Chapitre 20

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Je reste planté là de longues minutes avant de me décider enfin à appuyer sur la sonnette. Je sais qu'il est la. Sa voiture est garée devant chez lui. J'ai besoin de lui plus que jamais, j'ai besoin qu'il me montre qu'il me soutient. Je lui ai laissé du temps pour assimiler la chose entre Louis et moi, mais maintenant c'est moi qui n'ai plus de temps. C'est moi qui suis perdu et qui ai besoin de lui.

J'appuie lentement sur la sonnette.

Les secondes sont interminables.

Mais il finit par ouvrir. Il finit par passer sa peau métisse et ses cheveux noir par la porte ouverte. Je le sens étonné de me voir ici et je sais que si je ne parle pas rapidement, il va me fermer la porte au nez. Il en serait capable.
-Zayn. J'ai... Je suis désolé, dis je en inspirant profondément. J'ai... J'ai vraiment besoin de toi la.
Je regarde mes pieds sans trop savoir quoi dire. Mon envie de pleurer et toujours aussi présente mais ce n'est pas le moment. J'ai déjà trop pleuré.
Il ouvre toujours plus grand la porte après m'avoir longuement observé de la tête aux pieds.
-Entre.
Je soupire intérieurement. Je suis soulagé et un poids alors invisible jusque là s'enlève de mon ventre, mais ce n'en ai qu'une infime partie.
-Tu ne vas pas me sauter dessus au moins ?
Je souris timidement. C'est tellement lui, faire des vannes dans n'importes quelles situations.
On s'avance tout les deux vers le salon ou la télé marche encore. Il s'assoit sur le canapé et attrape la manette devant lui pour me la tendre.
-Une partie ?

Les dix premières minutes de jeu étaient incroyablement silencieuses et gênantes a la fois, puis l'atmosphère s'est détendue lorsqu'il a mis le jeu sur pause pour aller nous chercher des bières. On en a descendus une, puis deux, dans un silence toujours aussi pesant. Je pense que c'est a moi de parler mais je ne sais pas par quoi commencer. J'ai peur de dire une boulette, quelque chose de travers. Je termine la deuxième bière d'une traite et repose la petite bouteille vide sur la table basse. J'inspire un grand coup et me lance.
-Je crois qu'il faudrait qu'on en...
-Ouais. Il le faut. J'ai... J'ai vraiment besoin de comprendre.
J'ai envie de lui dire que moi aussi j'ai envie de comprendre et que moi aussi je suis totalement perdu face à tout ces chamboulements, mais il a besoin de réponses.
-Pourquoi tu as mis autant de temps à m'en parler ?
-Parce que j'avais peur.
-Peur de quoi ?
-De... De moi même. Je... Je ne savais pas ou j'en étais, j'étais complètement paumé, c'était tout nouveau pour moi et ça me faisait vraiment flipper. Encore maintenant j'ai du mal a l'accepter. Surtout après ces derniers jours. Et je suis désolé que tu l'ai pris comme ça et aussi de te l'avoir caché mais moi aussi ça me fait flipper putain. Moi aussi je comprends pas ce qu'il se passe et ce que je vais faire mais putain tu n'imagine pas le soulagement lorsque tu as ouvert ta porte...
Je déballe tout d'une traite sans trop pouvoir m'arrêter.
Je peux voir dans son regard un mélange de désespoir et de compassion, comme si, à sa façon, il s'excusait de son absence durant ce moment ou j'avais besoin de lui plus que n'importe quoi d'autre.
-Et pourquoi Louis ?
-Je sais pas. C'est... C'est comme ça. C'est tombé sur lui.
Je n'ai pas envie de lui exposer les 10 000 raisons pour lesquelles j'aime Louis, pas à lui. Ces raisons je les garde pour moi.
-Et tes vieux ils...?
-Qu..Quoi ? Nan t'es malade !!
Il connaît trop bien mes parents pour savoir que si je leur annonce que je suis en couple avec un garçon, ils ne voudront même plus entendre parler de moi.

On a discuté comme ça une bonne vingtaine de minutes, il posait ses questions et j'essayais d'y répondre du mieux que je pouvais. Parler de Louis est encore douloureux et je pense qu'il l'a compris.
-Et maintenant dans votre relation ? C'est genre "so romantic" ?
-Nan en fait c'est plus genre "je réponds plus depuis 2 semaines et demi."
Ses yeux se relèvent rapidement vers les miens.
-Sérieusement ?
-Sérieusement.
-Mais pourquoi ?
-Je me pose la même question si tu veux savoir.
-Ce mec est vraiment trop bizarre.
Et je ne peux qu'approuver ce qu'il dit. Je sais que Louis est bizarre, timide, discret mais aussi violent, drogué et impulsif. Je ne peux pas nier ça, je l'ai vu de mes propres yeux. Je l'ai vu s'ouvrir à moi comme jamais personne ne s'était ouvert à moi, mais je l'ai aussi vu s'éloigner jusqu'à le perdre. Jusqu'à ne penser qu'à lui jour et nuit et jusqu'à en tomber malade.
-Si ça peut te rassurer il est pas venu en cours non plus.
A ces mots, mon cœur bondit dans ma poitrine et une chaleur se propage dans mon ventre. Un soulagement. Ce n'est peut être pas moi qu'il évite finalement, c'est peut être un tout, un ensemble de truc dont il sature. C'est peut être pas moi le sujet de l'histoire.
-Et ça te fais peur ?
-De quoi ?
Le ton de sa voix change, comme s'il savait que ce sujet était beaucoup trop important pour continuer de plaisanter dessus.
-De le perdre.
Je pose mes yeux sur la table basse en face de nous, gêné.
-Tu n'imagines pas.
Il marque une courte pose, un court silence que je traduis par une assimilation des informations. Il prend le temps de détailler et comprendre ce que je lui dis et au fond de moi je le remercie de ne pas réagir comme la dernière fois que nous avons parlés.
-Mais ça ne fait que quelque semaines...
Sa voix est basse mais claire. Il parle avec une profondeur que je ne lui avais vue jusqu'alors.
-Je sais, justement.
Sa main se pose à nouveau sur le pack de bière, il s'en attrape une et m'en tend une autre.
-Si il compte autant pour toi alors prouve lui et ne le laisse pas tomber.

Je ne l'ai jamais entendu parler comme ça. Jamais. Il n'a jamais réellement prit mes ""problèmes"" au serieux et maintenant que j'en ai un vrai. Maintenant il m'écoute et fait de son mieux pour le comprendre.
-Je ne veux pas le laisser tomber. Jamais.
Un large sourire illumine son visage.
-Pourquoi tu te marres ?
-Je ne savais pas que tu pouvais aimer autre chose que ta bite. Et encore moins celle de quelqu'un d'autre.

Il ne peut s'empêcher de rire à sa propre blague ce qui a le don de me faire sourire. J'aime son humour décalé. Ça m'avait manqué et c'est exactement ce dont j'ai besoin en ce moment, avec une sale cuite. Mais pour la sale cuite, je vais attendre le weekend. J'ai beaucoup trop de taff à rattraper.
-Je te rassure je ne savais pas non plus.

On a continué de parler pendant plusieurs heures et maintenant le pack est vide. Il est 3h25 et je commence a ressentir une grande fatigue.
-Tu es sur que tu ne veux pas que je te ramène ? Dit il sur le pas de la porte, encore plus fatigué que moi.
-Oui sur. On se voit demain.
-Ça marche.

Je rejoins ma voiture a l'autre bout du trottoir et au bout de vingts minutes, je suis chez moi. J'essaye de ne pas faire de bruit pour rejoindre ma chambre et referme la porte de celle ci derrière moi. J'attrape le sac à côté de mon bureau que j'ai dû lancer ici il y a déjà plusieurs jours. J'attrape les quelques cahiers et livres qui s'y trouvent pour les remplacer par ceux dont j'aurais besoin demain. Il faut que je retourne en cours, je ne serais jamais pris pour l'année suivante sinon. Une feuille s'est coincée entre deux livres, je la tire et la déplie, mais je n'aurais jamais dû. Cette feuille aurait dû rester là où elle était, j'aurais dû la jeter sans même l'ouvrir. Je sais très bien d'où elle provient. Je sais a qui elle appartient à ça me tue de me dire que c'est sûrement une des dernières chose qu'il me reste de lui. C'est la feuille que Zayn avait ramassé dans ma voiture le matin ou j'avais amené Louis a la fac. Et sur cette feuille, il y a nous, il y son visage, ses yeux et ses lèvres contre les miennes. Deux grosses larmes son dessinés tombant de mes yeux, coulant sur mes joues. Mes mains se perdent dans ses cheveux. Cette feuille est un dessin. Un dessin de lui. Un dessin de nous. Et en dessous, un texte. Un long texte dont mes yeux remplies de larmes ne peuvent lire ne serait-ce qu'un seul mot.

Soul for saleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant