Chapitre 30

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L'air glaciale caresse mon visage, faisant voler mes cheveux en même temps. Le nez enfouit dans une grosse écharpe, je tiens le sac de Louis pour le déposer dans la voiture, qui n'a pratiquement pas quitté ce parking en l'espace de 3 jours, pendant qu'il remplit de la paperasse a l'accueil.
Midi approche et la température ne doit pas dépasser le 0°C. Je m'empresse de déposer le sac dans le coffre puis m'assois sur le siège conducteur pour lancer le chauffage en attendant qu'il revienne.
D'ici quelques minutes il va entrer dans cette voiture et ce sera un nouveau départ, les murs de l'hôpital ne nous procureront plus cette sécurité invisible. A partir de ce moment là tout sera différent, tout sera plus difficile mais je suis prêt à me battre sans relâche. Je suis prêt. J'ai attendu, je l'ai désiré, j'en ai rêvé puis je l'ai aimé. Depuis que je le connais, je ressens ce putain de frisson qui me parcourt tout le corps, ces petits papillons dans le ventre et ce sourire qui refuse de partir. Et le pire, c'est que ça dure toute la journée. Mais je ne peux pas affecter sa disparition, pas encore, c'est trop tôt. En quelque secondes il a réussi à me détruire et une part de moi lui en voudra toujours pour ça, mais je suis prêt à l'aime comme il le mérite, a le connaître comme personne.

Les minutes défilent pendant que je me perds dans mes pensées, mélangé entre la peur, l'anxiété et le bonheur. Le givre a maintenant totalement disparu des vitres, ce qui m'amène à m'inquiéter. Qu'est ce qu'il peut bien foutre ?
Je coupe le contact et me redirige vers l'entrée de l'hôpital.
Mes yeux balayent le hall jusqu'à que je l'aperçoive, assit à côté de l'accueil, un formulaire sur les genoux. Je m'approche, fixant son regard vide et terne. C'est en le regardant a cet instant précis que ma décision de passé du temps avec lui prit toujours plus confirmation dans mon esprit.
-Lou est ce que ça va ? Je t'attends depuis 20 minutes...
Il sursaute a l'appelle de son nom.
-Ou... Oui ouais j'arrive. dit il en reprenant contenance.
Il signe le formulaire en bat de page puis le plaque le long de son torse et se lève souplement pour rejoindre l'accueil. Il tend le formulaire à la secrétaire qui s'y trouve et dépose un chaste baiser sur mes lèvres avant de m'attraper la main et de sortir en trombe. Je le suis, ébahie par cette déclaration d'amour soudaine. Mais je peux voir dans ses yeux une pointe de déception. Il semble triste, je l'avais quitté pourtant 20 minutes plus tôt, le sourire aux lèvres, fière de tout recommencer à zéro.
-Ça va pas ? Dis je une fois installé sous le volant.
-Si... Si ça va.
Dit il un faux sourire plaqué sur le visage. Je pose ma main sur sa cuisse puis démarre sans insister.
Je sors du parking en réalisant soudain que je ne sais absolument pas où aller.
-On... On va où ?
Il me regarde en souriant timidement...
-Déjeuner ?
J'acquiesce avant de faire marche avant et de me diriger vers le centre ville.

L'ambiance est détendue autour de nous. Louis regarde les boutiques défiler le long des rues. Ce silence apaisant me détend, il est rare et précieux. Je meurs d'envie de lui dire, de lui parler et qu'il sache toujours plus à quel point sa fuite à été affreuse pour moi.
-Tu m'as manqué, désespérément... J'ai été tellement...
Je cherche mes yeux, sentant son regard sur moi.
-...malheureux sans toi.
J'écoute péniblement, soudainement gêné par ce qui vient de sortir de ma bouche. Ça ne me ressemble tellement pas...
-J'ai autant besoin de toi que toi de moi on dirait... murmure t'il sans cessé de me regarder. Tu ne m'as jamais perdu Harry.
-C'était comme si une partie de moi était morte. Comme si tu l'avais tué. J'avais l'impression que je ne guérirais jamais, que j'étais condamné à vivre avec ce sentiment jusqu'à la fin.
Mo cœur s'accélère a ce souvenir douloureux.
Mais la discussion s'arrête là, ce qui est, en sois, beaucoup venant de lui. Une vague de soulagement m'envahit lorsque je me répète ses paroles pourtant si simple. Il a autant besoin de moi que moi de lui. Wow...
Je ralentis au coin d'une rue.
-Ici ça te va ?
