Des âmes sœurs improbables (Publié chez Essor-Livres Éditions)

Chapitre 30

Pendant le parcours, je ne parle pas beaucoup. Monsieur Tompson me pose des questions sur mes études, mais je n'ai pas vraiment l'enthousiasme de discuter. Mes pensées sont plutôt dirigées vers Adam. Je suis un peu nerveuse, mais confiante en moi. Je vais le laisser parler, mais il devra également m'écouter. Je ne peux pas effacer tout ce qu'il m'a dit sans qu'il sache la peine qu'il m'a faite. Après une vingtaine minute de routes, on arrive finalement au garage où travaille Adam. Monsieur Tompson me dépose devant celui-ci. Je le remercie en sortant de la voiture.

La confiance que j'avais quelques minutes avant s'effrite peu à peu tandis que je me dirige vers l'arrière du garage. Je regarde par la fenêtre de derrière pour voir si Adam est encore dans celui-ci, mais il n'y a personne. Je monte l'escalier qui mène au loft. Mon cœur se met à battre plus fort à mesure que je monte les marches. Je n'ai pas les clés puisque je suis venu directement de mon travail. J'hésite rendu en haut, mon pied ne veut pas quitter la dernière marche. Je commence à paniquer. Et s'il ne voulait plus me voir ?

Je prends quelques minutes pour me calmer. Après avoir repris mes esprits, j'avance et frappe à la porte. Rien ne se passe. Je cogne à nouveau. Encore rien. Évidemment, il n'est pas à la maison. Je m'assois sur la dernière marche, totalement découragée. À quoi ai-je pensé ? Son père avait l'air convaincu qu'Adam ne pouvait plus vivre sans moi, mais c'est surement le contraire. Il est surement parti fêter son célibat. J'appuie mes coudes sur mes genoux, mets mes mains sur mon visage et commence à pleurer. Le bruit de mes sanglots couvre les pas qui se fait entendre sur le pavé. C'est le mouvement très subtil de l'escalier qui bouge qui me fait réaliser qu'il y a quelqu'un qui monte les marches. Je n'ai pas besoin de lever les yeux, je sais que c'est lui.

– Leila ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

– Je peux partir si je te dérange, lui dis-je, offusqué.

– Non, surtout pas. Excuse-moi, je me suis mal exprimé. Je suis juste surpris que tu sois ici. Ça fait plus d'une heure que je fais le tour de la ville pour te trouver. J'ai été à ton travail, mais tu étais déjà partie, ensuite j'ai passé presque une heure devant chez tes parents à attendre que tu arrives. Jamais je n'aurais pensé que tu viendrais ici.

– C'est ton père qui m'a reconduit.

– Mon père ?

– Oui. Il est venu au café, on a jasé et il m'a convaincu de venir ici.

– Je suis content qu'il l'ait fait. Viens, on va entrer. Tu m'as l'air frigorifié.

Il m'aide à me relever. Le contact de sa main sur la mienne fait tout de suite son effet. L'électricité qui a toujours été présente entre nous ressurgit après deux semaines de sevrage. Adam garde cependant ses distances. Je le sens mal à l'aise en ma présence et cela m'inquiète. Mais je comprends. Moi aussi, je ne sais pas comment agir. C'est comme s'il avait peur de me blesser encore une fois.

Je le suis à l'intérieur. Je reste bouche bée sur le bord de la porte. Des vêtements traînent par terre, des boîtes de restaurant sont empilées dans la poubelle, le lavabo déborde de vaisselle sale et les draps sur le lit sont tordus. Je n'ai jamais vu l'appartement aussi en désordre. Ce n'est vraiment pas le style d'Adam de laisser un désordre dans son appartement. Je conclus que ses deux dernières semaines doivent avoir été aussi pénibles pour lui que pour moi. Il remarque mon questionnement et baisse les yeux.

– Je sais, j'ai perdu le contrôle. Je n'avais vraiment pas la tête à faire du ménage.

– Je vois ça.

– On doit discuter.

Je sors de ma transe et me déplace pour venir m'assoir sur le sofa. Adam se dirige vers le lit et récupère la couverture pour venir me la déposer sur les épaules. La senteur d'Adam vient directement me chatouiller le nez. Je ferme instinctivement les yeux pour savourer son arôme. Elle m'a tellement manqué. Adam vient s'assoir à côté de moi, mais garde une distance. Je le fixe, attendant qu'il prenne la parole. Il évite mon regard.