un amour d'enfance

Séparation

          Tom était abasourdi, il ne comprenait pas sa mère. Non seulement elle voulait partir loin d'ici, mais elle voulait partir cette nuit-même, vers une destination inconnue. Tom avait beau essayé de la convaincre que c'était insensé, qu'il ne voulait pas vivre ailleurs, que toute sa vie était dans ce village. Sana était ici. Mais elle ne voulait rien comprendre. Elle ne voulait même pas le laisser aller lui dire au revoir.

          Elle avait trop peur que son père revienne et les empêche de s'en aller. Au fond de son coeur Tom souhaitait cela, mais il savait qu'il était tout ce qui restait à sa mère. Il ne pouvait même pas lui en vouloir, car il savait à quel point elle souffrait. Mais sa souffrance l'avait rendue insensible. C'était triste de voir qu'elle ne pensait qu'aux mauvaises choses qu'elle avait vécues, alors qu'il y avait tellement de beaux moments vécus dans cette maison et tellement de rires et  de joies pour lesquels il fallait se battre. Car cela en valait la peine. C'est cela qui faisait la douceur de l'existence. C'était ce que Tom pensait, mais à 12 ans et des poussières il n'arrivait pas à mettre des mots sur ses sentiments, des certitudes auxquelles il croyait et qu'il pensait que les autres ne saisiront pas, peu importe la force avec laquelle il y adhérait. Pire, il craignait par-dessus tout de blesser sa mère, qu'elle croit qu'il était du côté de son père malgré ce qu'il lui faisait vivre. Mais Tom aurait voulu qu'elle se batte pour reprendre sa vie en main, qu'elle résiste face à l'homme qu'elle avait aimé. Il aurait fallu qu'elle soit forte. S'il n'y avait plus de vie commune possible pour eux, qu'elle ait le courage de le lui dire en face. Et ça devrait être à lui de s'en aller. Mais ce discours n'avait jamais réussi à franchir les lèvres de Tom. Avec une amertume toute nouvelle pour lui, Tom l'aida à mettre leur bagage dans la voiture. Mais au moment de fermer la portière, les larmes lui montèrent aux yeux. Il ne pouvait pas faire cela à Sana. Malgré le regard noir de sa mère il se précipita vers la porte des voisins et frappa des coups rapides.

        Rien. Il frappa encore. C'était à ce moment-là qu'il se souvint que Sana était partie chez sa grand mère. C'était pour cela qu'elle n'était pas venue faire ses devoirs chez lui. Mais avec tout cela il avait oublié. Il se sentait vide. Comme s'il était en chute libre à l'intérieur. Impuissance. Une colère violente le saisit et il se mit à frapper de toutes ses forces contre la porte. Comme s'il voulait que Sana l'entende à travers les kilomètres qui les séparaient. Sa mère descendit de la voiture et lui prit les mains dans les siennes.

-Je ne peux pas partir comme ça, dit il

-Je sais mon chéri, tu peux lui laisser un mot d'adieu et tu pourras lui écrire. Et puis nous n'iront pas très loin, on reviendra voir mes parents.

           Il hocha la tête. Au moins Sana saura qu'il ne voulait pas partir sans la voir. Il griffonna un mot rapide. "Je dois partir avec maman, je t'écrirai bientôt pour t'expliquer. Bises, Tom."