INATTENDU

CLAIRE/ Hello America!

— T'es sérieuse ? s'exclama Layla en manquant d'avaler ses frites de travers.

Claire acquiesça et sourit. Elle s'était dit que ce serait facile pour elle. Après tout, c'était loin d'être son premier mensonge. Si ses parents lui avaient bien appris quelque chose, mentir et jouer la comédie en faisait partie. Mais maintenant qu'elle se retrouvait à faire face à sa meilleure amie, Claire sentit sa confiance vaciller.

Layla était peut-être une fille naïve mais c'était aussi la personne qui connaissait Claire mieux que quiconque sur cette planète. Pouvait-elle réellement espérer la tromper avec quelque chose d'aussi gros ?

— Un voyage pour deux aux États-Unis ? demanda Layla d'un air abasourdi. Mais tu ne m'as jamais dit que tu t'étais inscrite à un tirage au sort...

Claire haussa les épaules et détourna le regard. Elle savait que c'était le moment crucial. Les prochaines secondes détermineraient le succès ou non de son plan. Un plan qui lui permettrait enfin d'échapper à sa vie insignifiante et de construire son propre destin. Et pour ça, Claire était prête à tout. Même mentir à sa meilleure amie.

— Pour être franche, répondit-elle en haussant les épaules, je ne pensais pas vraiment gagner. Tellement de gens participent à ce genre de concours. Mais si tu ne veux pas venir avec moi, je peux toujours...

— T'es folle ? l'interrompit Layla en lui saisissant les mains. Bien évidemment que je t'accompagne !

Soulagée, Claire ne put empêcher un large sourire de s'étendre sur ses lèvres. Un sentiment de soulagement immense l'envahit. Layla ne le réalisait certainement pas encore mais Claire sentait déjà au fond d'elle que ce voyage allait tout changer.

— Quand est-ce qu'on part ? 

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Une fois le premier mensonge avalé, le reste ne fut que formalités. Convaincre les parents de Layla fut même plus facile que Claire ne l'avait anticipé. L'urgence du départ avait certainement empêché trop de réflexion. Et c'est ainsi que les deux amies françaises se retrouvèrent quelques jours plus tard dans l'aéroport, bagages en main et cœurs frétillants.

Si Layla avait opté pour des habits confortables afin de supporter le long trajet de Paris jusqu'à Los Angeles, Claire voulait, elle, accueillir la terre du rêve Américain en bonne et due forme. Longue robe d'été et lunettes de soleil, la tête haute et le sourire confiant, elle se sentait plus confiante que jamais. Même ses taches de rousseur et sa chevelure exceptionnellement laissée au naturel lui semblaient presque plaisantes à voir dans le reflet des vitres du couloir d'embarcation.

En prenant place dans l'avion, Claire se mit à dévisager les passagers autour d'elle. Sur la rangée du milieu, une fillette au bord des larmes secouait sa queue de cheval, refusant catégoriquement de s'assoir. Calmement, son père s'abaissa à son niveau pour lui murmurer dans un anglais des plus californiens des mots d'encouragement. Ses efforts lui permirent de décrocher un sourire sur l'adorable bouille enfantine qu'il admira avec tendresse. Cette démonstration de douceur paternelle eut l'effet d'un yaourt périmé dans l'estomac de Claire. Écœurée, elle se tourna vers son amie.

Layla était scotchée au hublot. La lumière du jour naissant filtrait à travers la vitre épaisse, éclairant d'une lueur orangée sa peau tannée. Claire se désolait de voir à quel point sa meilleure amie n'en prenait pas soin. Le long rideau châtain qui lui servait de cheveux aurait également bien mérité un peu plus d'attention et une bonne coupe. Surtout cette horrible frange qui lui barrait le front.

Mais Layla n'était pas du genre à accorder de l'importance à ces choses-là et c'est bien pour cette raison qu'elle était devenue une amie irremplaçable aux yeux de Claire. Peut-être même la seule. Lui en voudra-t-elle beaucoup quand elle découvrira sa supercherie ?

— Prête ? demanda l'innocente Layla en détournant son attention de l'extérieur.

Claire hocha la tête. Elle était impatiente de découvrir ce que cette aventure leur réservait et heureuse de pouvoir laisser ses mauvais souvenirs loin derrière elle, ne serait-ce que pour une semaine. Certes, elle avait aussi un peu peur – l'inconnu fait toujours cet effet – mais pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait libre. Comme débarrassée d'un immense poids, elle s'enfonça dans son siège et sourit : 

— Hello America !

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