𝙼𝙰𝙸 - 2086

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Cela faisait dix jours que la carte de ce médecin traînait sur la commode sans que le DJ n'ait eu la motivation de la bouger. Il n'osait même pas y toucher, pourtant, il avait profondément envie de la jeter. Mais c'était Shota qui lui avait donné, alors il hésitait. Il ne savait pas trop ce qu'il devait faire, en réalité. Le blasé ne lui avait pas dit un mot par rapport à ce papier. C'était comme s'il n'avait jamais été là. Et l'attitude désinvolte de son meilleur ami désarçonnait fortement le blond hyperactif.

Il commençait carrément à se demander si c'était réellement Aizawa qui lui avait laissé ça, ou si c'était quelqu'un d'autre. Mais dans ce cas, qui aurait pu faire une chose pareille ? Shota était le seul à avoir un double des clés, et aucun des mecs que l'anglophone avait amené chez lui avait remarqué son «problème». Hizashi refusait toujours d'appeler ça comme ça. Il n'avait aucun problème. Il allait bien.

Pourtant, la carte professionnel mauve lui faisait de l'œil. Elle attirait son regard comme un aimant, tout en repoussant le contact physique (aussi comme un aimant). Elle n'avait pas bougé depuis près de deux semaines.

Le bilingue poussa un profond soupir en pivotant la chaise de bureau sur laquelle il était assis afin de tourner dos à la commode qui était devenu le logement personnel de l'objet principal de ses tourments. Cependant, chasser ce petit rectangle plastifié de son champ de vision ne suffisait pas à le sortir de son esprit. Il avait beau essayer de se concentrer, il avait pleinement conscience de la présence de cette chose derrière lui, il la voyait clairement malgré tout.

- FUCK !

Il donna un coup de pied dans sa table de travail en hurlant quelques injures dans sa langue maternelle. Ça le rendait fou. Et le silence de Shota ne l'aidait pas du tout. Il ne comprenait vraiment pas les intentions de son ami. Est-ce que c'était un avertissement ? Mais un avertissement de quoi ? Pour quoi ? Quelle menace planait sur le pauvre blond tourmenté ? Yamada n'avait pas osé reparler de ça à Aizawa, se disant que le brun lui poserait sans aucun doute des questions dessus, mais aujourd'hui il n'était plus sûr de rien.

Il avait retourné ce sujet encore et encore dans sa tête, tentant d'associer le comportement de l'ébène à une explication logique, bien que le rationalisme ne soit pas le fort du héros vocal. Et la situation était tellement insensée que l'animateur radio en était venu à la conclusion qu'il était allé lui-même chercher cette carte professionnelle car son subconscient reconnaît avoir un véritable problème nécessitant une aide médicale. Oui, Hizashi commençait à se croire bipolaire, ou schizophrène, ou somnambule. Enfin, il n'était pas un professionnel en troubles psychiques.
Mais peut-être –il pensait bien «peut-être», avec beaucoup d'insistance– que son cerveau tentait de lui passer un message. «Peut-être» devait-il vraiment consulter. «Peut-être» que ce ne serait pas si terrible et inutile qu'il le craignait.

- I think I'm going mad, marmonna le blond.

Aizawa ne squattait pas, ce jour-là. Yamada était seul dans la pièce qu'il utilisait comme bureau de travail. Dans une totale atonie, il s'écrasa la tête contre la table en poussant un long râle désespéré. Il était fatigué de se battre contre ses propres pensées.

Si j'en viens à croire que je suis schizo, alors je devrais vraiment aller voir ce fichu psychiatre, se dit-il. Il détestait se prendre la tête comme ça. Après avoir maudit silencieusement la cause de son mal de tête –c'est à dire un certain héros effaceur– l'homme aux yeux émeraude attrapa son ordinateur portable et alla traîner sur les réseaux sociaux pour distraire son esprit. Rien de mieux que de lire des idiots raconter leurs vies sur internet pour oublier la sienne.


Aizawa était assis dans son endroit préféré du quartier : le bar à chat Aux Cat Meow. Il connaissait chacun des félins qui y vivaient, et le personnel le connaissait bien aussi. L'habituel agélaste montrait ce jour-là un visage doux et souriant qui inspirait la tendresse. Il observait avec attention chacun des faits et geste de l'animal au pelage roux qui se pavanait devant lui. La bête était superbement hautaine, à snober tous les clients qui tentaient de l'attirer à eux.

✦꧁ღ [ 𝓐𝓶𝓸𝓾𝓻𝓼 ] ღ꧂✦Où les histoires vivent. Découvrez maintenant