Chapitre 1 (12) : Despair in the name of Love

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Ce qu'on vient de voir est horrible.

Je n'ai pas d'autres mots pour décrire cette atrocité, alors même que l'atrocité se balance sous notre nez.

Personne ne parle. La seule à émettre le moindre son dans cet environnement pourri est Monokuma, qui rit à gorge déployée. Le maître de jeu extatique devant ses macabres actions. La seule joueuse ici, et nous qui sommes les pions.

Je n'arrive pas à détacher mon regard du corps sans vie d'Hina, qui pend encore au bout des fils rouges. Rouges par leur teinture, ou rougis de son sang. Je ne sais pas faire la différence. Et je ne veux plus jamais savoir faire la différence.

Je n'arrive plus à bouger. Je n'arrive plus à parler. Je n'arrive même plus à pleurer.

Je me contente de rester immobile, engluée dans cet affreux silence, me laissant savourer l'horrible sensation de n'être qu'une marionnette au bout des doigts de Monokuma.

Haruko est, encore une fois, la première à briser le silence.

« Elle est morte par amour. Je trouve que pour une préparatrice de mariage, c'est une très belle fin. »

Non.

Les paroles d'Hina me reviennent en mémoire. Je l'entends encore me dire sur ce ton de regret qu'elle ne tombait amoureuse que des filles hétéros. Et Saki ne fait pas exception à cette règle. Hina est morte pour un amour vain, à jamais à sens unique, sans avoir connu le bonheur qu'elle donnait à tous ces gens qu'elle a mariés.

Combien de fois encore vais-je voir ce spectacle ?

Jusqu'à ce qu'il ne reste que moi ?

Où jusqu'à ce que ce soit moi ?

Ce procès, ce meurtre tout entier, a été un gâchis complet. Nous n'avons pas trouvé l'instigateur. Notre seule piste vient de se révéler être le fruit de la névrose d'un homme amoureux de la mauvaise personne. Celle qui l'a tué n'avais jamais eu la moindre intention de prendre une vie.

Et tout ça est arrivé parce que deux personnes étaient amoureuses.

Je savais que l'amour était un vrai gâchis.

Un gâchis dangereux, rempli de souffrance et inutile au monde.

Je serre les poings. Je le savais, je le savais, ça fait un an et demi que je le savais pourtant. J'aurais dû voir venir cette horreur. Mais je n'ai rien vu, j'ai accusé la mauvaise personne, et à cause de moi, il est trop tard. La Tuerie va continuer pour de bon, ayant déjà semé en nous les premières graines du désespoir.

« Inutile de vous dire, pouffe Monokuma, que le procès est terminé, mais que ce n'est pas le cas de la Tuerie ? Votre mois est remis à zéro mais cela ne signifie pas que vous allez être tranquilles...

— La ferme, Monokuma, grogne Daisuke. Fous le camp tout de suite.

— Oh oh oh ! c'est qu'il s'énerve ! Eh bien dans ce cas, à plus mes poussins ! J'avais une bonne nouvelle pour vous, mais elle peut attendre demain.... »

Et sur ces mots, elle disparaît. Tant mieux. Je ne veux pas entendre sa « bonne nouvelle ». Je ne veux pas bouger. Je veux me rouler en boule dans un coin et m'endormir pour l'éternité.

Une main se pose sur mon épaule. Suivie de bras, doux et rassurants. Je ne sais pas qui m'enlace, mais je me sens bien dans sa chaleur. Ses cheveux me donnent envie d'éternuer. C'est presque agréable d'avoir envie d'éternuer. De sentir qu'on est encore là, dans son corps.

« Ça va aller, Reina. Ça va aller."

Est-ce que c'est Michi ? Je crois que c'est Michi. Sa voix est toute douce, ça fait du bien. Je me sens bien, là. Je veux y rester.

Abyss of DespairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant