- 𝙳𝚎𝚞𝚒𝚕 - SEPTEMBRE 2085

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𝙻𝚊  𝚛𝚞𝚙𝚝𝚞𝚛𝚎  𝚊𝚖𝚘𝚞𝚛𝚎𝚞𝚜𝚎  𝚎𝚜𝚝  𝚍𝚘𝚞𝚕𝚘𝚞𝚛𝚎𝚞𝚜𝚎,  𝚖𝚊𝚒𝚜  𝚕𝚎  𝚍𝚎𝚞𝚒𝚕  𝚕'𝚎𝚜𝚝  𝚙𝚕𝚞𝚜  𝚎𝚗𝚌𝚘𝚛𝚎.

Nous étions dans le train, côte à côte, et Mic s'extasiait comme l'abruti qu'il était en observant par la fenêtre. Ce n'était pas la première fois que nous faisions le trajet, mais ce gamin de taille adulte avait toujours la même réaction. L'humain le plus bruyant de la Terre admirait le paysage et me donnait des coups de coude pour me montrer le décor banal que nous traversions. Je trouvais ça ridicule.

Je l'ignorais donc, les yeux baissés sur un livre d'une autrice finlandaise qui avait évidemment été traduit. J'essayais au mieux de me concentrer sur le texte tandis que le blond braillait des conneries dans mes oreilles. Dire qu'on venait tout juste de partir... Il nous fallait environ deux heures pour atteindre la ville où vivaient les parents de Shirakumo, ces dernières ayant déménagé peu après le décès de leur fils.

La première fois que je les avais rencontrées, c'était à l'enterrement du bleuté. Elles étaient venues me parler mais j'avais été incapable d'articuler le moindre mot, ni même de les regarder dans les yeux. Hizashi avait dû les saluer à ma place. Je savais que c'était dur pour lui, mais il essayait au mieux de faire la conversation avec la famille du nuageux, tout en veillant à ce que je ne reste pas tout seul.

Il avait tenté de sourire alors que ses yeux étaient embués de larmes. Il essayait de parler la voix tremblante de tristesse. Il voulait me rassurer tandis qu'il était incapable de gérer ses propres émotions. Je n'y avais pas fait attention à l'époque, trop aveuglé par ma propre détresse. Je ne voyais que l'immense impuissance qui m'avait enlevé un être cher. Je ne ressentais que le vide infini que causait l'absence du défunt. Je n'entendais que mes cris de douleur qui résonnaient à l'intérieur de mon esprit.

Je ne pourrais pas retranscrire ce sentiment insupportable, mais je me souvenais qu'il m'avait fait horriblement mal. C'est impossible de décrire une souffrance une fois qu'on ne la ressent plus. On se souvient des moments douloureux, mais pas de la douleur en elle-même. Mes souvenirs étaient flous et limpides en même temps. Je sentais mon coeur s'accélérer légèrement pendant que je repensais à cette période difficile. Je ne savais même pas comment j'étais sorti de là. Je m'étais senti comme au fond du puit, seul et triste, avec pour seule compagnie la froideur mortelle d'un fantôme.

Et pendant que j'étais en train de me noyer dans ma propre existence, Mic s'était battu pour nous maintenir tous deux hors de l'eau. Je me souvenais de ses iris vertes humides qui m'avaient supplié de ne pas abandonner. Je m'étais accroché à cette lueur de jade de toutes mes forces, comme à une bouée de sauvetage. Et nous nous étions relevés. La peine n'avait pas eu raison de nos rêves.

Par contre, la famille du nuageux avait été totalement brisée. Je n'avais rien pu faire ne serait-ce que pour les consoler un peu, j'avais eu trop peur de faire face à ces adultes qui ressemblaient tant au garçon que j'ai côtoyé. Je m'étais comporté comme un lâche, un gosse pitoyable qui n'avait pas l'étoffe d'un héros. Ça faisait des années que j'évitais les Shirakumo. Je les avais revues plusieurs fois, de loin seulement –bien que nous nous étions parlés l'année passée, mais j'avais rapidement trouvé un échappatoire pour les fuir.

Je ne me sentais pas de me présenter à elles alors que j'étais avec le bleuté lorsque l'accident est arrivé. J'avais beau savoir que ce n'était pas de ma faute, j'avais toujours l'impression que j'aurais dû le protéger. La culpabilité m'empêchait de faire face à ces personnes. Mais cette année, j'ai décidé de prendre mon courage à deux mains. J'avais toujours peur, et encore mal bien sûr, mais certaines choses devaient être faites. Il me fallait m'excuser proprement à ces pauvres gens qui avaient perdu, comme moi, le garçon qui leur était le plus cher au monde.

✦꧁ღ [ 𝓐𝓶𝓸𝓾𝓻𝓼 ] ღ꧂✦Où les histoires vivent. Découvrez maintenant