Chapitre 3 (17) : It reeks of death

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« La scène de crime » est un bien piètre mot pour décrire l'horreur devant laquelle je suis présente. Même sans les corps, même avec l'odeur de pourriture dissipée dans l'air, le sang et les fluides corporels répandus au sol forment un tableau de désolation qui font monter en moi la nausée et la souffrance.

Je ne suis pas la seule à être sur les lieux. Junko est là, bien évidemment, et fouille dans les coins les plus obscurs avec l'aide d'une petite lampe torche, emmurée dans son silence et sa concentration. Mais Daisuke nous a également rejointes, et tâtonne dans les alentours sans trop de conviction, fixant les taches au sol avec un air indéchiffrable, les dents serrées sur sa lèvre.

Je suis incapable de fouiller trop loin. La simple vue du sang séché me donne envie de pleurer, de hurler, de m'enfuir en courant. Du coup, je fais la seule chose dont je suis capable. J'analyse l'ensemble de la scène, et je tente d'en retirer des informations.

La pièce est sombre. Quelques lumières artificielles s'y trouvent, mais la dernière ampoule semble avoir grillé avant qu'on arrive. Personne ne l'a remplacée, sans doute cela voulait-il dire que la lumière s'est éteinte définitivement après le meurtre, ou alors que personne n'allumait les lumières dans cette salle et n'a pu le remarquer. C'est assez peu probable, cependant. Il fait trop sombre pour se battre correctement, et sans lumière il y aurait probablement eu des blessures moins nettes sur les corps.

La lumière n'est pas le plus important. Une chaise traîne dans un coin, renversée et tachée de sang. Je n'ose m'en approcher pour voir dans quel état elle est, mais vu à quel point Daisuke la regarde avec insistance, c'est important. Elle a l'air brisée à un de ses pieds, le pied avant droit. Des éclats de bois traînent sur le sol.

À part ça, rien de particulier. Des restes de plats traînent au loin, vides ; il y a aussi un pot de chambre ébréché qui semble propre, ainsi que des tas et des tas de livres, une table recouverte de poussière mais qui ne semble pas avoir été atteinte par un éventuel combat, et une boîte également vide, longue et fine. Je ne sais pas ce qu'elle contient. Je vois juste que visiblement, cette pièce a servi à stocker quelque chose, et que des conditions de vies extrêmes mais néanmoins supportables y étaient réunis. Taichi vivait-il là ?

Je soupire. Rester plantée là ne m'aidera pas à chercher des indices plus précis ; seulement, je suis incapable de bouger. Et visiblement, mes deux compagnons s'en rendent comptent, puisque Daisuke s'avance vers moi.

« Mate ça, princesse. »

Il tend la main, et je me penche vers son poing serré. Dont dépasse deux bouts de chanvre usé, mais assez longs pour... Des cordes. Ce sont des cordes, qui visiblement ont été utilisées pour quelque chose avant le meurtre vu l'usure. Je les prends, et les fais rouler entre mes doigts. Elles sont dénouées, mais une marque plus claire et quelques morceaux de chanvre rompus m'apprennent qu'elles avaient été nouées autour de quelque chose. Je tente de reformer le nœud, sans succès. La corde a été rompue à un moment, la boucle formée est trop large, et de toute façon le sang dessus m'empêche de trop la manipuler. Je grimace, avant de la rendre à Daisuke.

« Tu en penses quoi ?

— Quelqu'un était retenu ici. »

Je hausse un sourcil. Certes, c'est l'endroit idéal pour une séquestration, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi catégorique... Une grimace déforme mon visage.

« Comment tu sais ça et qui, à ton avis ?

— Qui ? J'en sais rien. Je sais juste que c'est l'endroit idéal, qu'apparemment cette corde a été nouée très longtemps et je sais de quoi je parle, et la chaise porte des marques de corde. »

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