Il redresse la tête rapidement, comme je l'avais sorti d'un rêve.
-Hum... Heu ouais ouais super.
Je m'applique dans mon créno avant d'éteindre le moteur et de me diriger dans le restaurant, suivi de prêt par Louis.
On s'installe sur une petite table à côté de la fenêtre.
-Bon... Qu'est ce qui te tracasse ?
Dis je en retirant mon écharpe ainsi que mon blouson.
Il relève les yeux vers moi.
-Rien pourquoi ?
-Lou pas de ça avec moi, t'as pratiquement pas décroché un mot depuis qu'on est sorti de l'hôpital...
Il passe lentement sa main dans ses cheveux, la tête baissée.
-C'est le formulaire c'est ça ?
Il ne dit toujours rien et ce silence commence à peser.
-Je dis ça parce que lorsque je suis arrivé, tu l'as plaqué contre ton torse comme si tu voulais le cacher.
Mon téléphone vibre dans ma poche mais je n'y prête pas attention.
-C'était quoi ce formulaire Louis ?
Il relève ses yeux vers moi.
-Une paperasse pour ma mère.
Ha merde...
-... et les frais d'hospitalisation.
Je me suis toujours demandé comment Louis pouvait subvenir a ses besoins et a ceux de sa sœur vu sa situation, mais ces derniers jours, ce n'était pas le premier truc que je voulais éclaircir.
-Et tu vas pouvoir les régler ?
La question n'est pas très discrète mais ne semble pas le déranger plus que ça...
-Ho oui ouais t'en fais pas pour ça...
J'ai envie de lui demander comment mais je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moment de parler de ça.
Un jeune homme passe prendre notre commande. Louis prend des lasagnes et un verre de blanc tandis que je me contante d'une salade.
-T'as pas faim...?
Je secoue la tête négativement.
-Pas vraiment.
Je n'ose pas lui dire que je suis trop anxieux des prochains jours à venir pour pouvoir avaler quelque chose, mais je me contante de baisser les yeux.
-Harry ?
Je les relève aussitôt pour les plonger dans les siens. Ils brillent. Ils sont remplies d'un sentiment que je ne lui avais jamais vu. De l'espoir ?
-Je pense qu'il faudrait que tu saches deux, trois trucs sur moi avant... avant de tout reprendre depuis le début.
Oula... Je dois avouer que je ne m'attendais pas a ça... J'attends avec impatiente d'écouter ce qu'il a à me dire, partagé entre la peur et la joie. La peur de devoir écouter une réalité douloureuse et insurmontable, mais la joie de le voir se confier lentement à moi.
-Je t'écoute.
Il pose ses coudes sur la table, captant toute mon attention.
-D'accord alors voila.
Son stress est palpable mais je peux voir à quel point c'est important pour lui.
-... lorsque j'étais petit, environ 6 ou 7 ans, j'étais dans une classe uniquement de garçon, et lors de ma première année de l'école primaire, un petit garçon à intégré notre classe en cours d'année. Au fur et a mesure des semaines, ce garçons, qui avait un an de plus que l'ensemble de la classe, à commencé à se comporter bizarrement avec moi. J'étais petit et je ne savais pas me défendre. J'étais un peu le vilain petit canard de la classe, je n'étais jamais invité au parc avec mes copains, je n'allais jamais à la piscine avec eux, ils me disaient que j'étais "bizarre" et "débile". Un jour, le petit nouveau à rallié le peu d'amis que j'avais contre moi et j'étais véritablement seul, et je sais que ça peut paraître complètement con de raconter ça maintenant, c'est vraiment idiot parce que j'avais 6 ans mais...
Il inspire lentement d'une voix tremblante tandis que je n'ose pas l'interrompre.
-... mais un jour, ils ont commencé à me frapper. Au début, c'était des claques derrière la tête, puis c'était de plus au plus violent. Personne ne voyait rien et je ne disais rien a personne, persuadé que je méritais ce qu'il m'arrivait, jusqu'au jour où je suis rentré chez moi en pleure a cause d'une douleur qui ne passait pas au niveau du flanc. Ma mère m'a transporté d'urgence à l'hôpital, elle m'a déscolarisé lorsqu'elle a appris l'origine de ma douleur. J'ai été opéré du thorax a plusieurs reprises à cause de nombreuses lésions internes.
Il inspire profondément.
-J'avais 6 ans Harry, et je pensais que c'était de ma faute, alors je les laissais me détruire, comme si je méritais cette punition.
Il expire difficilement, les yeux plongés dans les miens.
Comment d'aussi jeunes enfants peuvent causer d'aussi graves blessures..? Mon cœur se sert rien que d'imaginer la scène.
-... suite à ça donc, j'ai été déscolarisé et c'est là que le plus dur a commencé. J'ai commencé a développé des "troubles affectifs", je refusais que quiconque me touche. Je me suis renfermé sur moi même, je me suis isolé dans mon monde. Je faisais souvent des crises d'angoisses et de nerfs qui pouvaient parfois durer des heures. J'étais incontrôlable. Ma mère essayait de s'occuper de moi du mieux qu'elle pouvait mais avec mes petites sœurs dans les pattes, ce n'était pas choses facile. Les années ont défilées comme ça, les une aprés les autres. Elles se ressemblaient toutes. Je ne sortais que rarement de chez moi et je n'avais aucun amis. Il m'arrivait de faire des cauchemars horribles et de me réveiller en pleure. Il m'arrivait aussi de...
Sa voix commence a trembler. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine.
-... de détruire des objets, des murs, des portes. Ce n'était pas de simple colère, j'étais... incontrôlable Harry et... et encore maintenant ça peut m'arriver.
Je peux remarquer ses yeux s'embuer. Ne me dites pas qu'il va pleurer... Je ne sais pas si je supporterais de le voir s'effondrer devant moi...
-Tu ne me fais pas peur Louis. Je n'ai pas peur de toi. Tu étais petit... Enfin je veux dire, c'est du passé, comment ça se fait qu'un traumatisme de tes 6 ans t'ai marqué à ce point ?
Il se contente d'hausser les épaules.
Il est fragile et je l'ai compris dès la minutes ou je l'ai vu au fond de cette salle de cours. Il essaye de se faire passer pour le gros dur mais c'est juste une carapace, rien d'autre. Il se cache pour ne pas avoir à affronter les autres. Je ne sais pas pourquoi est ce qu'il m'a raconté ça, sûrement parce qu'il en avait besoin. Parce qu'il a compris a quel point on peut compter l'un sur l'autre, malgré le fait que l'on ne se connaisse pas aussi bien qu'on le devrait.
Le reste du repas se passe pratiquement en silence. Au bout d'un certain nombre de minutes, les deux mains posées sur la table, Louis m'en attrape une, l'air sérieux.
-Bon, Nöel est dans deux jours, tu veux faire quoi jusque là ?
Mon portable revibre dans ma poche.
-Je... J'en sais rien, repondis je, encore secoué par ses révélations, qui, pour sa part, semblent complètement oubliées.
Il me prend un peu au dépourvue la...
-...je pense que je vais repasser par chez moi cherche quelques affaires et m'installer jusqu'à qu'on ai des projets un peu plus précis.
Il se racle la gorge en souriant.
-J'ai déjà des projets. Des projets précis même.
Ses yeux reflète une pointe de malice que je ne lui avais encore jamais vu.
-Ha ouais ?
-Hum hum...
-Et... Lesquels ?
Son sourire s'amplifie toujours plus jusqu'à en devenir contagieux.
-N'y compte pas. Tu sauras rien. Récupérés juste ton passeport.

Je me pose encore tellement de questions mais j'ai à la fois tellement peur de le brusquer.
On quitte le restaurant en silence, main dans la main jusqu'à la voiture. Une vague de stress me submerge soudainement, je vais devoir annoncé à ma mère que je pars, que j'arrête les cours et que je n'ai absolument aucun projet d'avenir en dehors de Louis, mais ce n'est pas ma mère qui me terrorise. C'est mon père. Une fois installé derrière le volant je démarre le contact et démarre en trombe. Je peux sentir Louis se crisper à côté de moi...
-Ça va pas...?
-Ralenti s'il te plait. Tu es a 30 kilomètres au dessus de la limite...
Je retire mon pied de l'accélérateur, attrapant sa main sur laquelle je pose un baiser, se voulait aussi rassurant pour lui que pour moi.
Je continue de rouler jusqu'à chez moi. Une fois arrivé je sors le biper de la boîte a gant et ouvre le garage, j'y entre et gare la voiture dans le sous-sol, mon cœur s'accélère soudainement, repensant a ce que je viens de voir.
-Harry ?
-Mon père est la.
-Quoi ?
-Mon père est la. Sa voiture était garée devant.
Ce n'était absolument pas dans mes plans. Je ne veux pas le voir, plus jamais... Et c'est réciproque.
Je pose les coudes sur le volant, la tête entre les mains. Les prochaines minutes promettent d'être mouvementés.
-Hé Harry... Harry regarde moi. Ça va bien se passer ok ?
Je relève la tête pour tomber face a son sourire. Un sourire qui se veut encourageant.
-Nan ça va pas "bien se passer" mais il faut en passer par la.
Je me retourne et sors de la voiture. Il contourne la voiture a m'attrape la main pour s'approcher toujours plus en déposer délicatement ses lèvres sucrées sur les miennes.
-T'es sur de vouloir le faire ?
J'acquiesce lentement, mes yeux rivés dans les siens.
Je verrouille la porte et sors du garage pour me dirigé vers l'entré, suivis de Louis.
Je toc une fois, la maison est ouverte, j'y rentre le cœur battant.
-Maman ?
Personne ne répond mais je sais qu'ils sont la.
Je m'avance vers le salon, cherchant désespérément quelqu'un.
-Maman ?
-Harry...?
Je me retourne rapidement et tombe face à elle, m'approchant pour la prendre dans mes bras.
-Harry j'étais si inquiète... Comment est ce que tu vas ? Ou étais tu ? Pourquoi n'as tu pas répondu à mes appels ?
Je la serre toujours plus contre moi, sachant que ce sera probablement le dernier câlin que j'aurais de sa part.
-Je vais bien maman. Je suis repassé l'autre jour mais tu n'étais pas là. Papa est ici ?
-Dans son bureau...
Louis se racle la gorge, m'interpellant discrètement.
-Maman, je te présente Louis.
-Enchanté madame.
Elle s'approche de lui, lui tendant un main maladroite mais bienveillante.
-Bonjour Louis.
Elle se retourne vers moi, les sourcils froncés comme si quelque chose l'avait piqué.
-Tu n'as pas des examens aujourd'hui ?
Merde, nous y voilà.
Je me racle a mon tour péniblement la gorge.
-Justement je dois te parler a propos de ça.
Je ne me sens pas a l'aise, j'ai l'impression d'être quelque chose que l'on doit cacher, d'être quelque chose d'illégal, je ne suis plus chez moi et je le sais depuis que j'ai quitté le bureau de mon père pour rejoindre Louis.
-Maman ? Va chercher papa s'il te plait.
Je me retourne vers Louis, son regard est meurtrit. Il me fait signe que non de la tête mais si. Je dois le voir. Je sais que mon père est ou était le médecin de Louis et que le revoir n'est peut être pas une partie de plaisir pour lui, surtout en ma compagnie, mais je lui fais la promesse intérieur que ce sera la dernière fois. Plus d'hôpitaux. Plus de médecins. Plus d'obstacles.
Ma mère se dirige sans grande conviction vers le fond de l'immense couloir. Ça me fait du mal de la laisser seul avec lui, mais je reviendrais la chercher, un jour. Je me précipite vers l'escalier, montant les marches quatre par quatre. Les sang coulent à tout rompre dans mes tempes.
Je fais signe à Louis de me suivre, je cours jusqu'à ma chambre ou j'attrape une valise au dessus de l'armoire, ouvrant cette dernière pour en vider le contenue a une vitesse incroyable. Mes gestes sont maladroits mais je m'en fou, je continue de vider le contenu de l'armoire dans cette valise sous le regard perdu de Louis.
-Harry calme toi.
Sa main se pose sur la mienne pour la stopper dans mon mouvement, je sursaute avant de baisser le yeux.
-Regarde moi.
Mes parents sont en bas et ils m'attendent. Je vais leur dire que je me casse pour de bon... Je.. je ne sais pas si je peux, si je vais pouvoir, tout va beaucoup trop vite, je ne connais rien de lui et pourtant je m'apprête à tout larguer pour lui.
-Harry regarde moi.
Je relève les yeux, prenant sur moi pour ne pas m'effondrer.
-Louis. J'ai... j'ai besoin de toi.
Sans que je ne puisse m'en rendre compte, ses lèvres sont posées doucement sur les miennes. Il m'embrasse chastement comme si c'était interdit, mais ce n'est pas ça que je veux, je ne veux pas vivre dans l'interdit, je veux qu'il me donne tout, qu'il m'aime comme je l'aime et qu'il me promette que tout ira bien. Je m'approche toujours plus de lui, intensifiant notre baiser. Ma main se perd lentement dans ses cheveux. Je les caresse lentement, sensuellement. Je ferme les yeux pour profiter de ce moment si précieux mais pourtant si court. Il se sépare de moi et ferme mon sac pour le positionner sur son épaule.
Il m'attrape la main et la serre fermement.
-Tu m'as sauvé une fois, à mon tour maintenant.

Soul for saleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant