Pete se réveille avec la tête en vrac. Il ouvre lentement les yeux, mais la lumière vient lui percuter le cerveau avec violence et il doit se laisser à nouveau tomber sur son lit. Il grimace en entendant le bip régulier de la machine à côté de lui lui scier les tympans. Il n'a ni froid ni chaud, il ne se sent ni mal ni bien, il a l'impression de flotter dans un rien aux draps un peu rugueux qui lui accrochent la peau et il sait, il sait à l'absence d'odeur, à l'absence de sensation, à l'absence de bruit en dehors de celui de cette machine, en dehors de ce bruit répétitif, insistant, il sait qu'il est à l'hôpital. Il se souvient de la dernière fois où il a fini ici – il avait un tube dans la gorge et il avait paniqué en se réveillant. Là, c'est bien plus doux, bien plus calme, presque incolore, presque désaturé ; il ouvre à nouveau les yeux quand il sent que ses pupilles se sont habituées à la lumière autour de lui, millimètre par millimètre, la respiration calme et apaisée. Il s'aperçoit que ses bras lui répondent mal, que ses jambes lui répondent mal, qu'il est enveloppé dans un nuage de coton qui l'empêche de réagir correctement.
La première chose qu'il voit, c'est sa main, juste à côté de lui, au bout de son bras recouvert de bandages. Il fronce les sourcils dans un mouvement mou et il essaie de bouger un doigt puis deux, regardant avec fascination le cathéter planté dans le dos de sa main réagir à ses ordres. Il essaie de lever le bras, en vain – et en regardant un peu plus loin, là, près de la fenêtre, il voit une silhouette recroquevillée dans un fauteuil, dans un coin de la pièce. Une silhouette enveloppée dans un plaid aux couleurs vives, le visage enfoncé dans les bras pour échapper à la lumière du jour, une silhouette aux longs cheveux bruns dégradés de bleu. Pete sent son coeur faire un bond dans sa poitrine en voyant Léni – bond qui se répercute sur le moniteur, qui se met à biper plus vite, ce qui sort son amie de son semi sommeil. Elle jette sur lui un regard endormi empreint d'une pointe d'affolement, redressant le bout du nez dans un mouvement nerveux, et les souvenirs de Pete viennent l'envahir avec une violence qui lui coupe presque le souffle. Il se souvient de Harry et de ses petites phrases, de sa discussion avec Léni devant la plage, de la soirée, des invités, du sourire de Harry en passant de groupe en groupe, des filles qui s'étaient mises dans un coin pour être au calme, d'Alex qui paradait avec Apo à son bras, des commentaires assassins des autres gars qui étaient là ; il se souvient avoir fermé sa gueule par amitié pour Harry en se promettant de ne plus jamais revenir. Il se souvient s'être posé la question de ce qu'il allait faire en constatant que Harry, dans le dos de Léni, l'avait totalement ostracisée. Il fallait qu'il fasse quelque chose, il ne pouvait pas le laisser faire. Il avait cherché des billets de train pour rentrer, il avait demandé une avance à ses parents pour pouvoir payer la part de Léni – avance qu'il avait obtenue sans trop de difficulté quand il avait résumé rapidement la situation à sa mère. Il était à la recherche de Léni pour lui proposer de prendre le train de neuf heures huit demain matin quand l'incendie s'était déclenché.
Au départ, ça n'avait été que des crépitements qui les avaient surpris. Il avait cherché du regard Harry, puis Léni, sans les trouver, et il avait senti un frisson glacé parcourir sa colonne vertébrale quand il s'était aperçu qu'ils étaient de l'autre côté du bungalow, juste à côté de la pinède. Et puis tout était allé très vite – en une minute, pas plus, la pinède s'était enflammée. L'onde de chaleur de l'incendie l'avait balayé comme une feuille, tout comme les autres invités ; il s'était retrouvé là, le nez dans l'herbe, à sentir la lourdeur poisse des flammes sur lui, assoudi par les crépitements des aiguilles brûlantes et les pommes de pain chauffées à blanc qui explosaient autour d'eux. Il avait récupéré tout ceux qui étaient à proximité et il leur avait dit de courir. Le plus loin possible. Il avait cherché Léni partout, partout, et quand Harry avait émergé de l'autre côté du bungalow, pâle, échevelé, il l'avait balancé dans la direction du village pour qu'il se mette à courir. Il s'était précipité pour trouver Léni, la respiration de plus en plus difficile, des énormes points noirs qui flottaient devant ses yeux. Il s'était exhorté au calme – heureusement pour lui, il avait des bons restes d'apnée sportive et il avait pu faire du tour du bungalow sans que ses poumons ne s'affolent du manque d'oxygène. Là, il avait trouvé To qui tentait tant bien que mal de soulever Léni – elle lui avait jeté un regard perdu mais farouche et il avait aussitôt saisi Léni par l'autre bras pour la traîner sur la plage avec To. En chemin, cependant, il avait entendu un cri, un hurlement ; c'était Harry, qui venait de s'étaler dans les racines, et après un regard interrogateur à To, il l'avait laissée seule avec Léni tout en se maudissant de sa loyauté.
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Eaux troubles
HorrorTW meurtre, mort, suicide, harcèlement scolaire, gore, violence verbale & physique, torture R A T I N G X __________________________________________ Harry est ravi : c'est la première fois qu'il arrive à organiser ses vacances pour squatter l'un des...