CLAIRE/ Does it hurt?

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Assise contre un tronc d'arbre, Claire observa avec attention le visage de son compagnon de fortune. Après l'avoir remerciée pour le mouchoir, il s'était essuyé minutieusement la bouche puis s'était tu. Son expression honteuse attestait de la lucidité qui le regagnait peu à peu. Son teint en revanche était des plus livides et contrastait vivement avec les cicatrices de griffures qui parsemaient son visage. Le regard de Claire s'arrêta un instant sur ces lacérations qu'elle ne se souvenait que vaguement d'avoir causées.

Ça fait mal ? demanda-t-elle, une boule de culpabilité au ventre.

Hein ? s'étonna Russell en se touchant le visage. Oh, ça ? Non, c'est rien ! Apparemment, certaines filles trouvent même ça sexy !

Sa réponse légère et son rire sonnèrent étrangement faux. Russell dut s'en rendre compte également car son expression changea bien vite, cachant un rictus de dégoût. Préférant adresser un malaise à la fois, Claire ignora cette information pour le moment et continua sur sa lancée. Peu importe son passif avec Russell, Claire savait reconnaitre ses torts et il était essentiel qu'elle mette au clair les évènements de la veille. Même si elle n'était pas en contrôle de ses mouvements, elle lui avait tout de même écorché la face.

Je suis désolée, déclara-t-elle non sans une certaine gêne. En fait, je n'aime pas me retrouver dans des espaces confinés, j'ai tendance à... paniquer.

Malgré sa tête baissée, Claire sentit Russell la dévisager avec intensité.

Oh, répondit-il doucement, c'est pas grave... En vérité, j'ai surtout eu peur pour toi. C'était assez terrifiant, surtout quand tu t'es évanouie.

Claire resta silencieuse, incapable de répondre quoi que ce soit.

Mais alors, s'écria soudain Russell comme frappé par une illumination, c'est pour ça ? Je veux dire, l'autre jour, dans l'ascenseur, quand tu es sortie ? Tu étais en train de faire une crise de claustrophobie ?

Submergée par la honte, Claire acquiesça timidement. Elle s'était pourtant donnée tant de mal pour cacher sa faiblesse et voilà qu'elle déballait tout, à Russell qui plus est. Son seul réconfort fut de se dire qu'elle ne le reverrait sans doute jamais après cette étonnante semaine.

Pourquoi tu n'as rien dit ? J'ai cru que tu faisais exprès de me fuir ou... Enfin, si j'avais su, je ne t'aurais jamais parlé comme ça, je... Je suis désolé, je me suis comporté comme un vrai idiot.

Sa voix se perdit dans un long soupir puis plus rien. Intriguée, Claire redressa le regard et aperçut Russell, le dos courbé et les mains sur le visage. Était-il en train de revivre la scène ? S'en voulait-il vraiment ? Pour quelle raison ? Que s'était-il passé dans sa tête à cet instant ? Comprenait-il au juste ce qu'il s'était passé dans sa tête à elle ?

Sentant l'angoisse monter, Claire cessa ses questionnements et jeta un coup d'œil à son portable. Un nouveau message d'Owen venait justement d'arriver :

« Thank God! Stay there. On my way with Mal! »

Quand Claire tourna à nouveau son attention sur Russell, celui-ci était recroquevillé sur lui-même, tremblant.

— Russell ? Tout va bien ?

J'étais avec une fille tout à l'heure, avant que tu arrives, avoua-t-il la voix à moitié étouffée par ses genoux. Ça se passait bien, enfin je crois. J'étais trop bourré. Je ne sais même pas comment elle s'appelle mais elle était canon. Je crois. On a à peine échangé un regard et elle s'est jetée sur moi. Elle m'a dit que ça l'excitait les hommes avec des blessures de combat. Et elle voulait que je lui dise des cochonneries en espagnol. Je me suis dit que j'avais de la chance. Plein de gars tueraient pour être à ma place.

Russell leva la tête pour rire mais le son s'étouffa dans sa gorge serrée. Les yeux humides et la voix fébrile, il continua son récit devant une Claire de plus en plus tendue.

— Et on a commencé à s'embrasser et j'arrêtais pas de me dire « quelle chance ! c'est vraiment génial ce qu'il se passe ! ».

Claire sentit son pouls s'emballer et des envies de nausée surgir tandis que des sensations et des images familières l'envahissaient. Elle respira un grand coup.

— Russell, tu n'es pas obligé de-

— Et puis elle a commencé à me toucher et... et j'essayais de me dire « mais c'est vraiment putain de génial ce qu'il m'arrive, c'est le pied » mais je... pouvais pas... c'était plus fort que moi... et je savais pas quoi faire alors... je l'ai mordue.

Il y eut un long silence avant que Russell n'ose lever la tête pour observer la réaction de Claire. Cette dernière sourit et, dans une tentative maladroite de détendre l'atmosphère, déclara :

Je me disais bien que j'avais croisée une fille qui criait au grand méchant loup.

Claire fut rassurée de voir Russell sourire à son tour à la blague et son soulagement fut d'autant plus grand que les silhouettes d'Owen et de Mal se dessinèrent à l'horizon. Elle se leva d'un bond, un peu trop rapidement pour paraitre naturelle, et fit de grands signes aux nouveaux arrivants. En quelques enjambées, Mal arriva à leur hauteur et aida Russell à se lever. Derrière lui, un Owen légèrement essoufflé s'empressa de bombarder le chanteur de questions pour s'assurer de son état. Claire profita de la commotion pour souffler longuement et retrouver un pouls normal.

Merci beaucoup de nous avoir prévenus, Claire. On le cherchait partout. Tu es une vraie sauveuse !

Claire ne put s'empêcher de sourire bêtement au compliment d'Owen alors que, derrière lui, Mal esquissa une grimace de désapprobation.

Vous n'auriez pas vu Layla pendant vos recherches par hasard ? Je la cherche aussi.

Si, répondit Mal avec un sourire malicieux. Elle est rentrée avec Kris à l'intérieur de la maison. Ils avaient l'air assez... occupés, si tu vois ce que je veux dire.


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INATTENDUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant