EMPYRIA [T3]

La honte de la famille

Zacharie donna un mouchoir à Ethan qui le repoussa avant de s'en aller. J'eus comme une impression de déjà-vu mais avant même que je ne m'y attarde, Zacharie me tira de mes pensées et me prévint :

- Mina Ruth, Ethan est un pacifique qui ne se bat jamais...

- C'est plutôt un nullard, un faible, se moqua Rodrigue.

- Je suis celui qui se bat pour lui alors même si vous avez un problème avec lui, ne le frappez plus jamais, me menaça Zacharie en me regardant avec une si grande détermination que je compris qu'il était prêt à tout contre le premier qui s'en prendrait à son frère.

- Je ne vais pas me disputer avec toi petit chaton, me prévint Ethan en revenant vers nous, par-contre, jusqu'à nouvel ordre, je te porte et ce n'est négociable, sinon tu reste !

Et sans crier gare, il me souleva et me posa sur ses épaules avant de s'en aller. Je tentai de le repousser, le frapper, le griffer mais il m'immobilisa avec une facilité étonnante et poursuivit son chemin.

J'avais cessé d'insulter Ethan dès que je l'avais vu se déplacer, il était tellement rapide que les autres avaient du mal à le suivre, ils étaient hors d'haleine. S'il ne m'avait pas portée, je serais dans le même cas qu'eux, malgré ma rapidité.

Ethan me laissa un moment avec Zacharie et alla aider ses frères à finaliser. Le prince John nous trouva deux uniformes de gardes qui devait nous permettre de nous fondre plus facilement parmi eux. Ethan nous rassembla et nous informa avant de partir :

- Nous allons visiter trois territoires ! Le prince héritier Mathieu sera le chef de cette expédition...

Le prince héritier Mathieu était un homme taillé comme un bloc de glace malgré ses traits du visage juvéniles semblables à ceux du roi. Il était plutôt calme comparé aux jumeaux qui n'arrêtaient pas de parler encore et encore.

Apparemment, ils n'étaient pas forcément des jumeaux ou alors des faux-jumeaux, ils parlaient tellement que les écouter m'épuisait. Eric était moins bavard mais Caen parlait tout le temps, et pour dire des choses inutiles. Rodrigue ne faisait que des blagues que je trouvais stupides.

- Suivez-moi, ordonna ce dernier sur un ton arrogant. Occupons-nous des humains avant !

Ethan m'attrapa alors même que je tentai de l'esquiver et il me posa sur son épaule de nouveau. Je me retins de soupirer, je sentais que ce voyage allait être vraiment épuisant si je devais supporter ces hommes avec nous.

Je cessai de gigoter lorsque les lumières s'éteignirent, le plan avait commencé. Je ne vis rien mais j'entendis les coups discrets et des corps tomber avant la course. Ethan me posa au sol, prit ma main et se mit à courir. Malgré l'obscurité, on pouvait entendre les voitures humaines arriver.

Comme je le craignais, il y avait une alarme que ces humains venaient d'activer pour prévenir les autres qu'ils avaient été attaqués. Ethan nous éloigna du combat, il ne semblait pas du tout dérangé par le fait d'avoir été exclu du combat, alors que moi, si. Lui et moi, nous étions les seuls à ne pas nous battre.

Je découvris que courir dans l'obscurité est la chose la plus horrible qui existe. Je trébuchai toutes les deux secondes et la seule chose qui m'empêchait de tomber fut Ethan. Lui semblait très à l'aise dans le noir, il ne trébucha pas une seule fois.

Nous nous cachâmes parmi les arbres gigantesques jusqu'à ce que les humains las de nous chercher, abandonnent. On s'écroula au sol en tentant de reprendre notre souffle. Nous étions tous là, en vie et saufs.

Après avoir passé les frontières, on se dirigea vers la Foret Noire et ses grands arbres qui semblaient atteindre le ciel. Je restai quelques secondes à les admirer, je n'avais jamais vu quelque chose d'aussi impressionnant. Zacharie nous informa:

- Faites attention au sol, ne marchez que sur ce qui est vert et ne touchez à rien, même si ça vous semble mignon...

- Nous n'allons pas traverser la Foret, elle est beaucoup trop grande et de toute façon, nous voulons juste aller au territoire humain, ajouta Ethan. Nous allons la longer...

Je marchai vers un coin où se trouvait des fleurs d'une beauté renversante. Elles étaient de la forme d'un bouton et de plusieurs couleurs mais les plus belles étaient les blanches. Lorsque je voulus en toucher une, Ethan me souleva et me posa contre lui en murmurant :

- Ne touches à rien, il y a du poison à peu près partout ici.

Je préférai lui obéir même s'il m'agaçait, je ne tenais pas à mourir bêtement. Après dix minutes de pause, nous reprîmes la route en longeant les arbres.

La Forêt Noire, malgré le fait que nous la contournions, était tellement dense que mes pieds me faisaient mal à force d'être fouetté par les fougères et autres plantes étranges qui étaient presque de la même taille que moi.

Je regrettai presque le fait qu'Ethan ne me porte plus, la fatigue que j'avais accumulée ces derniers jours commençaient à se faire sentir sur tous les muscles de mon corps.

L'admiration que j'avais ressentie au début en voyant les feuillages de la Forêt Noire s'était évanouie, le paysage autour de nous était toujours les mêmes et malgré la diversité des arbres, ne pouvant les différencier, je ne leur accordais plus mon attention.

Clara semblait souffrir plus que moi, elle n'arrêtait pas de se plaindre à chaque fois qu'un végétal la touchait, c'est-à-dire tout le temps. Clara étant née l'héritière de la reine Kadia, avait toujours été un peu chouchoutée. Elle passait les épreuves comme nous toutes, elle était dispensée des travaux trop difficiles.

Salina lui faisait la conversation pour la distraire et sûrement avoir quelqu'un avec qui converser. Elle ne me parlait jamais, elle faisait partie des amazones qui ne m'approchaient jamais, elles évitaient de me parler et ne me répondaient pas lorsque je m'adressai à elles. A leurs yeux j'étais comme les hommes, une ennemie.

J'avais apprise à ignorer leur méchanceté avec le temps et la douleur s'était peu à peu transformé en indifférence. Depuis que j'avais cinq ans, j'avais décidé de prendre les choses comme elles viennent et de n'accorder mon attention qu'aux gens qui en valent la peine.

Zacharie cueillait des feuilles de temps en temps et surfait sur sa tablette numérique, il parlait rarement à part pour nous informer de notre trajectoire. Ethan quant à lui, avait décidé de me laisser marcher seule à mon grand désespoir. Saleté de fierté des mina.

Je ne remarquai pas qu'il s'était arrêté, perdue dans mes pensées et me prit son dos en plein nez. Au même moment, une fougère me griffa la jambe. Je gémis de douleur en jurant. Il se retourna et rit en posant le sac de glaçon qu'il avait encore avec lui sur mon nez :

- Comme quoi le destin a décidé de me venger...

Je le fusillai du regard en le repoussant et mit de la distance entre nous. Je me dirigeai près de Clara qui me dit sur un ton glacial :

- Ces sales plantes vont abîmer mes belles jambes !

- Il reste une heure avant que la nuit ne commence à tomber, il va falloir accélérer la cadence sinon nous allons nous perdre ici et rater notre moyen de transport pour la capitale, n'est-ce pas mon frère ? marmonna Ethan à Mathieu avec un air nonchalant.

- Nous allons accélérer la cadence, décida ce dernier en se tournant vers nous, plus d'arrêt jusqu'à ce soir !

- Quel moyen de transport ? demanda Salina avant de boire dans sa gourde.

- Un transporteur qui nous mènera à la capitale en sécurité, si nous ratons celui-là, nous devrons attendre deux jours, répliqua Ethan en me soulevant de nouveau.

- Lâches-moi, c'est quoi ton problème ? pestai-je pour la forme même si au fond de moi j'étais soulagé de ne plus être blessée par ces affreuses plantes.

- Tu es lente, pire qu'un escargot, marmonna-t-il avant de s'engager dans le sentier d'un pas rapide. En plus, tu es tellement petite que j'ai peur de te perdre...

- Et pourtant c'est l'une des plus rapides chez nous, protesta Clara en me lançant un regard noir sans que je comprenne pourquoi.

- Dépêchez-vous, ordonna simplement Mathieu en accélérant encore.