Horizons

第32章

   L'adolescent se devait d'avouer qu'avoir repris la mer lui avait fait un bien fou. Cela pouvait paraître étonnant au vu de ses origines et de sa particularité ethnique, mais l'appel de l'océan avait probablement fini par le gagner après ces semaines de voyage à bord du Vogue Merry. Les brises marines possédaient un charme que les vents célestes n'avaient pas, et vice-versa. Depuis tout petit, l'Aria avait toujours rêvé de pouvoir voyager à travers le monde et de découvrir de ses propres yeux de quoi les multiples choses que décrivaient les livres de sa bibliothèque — et ce qui ne s'y trouvait pas — pouvaient bien avoir l'air.
   Malheureusement, le destin avait quelque peu précipité les évènements en l'obligeant à déserter son île natale suite à la catastrophe. Le vigile avait alors découvert que tout ce dont parlaient les livres avec tant d'éloges n'était, en réalité, pas aussi féérique et onirique qu'ils essayaient de le faire croire. Les Hommes étaient des créatures avides de pouvoir et d'expansion, n'hésitant pas le moins du monde à trahir et à piétiner les autres pour achever leurs desseins. Le garçon-ailé avait très vite appris à se méfier d'eux à cause de son attribut spécifique. De par sa différence, Sky avait toujours été vu comme un objet qu'il fallait récupérer pour en tirer un bon profit.
   Pendant de nombreuses années, il avait parcouru les terres et les mers de South Blue et d'East Blue, fuyant sans cesse ceux qui lui voulaient du mal et se méfiant instinctivement de ceux qui disaient vouloir lui apporter leur aide. Au cours des six ans qui avaient précédé la dévastation de Paradeis, le blanc n'avait connu que cinq personnes réellement dignes de sa confiance sur les centaines de gens qu'il avait pu côtoyer. Il avait toujours cru qu'il serait contraint à demeurer exilé dans sa solitude pour le restant de ses jours.
   Néanmoins, le destin n'avait pas semblé de cet avis lorsqu'il avait décidé de faire se croiser les routes de l'adolescent et des pirates au Chapeau de Paille. Leur hospitalité sans conditions et leur gaieté de cœur avaient rendu l'Aria suspicieux à leur première rencontre. Qui de sain d'esprit tolérerait qu'un intrus s'incruste à bord sans explication valable quant à son apparition en pleine mer? Le vigile avait déjà eu à échapper à des pirates, il savait comment la plupart d'entre eux fonctionnait. Alors, le fait qu'il se soit pris d'affection pour ce groupe d'hérétiques en aussi peu de temps le laissait toujours pantois.
   La confiance était quelque chose que le garçon-ailé avait appris à chérir et à mesurer, ne l'accordant qu'à très peu de personnes qu'il avait jugé aptes à la recevoir. Il ignorait encore à quel point son attachement envers cet équipage s'était solidifié, mais cela commençait à le travailler. Certes, à Loguetown, Luffy et les autres avaient accepté qu'il voyage à leur côté sur Grand Line, mais jamais le capitaine ne lui avait demandé en bonne et due forme s'il souhaitait rejoindre son équipage. D'une certaine manière, Sky ne demeurait qu'un simple invité temporaire, comme Vivi et Kaloo — le canard géant de cette dernière.
   Pourtant, songer au moment de leur séparation le troublait plus qu'il ne l'aurait imaginé. Cela le tourmentait depuis Loguetown et il avait de la difficulté à se projeter dans un avenir où la joie de vivre de Luffy ou les bons plats de Sanji ne berçaient pas son quotidien.
   Las d'être obnubilé par toutes ces questions auxquelles les réponses ne se pointeraient pas de sitôt, l'argenté soupira. À cause du froid qui s'était abattu sur eux depuis déjà plusieurs heures, un nuage de vapeur flotta quelques secondes devant le visage préoccupé de l'adolescent avant de se disperser dans l'air. Provenant d'une île tropicale où il faisait pratiquement toujours bon vivre, il n'était pas habitué à devoir supporter des températures aussi basses et ses instincts migrateurs menaçaient de plus en plus souvent de prendre le dessus. Son aberration pour le froid le rendait donc assez renfrogné, même s'il s'efforçait de ne pas être trop désagréable avec les autres.
