Chapitre 1

815 64 87
                                    

Même dans ses souvenirs les plus anciens, Jeongin se voyait déjà entrain d'admirer la beauté de Hyunjin.

L'été venait à peine de débuter. Depuis quelques semaines déjà, depuis que le temps était plus clément, ils avaient retrouvé leur habitude de se retrouver sous le pommier bordant le champs appartenant à la famille Lee.

L'hiver avait été rude cette année là, heureusement que les récoltes de riz et de choux avaient été bonnes à la saison précédente. Jeongin avait souffert plusieurs fois de la faim depuis qu'il était enfant : le pays avait subi quelques guerres et disettes, mais désormais le Roi Sejong était attentif à son peuple. Il voulait en privilégier l'enseignement et l'éducation de ses paysans.

C'est d'ailleurs ainsi que Jeongin avait connu Hyunjin. Il s'en souvenait comme si leur rencontre s'était passée la veille.

Âgé de 7 ans, le garçon avait été convié sur la place du village pour accueillir le commanditaire du Roi avec sa famille. Ses parents étaient donc présent, de même que son petit frère Jeongwa encore petit. Ils s'étaient apprêtés ce jour là : Jeongin avait laissé de côté la blouse de coton avec laquelle il travaillait comme apprenti berger auprès de son père et avait enfilé une veste propre ainsi qu'une veste de cuir que sa mère avait cousu elle même. Il avait retrouvé ce matin là tous les autres enfants du village, les quelques amis qu'il avait là ainsi que leurs familles. Il y avait même Yooyeon, la jolie enfant du cordonnier qui lui fit un petit signe de la main. Elle était belle avec ses rubans dans ses cheveux noirs de jais et sa robe bleue. C'était aussi le début de l'été et les douces températures étaient de retour même s'il avait plu encore la veille.

Ils attendirent de longues minutes, les enfants commençaient à jouer entre eux, avant que la délégation officielle n'arrive enfin. Il s'agissait ni plus ni moins que d'une calèche de bois et de métal, tirée par deux chevaux magnifiques qui n'avaient rien à voir avec les animaux de traits des gens du village. La différence entre la beauté du véhicule et les paysans en tenue de coton était frappante : ils se roulaient dans une misère pathétique depuis des années. Luttant contre la faim et abattus par les travaux des champs, la population semblait à bout.

La première personne à sortir de la calèche fut le professeur Hwang. Habillé d'un durugami noir et blanc, il portait sur son nez une minuscule paire de lunettes dont la plupart des paysans ignorait l'existence. Il semblait sévère, ses yeux parcourus la masse de villageois devant lui avant de s'incliner respectueusement vers eux pour se présenter. Il disait être un envoyé du Roi Sejong pour appliquer sa nouvelle loi : le mouvement silhak, pour instruire la population à l'art de l'écriture et ainsi pouvoir plus facilement moderniser les campagnes. Jeongin ne comprenait aucun mot que cet homme expliquait, il était trop impressionné par les détails de sa tenue, la précision des coutures et la prestance de cet homme pour dire quoi que ce soit.

Professeur Hwang tendit alors la main pour aider une femme à descendre de la calèche. Elle était plutôt grande, élancée dans un hanbok rose pâle qui soulignait son teint de porcelaine. Contrairement aux paysannes dont les mains étaient couvertes de cloques à cause du travail, les siennes étaient fines, délicates, et sagement jointes sur son ventre. Même s'il n'était qu'un petit garçon, Jeongin ne pouvait nier que cette femme était belle : son visage était bien dessiné, ses pommettes saillantes, elle avait des lèvres très pulpeuses et de grands yeux noirs qui découlaient de bienveillance. Elle semblait pourtant contrariée de salir ses souliers dans la terre humide de la route du village, mais elle ne dit rien à ce sujet.

La dernière personne à sortir de la calèche était un enfant. Soudain plus intéressé, Jeongin observa ce dernier d'un air curieux. Les cheveux noirs, longs, attachés en une queue de cheval, son habit était d'un rouge profond cousu de noir. Sa mère lui avait légué ses lèvres et ses grands yeux, plusieurs garçons du village semblaient déjà près à venir voir l'enfant avant de se raviser en apprenant qu'il s'agissait d'un garçon. Jeongin ne pouvait pas le quitter des yeux. Le petit garçon ne semblait pas spécialement timide mais il semblait peiné que les autres ne veuillent pas s'approcher de lui.

Sous l'ombre du pommier (𝐻𝑦𝑢𝑛𝐼𝑛)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant