparaître ce putain miroir!
Le Miroir.
Un après-midi, j'avais alors six ans, Papa et Maman étaient dans la cuisine et criaient très fort, tel que de leurs cris, les murs de la maison tremblaient, comme si eux aussi étaient effrayés.
"Je n'y arrive plus!" avait crié Maman.
Ce genre de scène était devenue de plus en plus fréquente et à chaque fois un sentiment effroyable venait me tenir compagnie sur mon lit. Là où je me roulais en boule lorsque l'orage frappait à la maison.
Ce jour-là, la peur avait pris possession de mes jambes, sortie de la maison en courant et je ne sais comment conduite dans les bois. Personne n'avait le droit d'aller dans les bois.
Comme un pantin au fil détendu, je tombais à genoux devant un arbre. Je m'y adossai et tenté d'oublier. D'oublier tout. De m'oublier.
Je vidais mon cerveau, comme le sablier du magasin de Monsieur Fil se vide sans pourtant ne jamais l'être complètement.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée là. J'essuyais les larmes qui étaient mes seules compagnes ces derniers temps et après un court instant je remarquai l'étrangeté du tronc auquel j'étais adossée. Il était noir. Noir et lumière du soleil s'y reflétaient.
Je déposais une main dessus et c'est alors qu'une chaleur, douce, presque maternelle, m'envahit et comme un ami je fis part de mes souffrances à cet arbre.
-Ce n'est pas sa faute si Papa est souvent en colère ou qu'il ne nous parle pas beaucoup à Maman et moi. Tu comprends il est très malade. Très, très, très malade.
Maman a dit qu'il allait mourir un jour. Elle parlait toute seule dans la cuisine après s'être disputée avec Papa. Je ne crois pas qu'elle savait que j'étais là.
Je ne veux pas que mon Papa meure. Il nous aime. Il ne nous laissera pas toutes seules. J'en suis sur.
-Izza! Izza! Cela fait plus de deux heures que je te cherche! Que fais-tu ici? Tu sais très bien que c'est interdit!
La voix (menaçante) de Papa qui résonnait derrière moi me fit frissonner.
C'est alors que le tronc noir se fendit en deux laissant apparaître en son centre un miroir tout aussi étrange.
Hypnotisée par la scène je me sentais comme Alice lors de sa découverte du pays des merveilles : Ébahit, mais aussi un peu effrayée.
Une main tremblante me tira en arrière et me fit tomber sur les fesses
-Izza, éloigne-toi! s'écria Papa.
Son corps, faible, perdit l'équilibre. Tentant de se rattraper, ses deux mains vinrent se plaquer sur le miroir. C'est alors qu'une brume blanche, tout droit sortie du miroir prit possession de son corps en commençant par ses mains.
La brume était si dense que le corps de Papa disparut de mon champ de vision, un cri de douleur brisa le calme nous entourant.
Lorsqu'elle le recracha, se fut un homme, plus fort, plus beau, plus jeune et en pleine santé que je découvris à la place de l'homme souffrant, pale et fiévreux qu'elle avait avalé.
-Papa?
Il fut pris d'une quinte de toux, puis se releva, se contempla dans le miroir, sa poitrine se soulevant aux rythmes de ses respirations, ébahit par son propre corps. Il s'inspecta sous toutes les coutures, se pinçant les joues à plusieurs reprises. Puis il se tourna vers moi.
-Rentrons à la maison maintenant.
Sur ces mots il partit.
Ce soir la Maman n'était pas à la maison. Les questions posaient à Papa sur cette soudaine disparition restèrent à jamais sans réponses.
Les jours suivants, son corps s'affaiblissant il retourna dans les bois à la recherche du miroir. Ne le trouvant plus, il m'y emmena et pour la deuxième fois et je ne sais comment, je le fis apparaître.
Cela fait à présent quatre ans, que Papa et moi allons toutes les semaines retrouver ce que j'avais cru être un ami, mais qui n'était enfaîte qu'un cadeau empoisonné.
-De toute façon tu es comme ta mère. Tu es faible! Cria-t-il après plusieurs tentatives de ma part. Toutes soldées par des échecs.
La colère bourdonnait dans mes oreilles. Je dégageai mon bras de son emprise et m'agenouillai face au tronc, les deux paumes à plat dessus, lui communiquant toute ma colère.
Un, deux, trois...
Le tronc se fendit en deux et comme à son habitude Papa se précipita dessus.
Il rajeunit
- Allons-nous en maintenant ?
Pas un merci. Rien. Rien. Rien.
La colère bourdonnait dans mes oreilles. Je pris alors une pierre au sol et la lançai sur le miroir.
Il se brisa en un million de morceaux et comme une réponse a mon coup un éclair noir vint me transpercer le cœur.
-Qu'as-tu fait?
Je me tournais vers Papa, les deux mains sur le cœur. Il était étendu sur le sol, pal, vieux, maigre et l'extrémité de ses doigts étaient d'un noir violacé.
-Izza...aide-moi...
Je ne fis rien, car à mon tour je tombais, tombais, tombais.
Comme Alice.
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Riplesse
ParanormalIzza n'a que neuf ans lorsqu'elle se retrouve placée dans l'orphelinat de la ville de Klysse. Remise entre les mains d'une sorcière, comme elle aime tant l'appeler, Izza fait de son mieux pour survivre. La violence est son quotidien. Heureusement qu...