   Après tout, ils en avaient déjà suffisamment avec Nami sur les bras.
   Suivant de peu leur départ de Little Garden en — presque — toute sécurité grâce à la force dévastatrice des deux chefs géants, la navigatrice de l'équipage était tombée malade pour une raison inconnue. Vivi supposait que la détérioration de son état était due aux changements radicaux de température sur Grand Line, mais l'Aria devait avouer douter de cette explication. Ils avaient séjourné plusieurs heures sur une île préhistorique dont ils ignoraient à peu près tout de la flore et de la faune. Si la rousse s'était fait piquer ou mordre par une bestiole venimeuse, qui allait pouvoir lui venir en aide en pleine mer?
   La princesse avait alors évoqué une île où ils pourraient sans doute être en mesure de trouver un médecin qui serait apte à remettre Nami sur pieds, et c'est donc dans cette direction que se dirigeait à présent le Vogue Merry. Le vigile n'avait strictement rien dit sur leur changement de cap et s'était contenté de ne ressentir qu'un certain soulagement suite à cette décision — pour une fois judicieuse — du capitaine. L'état de la navigatrice l'avait aussitôt inquiété, mais il n'avait pas osé émettre ses hypothèses de peur d'affoler davantage le reste de ses compagnons de route. Il s'était donc contenté de rester sagement dans son coin et d'enchaîner les tours de garde sans prendre de répit afin d'octroyer à ses camarades le temps qu'ils jugeaient nécessaire pour veiller sur la rouquine.
   Au moins, grâce à son isolement fortuit, personne n'avait pu remarquer la blessure qui rongeait son poignet. Dès qu'il avait eu l'occasion de la traiter, il s'était enfermé dans leur petite salle de bain et avait entrepris de la désinfecter avec leur trousse de premiers secours. Le processus avait été bien plus long que prévu à cause de la douleur quintuplée et, après être finalement ressorti de la petite salle au bout d'une bonne trentaine de minutes, le garçon-ailé avait eu droit aux moqueries de Luffy et d'Usopp au sujet de la taille du bronze qu'il aurait soi-disant coulé.
   Malheureusement, depuis que Sky avait réussi à plus ou moins arranger sa plaie, cette dernière lui faisait un mal de chien et c'était tout son bras qui le lançait douloureusement désormais. Il s'était enfourné deux ou trois antibiotiques pour prévenir les effets secondaires qui auraient pu résulter du traitement bancal, mais ils ne semblaient pas encore être passés à l'action. Par pure ironie, le froid qui s'était installé était parvenu à diminuer un peu la souffrance éprouvée par le blanc et à le soulager temporairement.
   Lorsqu'un courant d'air un peu plus violent arriva à faire voltiger sa cape, un long et puissant frisson secoua tout son corps et ses dents se mirent à claquer. La fine chemise noire, le pantalon brun s'arrêtant à mi-mollet et les bottillons bruns qu'il portait ne suffisaient définitivement à le protéger adéquatement du froid polaire qui régnait à présent. Il s'empressa donc de récupérer les rebords de sa cape et de les rabattre contre ses flancs, espérant ainsi retrouver la chaleur perdue.
   Alors qu'il tentait de faire tomber la neige qui s'était un peu entassée sur sa tête, une main sur son épaule le fit tressaillir. Tournant la tête en savourant avec reconnaissance la chaleur de la large paume, l'adolescent tomba sur le regard gris acier de Zoro.

- Ça fait plus de cinq heures que t'es là, va faire un tour à l'intérieur.
- Non, c'est pas la peine. C'est mon rôle de...
- Rôle mon cul, t'es en train de te transformer en glaçon! En plus, ça fait un moment que t'as pas changé ton bandage. Aller, fous le camp!

   La faible résistance que l'Aria avait tenté d'opposer se désagrégea en moins de deux et, après avoir timidement remercié l'épéiste d'un mouvement de tête, il ne se fit pas prier pour quitter la vigie et s'engouffrer à l'intérieur de la caravelle.
   Certes, il ne devait pas trop s'attacher pour s'éviter plus de souffrances. Mais qu'est-ce qu'il était supposé faire si les autres se liaient trop à lui et qu'il ne souhaitait aucunement les blesser?

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