II - 01

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« BON ANNIVERSAIRE !! »

Harry est réveillé par un poids qui lui saute sur le ventre et il a un long gémissement alors que Léni se met à le secouer, surexcitée, en criant « joyeux anniversaire » et en sautant sur place. Le jeune homme émerge difficilement de sa couette pour tomber sur la mine enfantine de Léni, un grand sourire sur les lèvres, assise sur lui, qui lui tend un cadeau emballé soigneusement dans un papier rouge sang. Elle lui tend avec insistance le paquet et il grogne pour la forme en se redressant. Léni vient s'asseoir à côté de lui en rebondissant littéralement sur place et il voit Pete dans la cuisine, un sourire aux lèvres, affairé à cuisiner une montagne de crêpes.

« Je suis désolé, j'ai réussi à la tenir jusqu'à dix heures seulement, s'esclaffe-t-il alors que Léni claironne gaiement que c'est son anniversaire et qu'il fallait fêter ça comme il le méritait. »

La tête d'Alex émerge de son lit superposé, au dessus du sien, et il a les yeux piqués de sommeil en baissant la tête vers eux, visiblement encore franchement assoupi.

« On a pas dit qu'on offrait les cadeaux ce soir ? Demande-t-il dans un grondement sourd de gorge pas encore bien réveillée.

- Les plus gros ce soir, réplique Léni. Mais celui-là c'est un petit truc et je voulais lui offrir maintenant, allez, ouvre-le, ouvre-le, ouvre-le !! »

Elle se met à sauter sur place, faisant grincer l'intégralité de la structure des deux lits, et Harry la rattrape pour l'asseoir sagement sur son matelas, à côté de lui, avant que le tout ne s'effondre. Il ouvre le cadeau de Léni avec des gestes précautionneux en songeant à ce que ses amis viennent de dire ; il y a donc d'autres cadeaux pour lui ? Il sourit en constatant que Léni lui a trouvé la première édition d'un ouvrage d'un biologiste renommé qu'il cherchait depuis des années. Léni lui offrait toujours ses plus beaux cadeaux, il ne doute pas qu'aucun de ceux qu'il recevra ce soir ne lui arrivera à la cheville. Léni avait ce truc, cette observation, cette capacité à trouver ce qui plaira très exactement à ses amis. Les années précédentes, elle lui avait offert le même genre d'ouvrage mais pour la dermatologie, des planches anatomiques originales et un magnifique ukulélé. Elle avait toujours, toujours frappé juste, et encore une fois, Harry se rend compte d'à quel point il aime sa meilleure amie. Il se penche vers elle pour la prendre dans ses bras et il la capture dans une longue étreinte alors que Léni rit et lui tapote le dos. Léni est la meilleure amie qu'il pourrait avoir, qu'il pourrait même imaginer. Elle était... elle était incroyable.

Il se lève pour grignoter les crêpes que Pete lui a fait « avec amour », même si Léni et Alex se chamaillent à celui qui en mangera le plus, et Pete finit même par en refaire une fournée pour faire taire la révolte. Il fait beau, dehors, si beau qu'ils décident d'aller se baigner dans la matinée avant de revenir pour le repas et d'enfin repeindre le bungalow. En se préparant, Harry avise la carte d'hôtel qu'il a laissée tomber hier soir sur le tapis de la salle de bain et il se félicite que personne ne soit rentré dans cette pièce depuis hier soir. C'était son cadeau d'anniversaire de lui à lui-même, quelque chose qui lui faisait plaisir, quelque chose qui lui faisait du bien. Il sent que ses mains tremblent, cependant, que son esprit est comme embrumé, flou, et il doit secouer plusieurs fois la tête pour se sortir de cet état. Il s'enferme une seconde dans la salle de bain le temps que les convulsions de ses doigts disparaissent enfin et il ravale un soupir à l'idée qu'il est presque arrivé à la fin de son stock et qu'il va falloir qu'il se réapprovisionne dans le coin rapidement. Il serre les dents et il se fixe dans le miroir, une seconde : ses yeux sont immenses, éclatés, ses lèvres sont gercées, ses mouvements sont violents et saccadés, et s'il fixe un peu trop longtemps le mur derrière lui, il y a un trou qui apparaît, un trou profond, d'un noir absolu, qui va l'absorber et le digérer. Un trou noir qui va l'absorber, le digérer et plus jamais le laisser partir, et puis plus il regarde ce trou et plus il sent dans sa chair, dans ses os, et plus il regarde et plus il sent les petites pattes qui lui parcourent la peau, les araignées qui viennent lui malaxer les muscles, les fourmis qui lui envahissent les doigts, les os, qui lui envahissent les vaisseaux sanguins – il les sent maintenant, il les sent distinctement, les fourmis qui lui rentrent dans le sang, les fourmis qui remontent le long de ses bras et qui s'accumulent au niveau de son bras et qui forment un caillot et qui engourdissent tout son bras, tout son bras est engourdi, il sent qu'il va perdre son bras il y a quelque chose d'anormal là-dedans les fourmis dans son bras dans son corps il sent la veine céder alors qu'un flot chaud et douloureux se répand dans ses muscles dans tout son bras et il baisse la tête et il voit des trucs bouger sous sa peau il voit des animaux bouger sous sa peau une colonie de fourmis qui poussent qui poussent qui déforment son corps il peut presque les compter une par une une par une une par une une par une par une par

Eaux troublesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant